Fury de David Ayer: critique

Publié par CineChronicle le 21 mars 2015

Synopsis : Avril 1945. Les Alliés mènent leur ultime offensive en Europe. À bord d’un tank Sherman, le sergent Wardaddy et ses quatre hommes s’engagent dans une mission à très haut risque bien au-delà des lignes ennemies. Face à un adversaire dont le nombre et la puissance de feu les dépassent, Wardaddy et son équipage vont devoir tout tenter pour frapper l’Allemagne nazie en plein cœur…

 

♥♥♥♥♥

 

Fury - affiche

Fury – affiche

Petite séance rattrapage sur ce drame de guerre sorti en salles en octobre de l’année dernière et plus récemment en vidéo fin février. Envoûtant à force de brutalité, Fury ne ménage pas son spectateur perdu dans ce huis clos apocalyptique des blindés. On comprend dès les prémices qu’il faudra se démener comme un beau diable pour ne pas s’identifier à cette équipe de frondeurs. David Ayer, dont l’œil cinématographique et la virtuosité de la mise en scène de End of Watch n’avaient pas démenti ses qualités de réalisateur, révèle une œuvre à la fois prometteuse et radoucie. Nonobstant un casting émérite dont les prouesses de jeu d’acteurs ne sont plus à prouver, le récit ne parvient hélas jamais à sortir du bourbier stéréotypé dans lequel il a enfoui ses personnages. Shia Labeouf et Brad Pitt maîtrisent si bien l’abécédaire des expressions douloureuses du faciès qu’on les croirait sortis d’un cours de Stanislavski. Logan Lerman interprète la jeune bleusaille qui rejoint le clan des loups, composé du fervent religieux, du redneck crasseux et du comique mexicain. Les compagnons de galère sont donc dirigés par Brad Pitt, véritable surhomme nietzschéen dont l’ambition veut marquer au fer rouge la testostérone de l’homme viril sur le panthéon du cliché. On regrette que les prestations psychologiquement impressionnantes des acteurs doivent être associées à pareilles faiblesses de caractère.

 

Brad Pitt, Jon Bernthal, Logan Lerman, Michael Pena, Shia LaBeouf dans Fury de David Ayer

Brad Pitt, Jon Bernthal, Logan Lerman, Michael Pena, Shia LaBeouf dans Fury de David Ayer

 

De nombreux éléments pertinents semblaient œuvrer à la construction d’une fresque guerrière aussi réaliste que tragique : la pression psychologique de l’enfermement lié au char, les démembrements des corps, l’atrocité de la chair meurtrie donnée en spectacle, les cadavres mutilés, les hommes brisés par le combat. Pourtant tout dérape et le manque de crédibilité va de mal en pis pour atteindre son paroxysme avec la scène finale décevante, outrageusement hollywoodienne. « Ca va s’arrêter bientôt. Mais avant ça, y a un tas de gens qui doivent encore mourir ». La réplique de Brad Pitt, annonciatrice et criante de vérité, est à ce point symptomatique de la dernière scène qu’elle en est l’unique description. La surenchère guerrière prend alors le pas sur le réalisme précédemment installé – rappelons par exemple la fameuse bataille contre le Tigre allemand dont l’affrontement semble fidèle à la réalité. On retrouve en effet notre groupuscule confiné dans son habitacle métallique et encerclé par des Allemands toujours plus nombreux, fourmillant comme des insectes guidés par le bourdonnement de la bande son mélodramatique.

 

Brad Pitt, Logan Lerman, Michael Pena, Shia LaBeouf dans Fury de David Ayer

Brad Pitt, Logan Lerman, Michael Pena, Shia LaBeouf dans Fury de David Ayer

 

La suite relève du feu d’artifice et semble vouloir à nos yeux de spectateur leur en faire l’affront. Les balles sifflent, la pyrotechnie donne sa pleine mesure et des lambeaux de chair se dispersent ça et là. Une contre-plongée exhibe un Brad Pitt, presque seul contre tous, faisant tourner sa pétoire comme un saltimbanque pour repousser l’ennemi qui dissémine l’équipe un à un. Lorsque ce dernier s’effondre à son tour, Ayer nous donne le coup final et abat sa plus belle carte, celle des violons, des larmes, d’un pathos plus que douteux, d’un cinéma dévoré par le divertissement. Pourtant, malgré les nombreux défauts, la caméra parvient à nous embarquer à l’intérieur des chars alliés. Les gros plans sur les visages apeurés et la gestion minutieuse, voire ingénieuse, des espaces exigus méritent qu’on s’y attarde. Fury semble dès lors quasi coupé en deux. Le début était prometteur avec son esthétique sobre mais efficace qui dénonce la folie guerrière et ses victimes collatérales. Mais la fin, avec son recyclage d’archétype de surpuissance et l’absurde désorganisation du bataillon allemand, nous laisse le goût amer d’un biscuit aux orties…

 

Didier Delvaux 

 

 

  • FURY écrit et réalisé par David Ayer sorti en salles le 22 octobre 2014 et disponible en DVD/Blu-ray depuis le 23 février 2015.
  • Avec : Brad Pitt, Shia LaBeouf, Logan Lerman, Jon Bernthal, Michael Pena, Jim Parrack, Brad William Henke, Jason Isaacs…
  • Production : John Lesher, Bill Block, Ethan Smith, David Ayer
  • Photographie : Roman Vasyanov
  • Montage : Jay Cassidy, Dody Dorn
  • Décors : Malcom Stone, Lee Gordon
  • Costumes : Anna B. Sheppard
  • Musique : Steven Price
  • Distribution : Sony Pictures
  • Editeur DVD : SPHE
  • Durée : 2h14

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