La liquidation jeudi 15 décembre 2011 du groupe de postproduction Quinta Industries menace l’ensemble du cinéma français et, Thierry de Segonzac – Président de la Fédération des Industries du Cinéma – en a appelé au Chef de l’Etat sur une situation qui risque d’avoir des « conséquences économiques et culturelles irréversibles ».
Le groupe de postproduction Quinta Industries, détenu à 83% par l’homme d’affaires franco-tunisien Tarak Ben Ammar et 17% par Technicolor, a été placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Nanterre le 15 décembre 2011, ce qui a pour conséquences de supprimer près de 200 emplois en région parisienne, de liquider les autres sociétés du groupe telles Duran Duboi (effets spéciaux et visuels), Scanlab (laboratoire vidéo et numérique), Auditorium SIS et de menacer un nombre de films en cours de montage revu à la hausse. En effet la FICAM avait identifié initialement 36 films en danger, qui avaient été réduits à 32 suite à des accords intervenus entre la direction et les Laboratoires LTC, mais le CNC dans son communiqué de presse faisant suite à la réunion qu’il avait organisée jeudi 22 décembre avec l’ensemble des professionnels du cinéma, évoque 61 films sur la sellette. « Le CNC a attiré l’attention du liquidateur sur la nécessité de traiter les films par degré d’urgence en fonction de leur date prévisionnelle de sortie en salle. Sur les 61 films concernés, 16 ont une sortie prévue d’ici la fin janvier 2012. Six d’entre eux ont d’ores et déjà vu leur situation réglée positivement ».
Mais selon Les Echos, des productions telles La vérité si je mens 3, Star des années 80 ou Les Infidèles n’ont aucune assurance d’être en salles dans les délais prévus. La sortie du film Les Seigneurs a été repoussée sur décision du réalisateur Olivier Dahan, du producteur Isaac Sharry et du distributeur Warner Bros France au 26 septembre 2012 au lieu du 11 avril. Pour Astérix et Obélix au service de sa Majesté des solutions sont à l’étude chez les producteurs dont « la reprise de l’ensemble des effets spéciaux par des sociétés tierces. Cette reprise va s’accompagner de surcoûts importants, que nous n’avions évidemment pas prévus, mais qui sont gérables dans le cadre d’une production comme Astérix ».
Dans le blog des LTCnautes, un article de l’Ecran Total pointe ‘La Mécanique du coeur, première victime de Duran’. Ce projet d’animation 3D et relief de Mathias Malzieu (chanteur de Dionysos) et Stéphane Berla produit par EuropaCorp, pourrait ne jamais voir le jour. Il apparaît qu’outre la liquidation, les tarifs très bas pratiqués au sein de Quinta et dans ce cas précis par Duran et « induisant du travail à perte », avaient déjà placé ce long métrage dans de sérieuses difficultés depuis mai 2011. Quinta Industries était en effet un acteur important du PAF auquel nombre de producteurs confiaient la postproduction des films (montage, effets, sous-titrages, amélioration son et image…), d’où les préjudices financiers colossaux occasionnés.
Le CNC dans son communiqué attire également l’attention sur la casse sociale. Au cours de la réunion, le directeur financier de Quinta Industries rappelle qu’un protocole d’accord a été signé le 19 décembre avec le comité d’entreprise, les organisations syndicales et les salariés des laboratoires LTC. Dans le cadre de la liquidation chacun des 115 salariés percevra 9.000 €, MAIS en échange ils s’engagent à ne pas poursuivre le groupe et son actionnaire. Par ailleurs une réunion sera organisée le 6 janvier prochain pour mettre en place des mesures d’accompagnement destinées au personnel licencié. LTC, ScanLab, SIS liquidées ne peuvent poursuivre leur activité que jusqu’à la mi-janvier. Il n’y a pour le moment pas de repreneur pour Duran et Duran Duboi dont l’activité va jusqu’à la fin du mois de janvier.
Selon Thierry de Segonzac – Président de la Fédération des Industries du Cinéma, de l’Audiovisuel et du Multimédia (FICAM) -, la mise en place du plan de numérisation des salles de cinéma par le CNC (58% des salles à fin septembre et 100% d’ici un an) a eu pour effet l’arrêt immédiat des tirages des copies argentiques. Résultat : les laboratoires photochimiques qui fournissaient les copies, ont vu leur activité baisser de 80%, engendrant un impact sur les filiales du groupe qui traitaient les finitions de films numériques. Mais la CST (Commission Supérieure Technique de l’Image et du Son) conteste le fait de mettre en cause uniquement cette mutation numérique. Cette association pointe aussi « une gestion désastreuse » car le groupe traitait « au bas mot 30% des films produits annuellement en France » et ne souffrait donc pas du manque d’activités. La CST met également en cause la « responsabilité des producteurs qui, s’ils sont aujourd’hui victimes, auraient dû être conscients du caractère douteux des prestations proposées au quart des prix pratiqués sur le marché « .
Thierry de Segonzac, qui a adressé une lettre au Président de la République, annonce une situation qui risque d’avoir des « conséquences économiques et culturelles irréversibles » et ajoute que « les entreprises étant mises en liquidation, il va de soi que les créanciers vont récupérer l’ensemble des éléments. Toutes saisies et déplacements des serveurs informatiques entraîneraient la perte irrévocable des éléments » pour une valeur de « près de 400 à 450M€ ‘de valeur de production’ en cours de traitement soit 25% de l’investissement annuel du cinéma français ». Cette question du devenir des stocks de films des laboratoires LTC figure également dans le communiqué de presse : « Il est essentiel de garantir une conservation pérenne de ces films qui font partie de l’inventaire du patrimoine national, et de permettre aux ayants droit d’accéder dans les meilleures conditions à leurs films. Au cours de cette réunion, deux entreprises répondant aux exigences du CNC ont manifesté en présence du liquidateur leur intention de déposer une offre de reprise auprès du Juge, dès la semaine prochaine ».
Liste non exhaustive des films concernés
- La Vérité si je mens 3 de Thomas Gilou
- Stars des années 80 de Frédéric Forestier
- Renoir de Gilles Bourdos
- LES INFIDÈLES de Gilles Lellouche, Jean Dujardin & Co
- Populaire de Régis Roinsard
- HOLLY MOTORS de Leos Carax
- Les Seigneurs d’Olivier Dahan
- Mains Armées de Pierre Jolivet
- THÉRÈSE DESQUEYROUX de Claude Miller
- Astérix et Obélix – Au Service de sa Majesté de Laurent Tirard
- LA VIE D’UNE AUTRE de Sylvie Testud
- 10 jours en or de Nicolas Brossette
- Sport de Filles de Patricia Mazuy
- Une Nuit de Philippe Lefèbvre
Articles sur le même thème
- Les cinémas d’Art et d’Essai en voie d’extinction ?
- Le cinéma Méliès de Montreuil s’agrandit en 2013
- Mikros Image prépare l’avenir
- Une attraction Harry Potter au parc à thème Universal à Orlando
- Un nouveau studio d’animation à Paris avec Universal, Illumination et Mac Guff