Résumé : le livre brosse un portrait de l’artiste et capture les thématiques qui traversent sa carrière. Explorant le temps, les espaces et les corps, Soderbergh est un observateur du monde contemporain et des mécanismes qui le régissent.
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Insaisissable par son éclectisme apparent, l’œuvre cinématographique et télévisuelle de Steven Soderbergh demeure animée par une force de cohérence dont le présent ouvrage cherche à appréhender les orientations diverses à travers la dynamique des fluides. Pour Pauline Guedj, anthropologue, journaliste, maître de conférences à l’université Lyon 2 et déjà auteure de l’excellente étude Louis Malle. Regards sur l’Amérique (Ovadia, 2020), c’est en effet une semblable fluidité qui guide l’évolution de la carrière, des méthodes et des trajectoires du réalisateur américain. Guedj revient d’abord sur l’histoire d’un surdoué qui après avoir connu la gloire immédiate avec son premier long métrage palmé à Cannes, Sexe, Mensonges et Vidéo (1989), endura une traversée du désert de près de dix ans. La réception critique et publique désastreuses de Kafka (1991), À fleur de peau (1995) et Schizopolis imposèrent au cinéaste une mise en cause salvatrice. Parmi les doutes qui l’assaillirent, une évidence trouva sa place : continuer à faire du cinéma à sa manière. De fait, l’auteure explicite les déterminismes de la démarche de Soderbergh qui parvint à s’imposer à Hollywood sans jamais abandonner son goût pour l’innovation et l’expérimentation. Se jouant sans totalement déjouer les règles imposées par le cinéma commercial, le cinéaste façonne moins un style qu’une méthode qui le voit s’impliquer dans l’ensemble du processus de création de ses films tout en s’assurant la présence de collaborateurs (acteurs, décorateurs, scénaristes…) à même de soutenir, partager, et souvent prolonger sa vision. Car si Soderbergh peut sans conteste être considéré comme un auteur, son œuvre fait d’abord preuve d’un indéniable sens du collectif.
Cette qualité renvoie à une approche communautaire du cinéma qui prend littéralement corps à travers une représentation de l’intime. Car si Guedj rappelle l’importance du travail intellectuel et scientifique fourni par Soderbergh en amont de ses films (le cinéaste se documentant au maximum pour bien saisir les enjeux de ses sujets), c’est bien une démarche anthropologique qui guide la composition de ses images.
Entre sensualité glamour (Hors d’atteinte ; la trilogie des Ocean’s) et réalité organique (Contagion ; la série The Knick), Soderbergh réfléchit les regards conventionnels et les rapports de domination que l’industrie hollywoodienne, et partant la culture occidentale, imposent aux corps, que ceux-ci soient féminins (Girlfriend Experience ; Piégée) ou masculins (Magic Mike).
S’appuyant sur différents entretiens du réalisateur, ainsi que sur de nombreux articles et ouvrages anglo-saxons (et donc inédits en France), ce brillant essai propose une série de perspectives à même d’éclairer l’anatomie d’une œuvre aussi plurielle que singulière.
- STEVEN SODERBERGH, ANATOMIE DES FLUIDES
- Autrice : Pauline Guedj
- Éditions : Playlist Society
- Collection : Essai/Cinéma
- Date de parution : 16 novembre 2021
- Langues : Français uniquement
- Format : 160 pages
- Tarifs : 14 € (print) – 7 € (numérique)