Mikael Blomkvist, brillant journaliste d’investigation, est engagé par un des plus puissants industriels de Suède, Henrik Vanger, pour enquêter sur la disparition de sa nièce, Harriet, survenue des années auparavant. Vanger est convaincu qu’elle a été assassinée par un membre de sa propre famille. Lisbeth Salander, jeune femme rebelle mais enquêtrice exceptionnelle, est chargée de se renseigner sur Blomkvist, ce qui va finalement la conduire à travailler avec lui. Entre la jeune femme perturbée qui se méfie de tout le monde et le journaliste tenace, un lien de confiance fragile va se nouer tandis qu’ils suivent la piste de plusieurs meurtres. Ils se retrouvent bientôt plongés au cœur des secrets et des haines familiales, des scandales financiers et des crimes les plus barbares…
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Trois ans après l’adaptation cinématographique suédo-danoise par Niels Arden Oplev, du premier roman de la trilogie Millenium au succès international de Stieg Larsson, décédé d’un arrêt cardiaque en 2004, Hollywood propose évidemment sa version américaine, avec aux commandes l’un des meilleurs réalisateurs actuels, David Fincher. Avec à son actif 8 longs-métrages sur près de 20 ans de carrière, le cinéaste américain réaffirme ici son savoir-faire pour imposer son univers visuel et plonger le public dans l’abîme glacé du récit suédois. De Zodiac à THE SOCIAL NETWORK (lire notre critique), Millenium les hommes qui n’aimaient pas les femmes en est la résultante tant sur le fond que sur la forme. Si Fincher tend vers une mise en scène au style épuré à la manière de son dernier long-métrage sur un phénomène culturel, avec une photographie âpre et sophistiquée presque souveraine de la Suède froide et enneigée, on retrouve également le potentiel du processus d’enquête de Zodiac. Le choix de cette adaptation n’est pas non plus tout à fait anodin compte tenu des différents thèmes soulevés proches des obsessions de Fincher dans sa filmographie : dénonciation des travers de la société (politique et financière), paranoïa, marginalité de l’individu, difficulté d’insertion, recherche de la vérité, culture geek et violences morales, physiques et sexuelles. Car il est question ici d’un thriller complexe qui stigmatise toute la barbarie des hommes envers les femmes issue de la misogynie, de l’extrémisme, du fascisme et du néonazisme.
Le cinéaste démarre assez fort avec un générique d’ouverture clipesque, très esthétique et totalement organique, déconnecté du reste et dans lequel il capte les corps de Daniel Craig et Rooney Mara éclaboussés par un liquide noir opaque au rythme de la reprise magistrale d’Immigrant Song de Led Zeppelin par Trent Reznor, Atticus Ross et Karen O. Toutefois, si cette nouvelle adaptation a une durée similaire de 2h30 à celle suédoise, le traitement de l’enquête et de l’histoire entre meurtres, sadisme, corruption et secrets de famille est cependant mieux élaboré dans le scénario de Steven Zaillian. Le scénariste de La Liste de Schindler, d’American Gangster et du Stratège expose plus fortement la relation entre les deux protagonistes, Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander, leur conférant ici plus d’empathie et un véritable background. L’interprétation de Daniel Craig, en éditeur du Magazine Millenium et journaliste d’investigation tombé en disgrâce après avoir été accusé de diffamation envers un homme d’affaires puissant Hans-Erik Wennerström, surpasse largement celle de Michael Niqvist – actuellement à l’affiche de MISSION IMPOSSIBLE 4 (lire notre critique) – par son charisme, sa profondeur et sa crédibilité. A contrario du film d’Oplev, Zaillian affiche ici la relation intime entre Blomkvist et sa coéditrice (Robin Wright) au moment où il est recruté par Henrik Vanger, l’un des plus puissants industriels de la Suède (Christopher Plummer), pour découvrir la vérité sur la disparition mystérieuse de sa nièce quarante ans auparavant.
De son côté Rooney Mara, qui fait un pas gigantesque depuis The Social Network, endosse non seulement le rôle le plus important dans l’intrigue mais aussi celui de l’un des personnages féminins contemporains les plus forts et les mieux construits de ces dernières années. Si elle souffre un tant soit peu de la comparaison avec Noomi Rapace – plus froide, plus masculine et plus radicale -, elle dégage un certain potentiel dramatique et parvient à faire valoir ici toutes les nuances de la personnalité de cette hackeuse de 23 ans surdouée et pupille de l’état, véritable trublion de la société. Avec un corps frêle couvert de piercings et de tatouages, néanmoins plus séduisant que celui de sa consœur suédoise, dans un look vestimentaire qui oscille entre gothique et punk avec son admirable tshirt fuck you, you fucking fuck, l’actrice joue constamment en demi-teinte entre sa fragilité et ses blessures intérieures, son côté autiste et renfermé, son comportement violent et son sentiment d’équité liés à ses facultés intellectuelles, son unique force pour se venger d’un système qui la juge inapte à se prendre en charge seule. Si à l’opposé d’Oplev, Fincher ne renchérit pas les effets sordides de la scène du viol avec son nouveau tuteur légal, ici plus avenant et sournois mais tout aussi abject, elle n’en reste pas moins insoutenable, et la vengeance de Lisbeth tout aussi délictueuse.
Bien que son travail avec une firme de sécurité pour laquelle elle pirate des systèmes informatiques l’entraîne à faire équipe avec Blomkvist, la relation entre ces deux outsiders, plongés au cÅ“ur de cette île privée et contrôlée par cette famille de haut rang suédoise, devient plus attachante et plus vraisemblable ici. Zaillian et Fincher présentent également de manière mieux développée les différents personnages de la famille Vanger qui regorge d’anciens nazis, d’exilés et de pervers violents et dont l’un des membres est incarné par Stellan SkarsgÃ¥rd, frère de la disparue, qui vit en haut de la colline dans une maison de verre, symbole de la transparence. Fincher parvient également à rendre plus intense la séquence de la rencontre redoutée par Blomkvist avec le dernier nazi encore vivant de la famille en l’abordant avec un certain recul teinté d’un humour froid et subtile. Si toute la partie investigation s’apparente à celle de Zodiac avec Blomkvist et Salander plongés dans les dossiers d’archives à la recherche de la vérité d’un passé crasseux, la séquence de la reconstitution des images de la parade dans un puzzle photographique numérisé est toutefois moins captivante que celle d’Oplev qui accentuait la tension dans un jeu de montage habile avec de vrais clichés altérés. A l’arrivée, si la machine hollywoodienne emporte avec elle l’atmosphère crade et sordide bien installée dans la version suédoise, Fincher s’en sort bien grâce à son traitement narratif intelligent qui génère une tension palpable permanente avec des personnages mieux développés et une bande son prenante qui se fond avec l’histoire, mais dont le style reste néanmoins proche de The Social Network pour lequel le duo Trent Reznor et Atticus Ross remporta l’Oscar.
MILLENIUM LES HOMMES QUI N’AIMAIENT PAS LES FEMMES (The Girl With The Dragon Tattoo) de David Fincher en salles le 18 janvier, avec Daniel Craig, Rooney Mara, Christopher Plummer, Stellan Skarsgard, Robin Wright, Steven Berkoff, Yorick Van Wageninge, Joely Richardson. Scénario : Steven Zaillian d’après l’oeuvre Stieg Larsson. Producteur : Scott Rudin, Cean Chaffin, Soren Staermose, Ole Sondberg. Photographie : Jeff Cronenweth. Décors : Donald Graham. Montage : Kirk Baxter, Angus Wall. Costumes : Trish Summerville. Musique : Trent Reznor et Atticus Ross. Distribution : Sony Pictures Releasing. Durée : 2h38.
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