Synopsis : Alain, la quarantaine, dirige une célèbre maison d’édition où il publie les romans de son ami Léonard, écrivain bohème. Selena, la femme d’Alain, est la star d’une série télé populaire et Valérie, compagne de Leonard, assiste vaillamment un homme politique. Bien qu’ils soient amis de longue date, Alain s’apprête à refuser le nouveau manuscrit de Léonard… Les relations entre les deux couples, plus entrelacées qu’il n’y paraît, vont se compliquer.
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Après Personal Shopper sorti en 2016, Olivier Assayas (Sils Maria, Les Destinées Sentimentales, Carlos) reprend dans Doubles vies la thématique de la modernité technologique, ses possibilités et ses affres. Le film scrute le milieu de l’édition parisienne et se concentre sur Alain interprété par Guillaume Canet (Le Grand Bain, L’Homme qu’on aimait trop, Jappeloup) et Léonard campé par Vincent Macaigne (Tristesse Club, La Loi de la jungle, Les Deux Amis), respectivement éditeur et romancier bohème. Les deux hommes sont dépassés par le tourbillon des nouvelles pratiques du monde contemporain et peinent à retrouver leur place au sein de cette société dont ils ne maîtrisent plus les codes. Nora Hamzawi, sous les traits de l’intelligente et sensible Valérie, ne laisse pas indifférent. Julienne Binoche incarne quant à elle Selena, une actrice de série télévisée. La matière du récit réside dans ce tête à tête, ce face-à-face impossible entre le monde moderne et l’égoïsme des personnages. Assayas filme donc cet échange, cet interminable débat qui redistribue les rapports sociaux via l’impact d’internet. Cette comédie bavarde mais brillante à la mise en scène tout à fait classique —se limitant le plus souvent au champ-contrechamp, noue également des relations de couple compliquées et plus entrelacées qu’il n’y paraît. Le réalisateur prend ici pour modèle L’Arbre, le Maire et la médiathèque de Rohmer. Il n’y a pas d’événement : de longues séquences sans scènes de transition se juxtaposent et tissent les liens entre les différents protagonistes, construisant un film d’idées dont la force tient précisément à ce tissage sentimental. Doubles vies parle d’amour, d’infidélité, de mensonge et de quiproquo. Cependant, Olivier Assayas étudie avant tout le rapport entre l’éditeur et l’écrivain. L’auteur écrit au fil de la plume, deux hommes s’affrontent, confrontent leur point de vue, et le jeu de ping-pong finit par produire des étincelles, comme si fiction et dramaturgie étaient générées par le dialogue à lui seul. Le film, qui avance par le biais de l’énergie procurée par une prise de parole libre et vive, évoque le cinéma de Woody Allen alors que le ton grinçant de scène de la libraire rappelle celui de Moretti. Doubles vies repose sur la spontanéité, le naturel et la justesse des conversations. Porté par un remarquable casting, le long-métrage s’achève sur une délicieuse utopie sentimentale. Une comédie intellectuelle qui se laisse savourer.
- LES DOULES VIES
- Sortie salles : 16 janvier 2019
- Réalisation : Olivier Assayas
- Avec : Guillaume Canet, Juliette Binoche, Vincent Macaigne, Nora Hamzawi, Christa Theret, Pascal Greggory, Lionel Drayrabotnik, Sigrid Bouaziz, Laurent Poitrenaux
- Scénario : Olivier Assayas
- Production : Charles Gillibert
- Photographie : Yorick Le Saux
- Montage : Simon Jacquet
- Décors : François Renaud Labarthe
- Costumes : Jurgen Doering
- Distribution : Ad Vitam
- Durée : 1h46