Synopsis : À Los Angeles, un homme mystérieux et solitaire surnommé « Le chauffeur » est maître dans l’art de semer la police lors de braquages à hauts risques. Un brillant détective le traque sans relâche et décide de le piéger en montant un faux casse avec une équipe de malfrats. Afin de lui échapper, Le Chauffeur s’associe avec « La Joueuse », une jeune femme séduisante et énigmatique. Témoin de l’un de ses braquages à la sortie d’un casino, elle refuse de donner son signalement à la police.
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Driver n’est que le second long métrage réalisé par Walter Hill en 1978, trois ans après Le Bagarreur. Si on lui doit d’abord le scénario de Guet-Apens de Sam Peckinpah en 1972, il a fait ses classes en tant qu’assistant auprès de réalisateurs comme Norman Jewison sur L’Affaire Thomas Crown et Peter Yates sur Bullitt, sortis tous deux en 1968. Walter Hill signe avec Driver un coup de maître. Véritable choc esthétique, Driver n’a eu de cesse de faire des émules à l’instar de DRIVE de Nicolas Winding Refn (notre critique), qui s’en est inspiré, voire par moments carrément plagié. Là où Ryan Gosling promenait son charisme lisse et soporifique, Ryan O’Neal accroche la pellicule avec un magnétisme de tous les instants dans un rôle initialement prévu pour Steve McQueen. Après le désistement de ce dernier, l’acteur de Love Story et de Barry Lyndon trouve un des rôles de sa vie. Avec une économie de dialogues, le comédien parvient à restituer toute l’ambiguïté, le dilemme, la solitude, la lassitude et le sang-froid de son personnage énigmatique qui répond au nom du Chauffeur ou du Cowboy. Il doit ce surnom au flic prêt à tout pour lui mettre le grappin dessus, quitte à organiser lui-même un braquage pour lequel il servirait de chauffeur. Ce flic marginal et obstiné, dont les méthodes peu orthodoxes sont rejetées par ses collègues, est magistralement incarné par Bruce Dern, qui braque lui-même l’écran à chaque apparition. Entre Violette et François de Jacques Rouffio et Nosferatu, fantôme de la nuit de Werner Herzog, notre Isabelle Adjani nationale signe une de ses rares incursions, la première d’ailleurs, au sein de l’industrie hollywoodienne. Âgée de 22 ans, elle traverse ce polar noir avec une élégance digne des femmes fatales de l’âge d’or, auxquelles son personnage fait explicitement référence, y compris dans sa garde-robe. Mystérieuse, diaphane, glaciale, superbe, elle n’a que peu à faire pour marquer les mémoires.
Walter Hill, également scénariste, développe son style dépouillé tout en soignant le cadre. D’une redoutable efficacité, sa mise en scène entraîne le spectateur dans des courses-poursuites nerveuses, menées pied au plancher, et particulièrement innovantes à l’époque. L’ensemble est magnifiquement capturé par le chef opérateur Philip H. Lathrop (La Panthère rose, On achève bien les chevaux). Essentiellement tourné de nuit, Driver s’avère un véritable western urbain où tous les archétypes du genre sont réunis. Walter Hill s’en amuse et les détourne. Si les voitures remplacent les chevaux, les décors rappellent parfois un saloon ou une bâtisse du Far West, avec ce shérif impitoyable qui veut mettre la main sur le bandit. Sur un rythme trépidant et un montage virtuose, le cinéaste enchaîne les séquences spectaculaires et les confrontations entre les personnages dans les rues de Los Angeles. Driver fut un grand succès à sa sortie, même en France avec plus d’un million de spectateurs. S’il reste pourtant encore méconnu dans l’hexagone, c’est l’occasion aujourd’hui de (re)découvrir et réhabiliter ce bijou haletant des années 70.
TEST BLU-RAY : Pour sa sortie en Blu-ray, Showshank Films accompagne Driver d’un petit making of d’époque (10’) constitué d’images rares issues du tournage, d’interviews du producteur Lawrence Gordon et du réalisateur Walter Hill. Ce documentaire se focalise essentiellement sur les prises de vues d’une séquence de cascades. Un autre bonus propose un début alternatif (3’) avec Isabelle Adjani d’un côté et Bruce Dern de l’autre. Le master HD ne tient pas réellement ses promesses. La copie paraît déjà bien vieillotte. Le résultat s’avère décevant tant l’apport de la haute-définition semble souvent insignifiant, d’autant que le Blu-ray est format 1080i. On se dit pendant le générique d’ouverture que les flous et les fourmillements vont disparaître à la fin des crédits, et bien que nenni. La gestion des contrastes et du grain reste aléatoire, l’image demeure poreuse, le piqué est émoussé. Les pertes de la définition ne sont pas rares, y compris durant une même séquence. Certaines scènes et gros plans parviennent néanmoins à sortir du lot avec des détails plus acérés : la clarté est indéniable sur les quelques séquences diurnes, la colorimétrie acceptable. Cependant, l’impression de visionner un DVD sensiblement amélioré se fait clairement ressentir. L’éditeur ne propose pas un remixage inutile, mais encode les versions originale et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française DTS 2.0 au doublage old-school plutôt soigné, qui repose autant sur les voix que sur les effets annexes, avec un très léger souffle. Les dialogues sont cependant trop élevés, même à faible volume, et l’ensemble manque de naturel, même si cette piste demeure propre et nette. Elle n’est en revanche pas aussi fluide et homogène que la version originale qui restitue les dialogues avec plus de panache et de clarté. Dans les deux cas, les séquences de poursuites restent dynamiques et ardentes.
- DRIVER (The Driver) écrit et réalisé par Walter Hill, disponible en DVD/Blu-ray depuis le 20 octobre 2015.
- Avec : Ryan O’Neal, Bruce Dern, Isabelle Adjani, Ronee Blakley, Matt Clark, Felice Orlandi, Joseph Walsh, Rudy Ramos…
- Production : Lawrence Gordon
- Photographie : Philip H. Lathrop
- Montage : Tina Hirsch, Robert K. Lambert
- Décors : Darrell Silvera
- Costumes : Jack Bear, Robert Cornwall, Jennifer L. Parsons
- Musique : Michael Small
- Editeur : Showshank Films
- Tarif : 19,99 €
- Durée : 1h28
- Distribution initiale : EMI Films, Twentieth Century Fox Film Corporation
- Date de sortie initiale : 28 juillet 1978 (Etats-Unis), 23 août 1978 (France)
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