A la fin des années 60, Linda étouffe au sein de sa famille que sa mère, aussi rigide que ses principes religieux, dirige d’une main de fer. C’est une belle fille de 20 ans, prête à embrasser la vie avec enthousiasme malgré sa timidité et sa naïveté. Quand elle rencontre Chuck Traynor, elle ne résiste pas à son charisme viril, quitte le domicile familial pour l’épouser et fait auprès de lui l’apprentissage d’une liberté qu’elle soupçonnait à peine. Chuck la persuade de ses multiples talents et l’incite à se laisser filmer lors de leurs ébats. Amoureuse et soumise, elle accepte de jouer quelques scènes d’un film pornographique. Quelques mois plus tard, en juin 1972, la sortie sur les écrans de GORGE PROFONDE fait d’elle du jour au lendemain une star unique. Vivement encouragées par Chuck, Linda saisit à bras-le-corps sa nouvelle identité de reine de la lliberté sexuelle.
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Ce biopic avait de nombreux ingrédients à disposition pour réussir une intéressante plongée dans la vie de Linda Susan Boreman alias Linda Lovelace, l’une des premières stars de l’industrie pornographique à avoir atteint la notoriété avec Gorge profonde. Ce film légendaire de Gérard Damiano sorti en 1972 et tourné en six jours avec un budget de 25 000$, est devenu l’un des plus rentables de tous les temps en 30 ans d’exploitation. Seulement voilà, Rob Epstein et Jeffrey Friedman – coréalisateurs de Howl en 2010 sur l’une des figures marquantes de la contre-culture américaine Allen Ginsberg, incarnée par James Franco – ne parviennent jamais à soulever les défis de tout ce potentiel et à extirper ce biopic de sa linéarité désespérante. C’est d’autant plus dommage que le film possède plusieurs atouts non négligeables : belles photographies granuleuses et aux couleurs désaturées, bande son disco immersive, excellents décors, costumes, coiffures et accessoires qui recréaient parfaitement la mode et l’atmosphère des années 70. Malheureusement tout ce décorum ne suffit pas et Lovelace, présenté au dernier festival de Sundance, aux allures de Boogie Nights et de Hardcore, reste cantonné dans un cachet de téléfilm sophistiqué, dénué de toute intention de mise en scène. Car si la volonté des réalisateurs est de mettre en lumière la réalité de Linda Lovelace en survolant les différentes périodes de sa vie – de son enfance malheureuse jusqu’à sa consécration comme symbole de la liberté sexuelle -, tout devient ici trop lisse, sans relief et trop soigné dans la narration dont l’intérêt s’amenuise au fur et à mesure.
On éprouve à peu près le même sentiment vis-à-vis du casting. Amanda Seyfried est d’une belle justesse et émouvante en Linda Lovelace mais pas assez. Peter Sarsgaard, dans celui de son mari Chuck Traynor qui l’initie au plaisir de la fellation avant de la maltraiter, la prostituer et l’exploiter, est charismatique mais pas assez. Même James Franco, qui retrouve les réalisateurs, a du mal à s’en sortir dans la peau du fondateur de Playboy, Hugh Hefner. Mais le jeu le plus décevant est sans doute celui de Sharon Stone qui incarne la mère de Linda, une catholique puritaine, rigide et sans cœur. A croire que seul Martin Scorsese a su véritablement la filmer en la propulsant au firmament dans Casino. Elle frise ici la caricature et perd hélas en crédibilité. Finalement seul Chris Noth, qui campe le producteur pornographe Anthony Romano, parvient à sortir son épingle du jeu grâce à un cinglant coup de ceinture au cours d’une scène. Autre point dommageable, le propos féministe. Car si le récit évoque son évolution de victime vers une attitude activiste anti-pornographique, tout ce contexte féministe et son militantisme farouche sont étrangement survolés, voire quasiment absents du biopic. Pourtant dès cette période, tout devient propice à renverser les tabous, libérer les mœurs et faire apparaître le porno-chic. Il était même prévu un caméo de Sarah Jessica Parker dans le rôle de la fameuse militante féministe Gloria Steinem, leader et porte-parole du mouvement de libération des femmes dans les années 1960-1970. Elle n’apparaît pas à l’écran – coupée au montage la pauvre – et ce n’est pas celui ridiculement furtif de Chloé Sevigny en journaliste féministe qui peut bouleverser la dimension sociale, cuturelle et politique de Lovelace.
Le scénario d’Andy Bellin manque ainsi dans son ensemble de complexité, de profondeur, de contexte et de viabilité dramatique ne rendant pas toujours convaincant le portrait psychologique du personnage principal. Et ce, en dépit du processus scénaristique qui joue sur les différentes perspectives relatant dans une première partie l’histoire édulcorée d’une jeune femme consentante, propulsée au devant de la scène médiatique, avant de faire machine arrière dans un second acte qui retrace les mêmes événements avec les faits véritables, contradictoires et bien plus sombres. Si la vie de cette icône décédée en 2002 est contée dans plusieurs autobiographies, dont The Complete Linda Lovelace et Ordeal, laquelle va également connaître une version à l’écran sous le titre Inferno, cette adaptation de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, visuellement bien détaillée et bien ancrée dans cette époque charnière, reste hélas bien trop épisodique dans son exploration limitée par sa mise en scène classique et son scénario.
LOVELACE de Rob Epstein et Jeffrey Friedman en salles le 8 janvier 2014 avec Amanda Seyfried, Peter Sarsgaard, Sharon Stone, James Franco, Juno Temple, Cholé Sevigny, Chris Noth, Adam Brody, Wes Bentley, Bobby Carnavale, James Franco, Hank Azaria. Scénario : Merritt Johnson, Andy Belling inspiré de la vie de Linda Marchiano. Producteurs : Jason Weinberg, Jim Young, Heidi Jo Markel. Photo : Eric Edwards. Montage : Robert Dalva, Matthew Landon. Musique : Stephen Trask. Distribution : Helios Films. Durée : 1h33.
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