Synopsis : Hong-Kong, 2008. Le jeune idéaliste Lee Xiang et la surdouée Kat Ho font leurs débuts chez Jones & Sunn, une multinationale sur le point d’entrer en bourse. Alors que la banque Lehman Brothers fait faillite aux États-Unis, la tension commence à se faire sentir au sein de l’entreprise. Lee Xiang et Kat Ho vont petit à petit découvrir le monde extravagant et outrancier de la finance…
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Le prolifique maître hongkongais de 62 ans revient au cinéma avec Office, une comédie musicale corporate, sortie en Chine il y a deux ans. Le récit, situé à l’aube de la crise financière de 2008, brosse une peinture aiguisée de l’entreprise chinoise, le tout dans une esthétique ultra-stylisée, fantaisiste et pop qui rend compte de l’audace et de la modernité de Johnnie To. Adapté d’une pièce de la Thaïlandaise Sylvia Chang, Design for living (qui n’a rien à voir avec le chef-d’œuvre de Ernst Lubitsch), Office offre un cadre schématique, construit de toutes pièces. Cette hyper-construction des décors, des personnages et du récit éloigne le film de la critique acerbe attendue dans ce genre de thématique. De plus, la légèreté de ton et l’approche rétro-pop contrastent avec l’indéniable volonté critique du cinéaste, laissant le spectateur quelque peu confus par moments. L’histoire démarre avec l’arrivée du jeune idéaliste Lee Xiang et de la surdouée Kat Ho au sein de la multinationale de Jones & Sunn qui s’apprête à entrer en bourse et à négocier l’achat d’une marque américaine de cosmétiques. Dans cette ambiance de frénésie, les deux apprentis vont faire face à des situations et à des agissements contraires à leur vision du monde. La naïveté de ces deux personnages va avoir bien du mal à survivre dans cet environnement dominé par le cynisme et l’appât du gain. Ils vont peu à peu se confronter à leur désillusion, parallèlement à leur histoire d’amour. Les tromperies, les manipulations, les trahisons vont finir par abattre les fondements de cette entreprise prestigieuse avant de revenir à un modèle économique d’ordre familial, avec la passation de pouvoirs.
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Dans un souci de perfection formelle qui caractérise le cinéaste, la mise en scène est aussi millimétrée que les horaires de travail des employés de Jones & Sunn. La grosse horloge qui surplombe les bureaux, renvoyant à la machinerie de Métropolis de Fritz Lang, ne cesse de rappeler que « le temps, c’est de l’argent », axiome que les employés respectent sans broncher et avec un enthousiasme artificiel. Les cloisons vitrées transparentes soulignent l’ultra-vigilance à laquelle sont soumis ces travailleurs acharnés, qui ressemblent à des fourmis, à travers leur attente disciplinée des ascenseurs. De plus, la mise en scène, dans ce vaste décor de studio, permet de hiérarchiser les différents statuts des personnages ; des hauteurs accessibles seulement aux patrons et grands cadres à l’immense open-space dans lequel résonne le bruit incessant des claviers d’ordinateurs des employés. Le tout devient un ballet tragique, même si peu de scènes sont véritablement dansés. La mise en scène minutieuse, dynamique et spectaculaire transforme déjà, à elle seule, les mouvements en virtuose chorégraphie.
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L’intérêt du film se révèle clairement plus formel que sociétal ; le cinéaste de Breaking News, The Mission et Election n’offre pas de réflexion nouvelle sur l’entreprise, le pouvoir, la cupidité et la crise financière dans le sillage, ici, de la chute de Lehman Brothers aux États-Unis. Outre son regard ironique sur le capitalisme, cette problématique déplacée à Hong Kong donne un point de vue universel qui ne révèle rien de vraiment spécifique. Néanmoins, on salue sa démarche ludique, calibrée et pointue, qui renouvelle une fois encore ses choix de carrière, après une première ébauche dans Sparrow via sa séquence de ballet de parapluies. Tout comme on apprécie les costumes confectionnés avec soin. Se dégage d’ailleurs dans Office une nostalgie des comédies musicales classiques dont il redonne une certaine vigueur, à l’heure où le cinéma s’éloigne de plus en plus de ses modèles.
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- OFFICE (Hua Li Shang Ban Zu)
- Sortie salles : 9 août 2017
- Réalisation : Johnnie To
- Avec: Chow Yun-Fat, Sylvia Chang, Eason Chan, Tang Wei, Wallace Chung, Cheung Siu Fai…
- Scénario: Sylvia Chang, Wai Ka-Fai
- Production: Johnnie To
- Photographie: Cheng Siu-Keung
- Montage: David M. Richardson, Allen Leung
- Décors: William Chang, Yau Wai Ming
- Costumes: William Chang, Lui Fung Shan
- Musique: Ta-yu Lo, Fai Young Chan
- Distribution: Carlotta Films
- Durée: 1h59
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