Synopsis : Sur l’île d’Amami, les habitants vivent en harmonie avec la nature, ils pensent qu’un dieu habite chaque arbre, chaque pierre et chaque plante. Un soir d’été, Kaito, découvre le corps d’un homme flottant dans la mer, sa jeune amie Kyoko va l’aider à percer ce mystère. Ensemble, ils apprennent à devenir adulte et découvrent les cycles de la vie, de la mort et de l’amour…
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Grande habituée de la compétition cannoise, dont elle se démarqua avec Suzaku, prix de la Caméra d’Or en 1997, et La Forêt de Mogari, Grand Prix du Jury en 2007, Naomi Kawase a intégré la sélection 2014 avec Still The Water. Si le film est cette fois-ci reparti bredouille de cette 67ème édition, il aurait pourtant mérité sa place au palmarès. Still The Water signe un retour aux racines pour Naomi Kawase. Ce récit d’apprentissage – de la vie en même temps que la mort – suit les tourments de deux adolescents, Kaito et Kyoko, sur l’île japonaise d’Amami, dont est originaire la famille de la réalisatrice. Elle n’aurait pu trouver meilleur décor pour y plonger ses états d’âmes, lui permettant notamment de retrouver un de ses thèmes récurrents : la nature et le rapport subtile qui la lie à l’Homme. Chez Kawase, elle est omniprésente dès les premiers plans : celui d’une montagne embrumée dans Hanezu, celui des arbres pliant sous la force du vent dans La Forêt de Mogari et enfin celui d’une mer déchaînée dans Still The Water. La Nature s’y devine toujours puissante, vivante et émotive. C’est d’ailleurs la raison qui pousse le jeune Kaito à la redouter. Il refuse de se baigner, car la mer est « vivante » assure-t-il. C’est aussi cette île, avec laquelle elle a tissé un lien intime et personnel, qui permet à la réalisatrice d’explorer la filiation, le cycle de la vie et de la mort. Si elle est partout - sur la plage, dans la découverte d’un cadavre qui flotte au bord de l’eau, à la ferme via l’abattage d’une chèvre et dans le foyer même où se meurt la mère de la jeune Kyoko -, la vie irradie cette oeuvre. « Ma vie est reliée à la tienne pour toujours » assure Isa, ancienne chamane, à sa fille Kyoko, le visage apaisé et baigné de lumière.
Né d’un deuil (la mort de la mère adoptive de la réalisatrice), Still The Water aborde ainsi avec une grâce bouleversante la question de la transmission d’une génération à une autre, à savoir d’une mère à sa fille qui survit à travers les âges. Un lien si puissant que la mort elle-même ne peut rompre. Loin de plomber le spectateur, Still The Water donne à voir la mort comme une forme de renaissance. Ce drame intense tire sa force de ce rapport sensible que Naomi Kawase entretient avec la Nature, la vie, la mort qui s’expose dans l’une des scènes les plus émouvantes : Isa, entourée de sa famille et ses amis, livre son dernier souffle au terme d’une danse-transe chamanique. Autre réussite, le portrait en retenue de ces deux adolescents qui s’éveillent à la vie et à l’amour. D’un côté, Kyoko confrontée à la perte d’un être cher, de l’autre Kaito, jeune homme taciturne qui cherche à sonder le cœur et ses raisons. Si le style contemplatif et gracieux de Naomi Kawase pouvait dans le passé être synonyme d’ennui, il fait preuve ici d’une puissance sensorielle, qui parvient à toucher en plein cœur.
Charlène Salomé
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- STILL THE WATER écrit et réalisé par Naomi Kawase en salles le 1er Octobre 2014.
- Avec : Nijiro Murakami, Jun Yoshinaga, Miyuki Matsuda, Tetta Sugimoto, Makiko, Watanabe, Jun Murakami, Fujio Tokita
- Production : Masa Sawada, Takehiko Aoki, Naomi Kawase
- Photographie : Yutaka Yamazaki
- Montage : Tina Baz
- Musique : Hasiken
- Distribution : Haut et Court
- Durée : 1h59
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