Synopsis : États-Unis, années 70. Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une Å“uvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide – contrairement à toute logique – de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manÅ“uvres dangereuses et difficiles de Jack.
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Lars von Trier nous livre sa chambre froide des horreurs! Après son bannissement pour ses propos sur le nazisme lors de la conférence de presse cannoise de Mélancholia en 2011, ce persona non grata est de retour sept ans plus tard sur la croisette, avec The House that Jack built, présenté hors compétition. Un retour encore et toujours controversé pour le cinéaste danois, Palme d’or pour Dancer in the Dark, qui s’est attiré les foudres des festivaliers lors de sa première projection au Théâtre Lumière. Il signe ici une étude psychologique de deux heures trente, avec un Matt Dillon habité en architecte du mal. Après avoir longtemps dépeint des portraits de femmes, son récit, toujours scindé en chapitres, retrace cette fois la trajectoire d’un homme, un tueur en série, sur douze ans aux États-Unis dans les années 1970. Par le prisme de ce psychopathe solitaire, qui considère chaque meurtre comme une Å“uvre d’art, le film radiographie cinq incidents -sur près de soixante-dix meurtres-, qui mettent en lumière les crimes de cet être qui souffre de trouble obsessionnel compulsif. Ce parcours intérieur, il le partage avec un inconnu -sorte de confesseur invisible-, prénommé Verge (Bruno Ganz). Si The House that Jack built se révèle une oeuvre mineure dans la filmographie de Lars von Trier, ce thriller psychologique, à la fois fascinant et déconcertant, fait office d’effets de miroir sur les obsessions torturées du cinéaste et son regard sombre et subversif sur l’humanité. Quand tuer se transforme en oeuvre d’art devient ainsi le théâtre sordide de Jack alias Mr Sophistication dans un mélange de gore et d’humour noir et absurde. On est ainsi plongé dans la psyché et les tourments de cet homme qui lutte avec la nature même du meurtre et ses effets cathartiques et salvateurs ; ce qui se révèle dans l’évolution de son modus operandi. Pour Jack, le meilleur moyen de se cacher, c’est aussi de s’exposer. Il étrangle ses victimes, les mutile, les poignarde, les abat au fusil de chasse, puis les congèle. Il s’amuse à photographier ses victimes sur les lieux du crime puis à les entasser dans une chambre froide. La rigidité cadavérique lui permet ensuite de modeler les corps selon ses délires « artistiques ». De cet après-midi de chasse en « famille » et son pique-nique macabre jusqu’à cette relation d’un possible amour avec une jeune femme (Riley Keough), tout devient propice à explorer ce qui motive cet homme. Lars von Trier ponctue ce bain de sang de références à l’art, à l’architecture, à la culture pop (clin d’oeil à Don’t look back de Bob Dylan), à Glenn Gould, à l’architecture et à ses films précédents, tels Breaking the Waves, Dancer in the Dark, Antichrist. Matt Dillon offre une palette de jeu remarquable dans la peau de ce psychotique impassible entre absence d’empathie, folie calculée, maniaquerie, tocs et désinvolture. Lars von Trier signe une oeuvre subversive, cruelle et sadique, qui prend son rythme sur Fame de David Bowie, tout en limitant ses capacités conceptuelles mais dont il donne une puissance hypnotique dans le dernier acte.
- THE HOUSE THAT JACK BUILT
- Sortie salles : ne dispose pas encore de date
- Réalisation : Lars Von Trier
- Avec : Matt Dillon, Bruno Ganz, Uma Thurman, Siobhan Fallon, Riley Keogh, Sofie Grabel, Jeremy Davies, Yoo Ji-Tae
- Scénario : Lars Von Trier
- Production : Edourad Weil, Vincent Maraval, Brahim Chioua
- Photographie : Manuel Alberto Claro
- Montage : Molly Malene Stensgaard
- Décors : Simone Gray
- Costumes : Manon Rasmussen
- Distribution : Les Films du Losange
- Durée : 2h35