Quatre générations sont passées depuis que la Métro Goldwyn Mayer, Universal, 20th Century Fox, Paramount, Columbia et Warner Bros ont été fondées pendant les années 20. Dans ce livre, Neal Gabler – auteur, journaliste et historien de cinéma – retrace le parcours de ces hommes, cette première génération de juifs immigrés d’Europe centrale, venue conquérir le nouveau monde sans un sou en poche et en quête d’une vie meilleure.
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Ces hommes sont Adolph Zukor (Paramount), Carl Laemmle (Universal), Louis B. Mayer (MGM), William Fox (20th Century Fox), Samuel Goldwyn (MGM), Harry Cohn (Columbia), Irving Thalberg (MGM), les frères Warner (Warner Brothers)…
Ils se sont créés l’image d’une Amérique de tous les possibles pour être enfin ce qu’ils désiraient devenir. Ils ont décidé de renier leur passé en se dévouant à leur pays d’adoption pour bâtir de leur main le royaume de leurs rêves.
C’est en vue d’échapper à l’emprise du Trust Edison sur la région de New York que les fameux tycoons (magnats) ont émigré en Californie, alors qu’elle n’était encore qu’une terre vierge avec ses montagnes, son océan et son désert à perte de vue baignant sous un climat chaud permanent. En d’autres termes, la Californie était une structure primitive et perméable, sans boutique ni restaurant.
Ces studios ont vu le jour grâce aux identités de chacun pour devenir l’industrie du cinéma. Cette rage de vaincre omniprésente, pour devenir américains les ont conduits à diriger d’une main de fer leurs entreprises, renonçant à ce qu’il y avait de juif en eux et incitant notamment certaines stars à changer de nom. C’est ainsi entre autres que Betty Perske, juive originaire de NY, est devenue Lauren Bacall. Le chanteur de Jazz d’Alan Crosland (1927), produit par Warner Bros, est considéré comme le premier film parlant, qui révolutionna le monde du cinéma hollywoodien. Al Jolson incarne un chantre de synagogue renonçant à la tradition pour conquérir Broadway.
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Des stars naîtront comme Frank Capra, qui fut appelé par Harry Cohn de la Columbia pour une simple raison : il faisait partie des noms en tête d’une liste de réalisateurs au chômage. Son contrat avec le studio lui donnait le monopole sur l’écriture des scénarios de ses films, la réalisation et la production pour un cachet de 1000 $ par film. C’est ainsi qu’il devint l’un des meilleurs réalisateurs des années 30 avec New York Miami (Oscars du Meilleur Film, Meilleur Réalisateur, Meilleur Scénario, Meilleur Acteur et Meilleur Actrice), l’extravagant Mr Deeds (Oscar du Meilleur Réalisateur), Mr Smith au sénat (Oscar du Meilleur Scénario)…
Ou encore Bette Davis qui fut la star de la Warner Bros et Humphrey Bogart pour La grande évasion, Casablanca (3 oscars). Clark Gable avec MGM pour Les révoltés du Bounty, Autant en emporte le vent (10 récompenses). Les Marx Brothers et les réalisateurs comme Billy Wilder, Cecil B DeMille avec Paramount. Erich Von Stroheim ou encore Boris Karloff et les films comme Frankenstein, Dracula pour Universal. Marilyn Monroe a signé, quant à elle, deux fois pour 20th Century Fox… Les producteurs partirent également à la conquête d’autres talents en Europe.
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Pendant la seconde guerre mondiale, les juifs d’Hollywood ont pris le parti du divertissement à l’écran. Réaliser des films à caractère politique était pour eux une erreur. L’arrivée de la télévision en 1945 et son développement ont fait chuter les entrées du cinéma hollywoodien. Une première commission sur « la chasse aux sorcières » s’est ouverte en 1947 où figuraient les témoins « amicaux » qui ont accepté de coopérer comme Jack L. Warner, Louis B. Mayer, mais aussi Walt Disney, Ronald Reagan, Gary Cooper, Robert Montgomery… Le Maccarthysme et sa liste noire en direction de la prestigieuse Hollywood ont provoqué un véritable raz-de-marée à partir de 1950.
Durant toutes ces années, ces anciens cordonniers, aide comptables ou tailleurs qui ont vécu la misère, la famine et les pogroms ont su façonner une constellation de valeurs, d’attitudes et d’images qui sont devenues la quintessence même de l’Amérique et le symbole du rêve américain. C’est ce que Neal Gabler démontre tout au long de ce livre : l’histoire d’un paradoxe…
Les studios ont été rachetés par des industriels et des financiers, mais les noms et leur esprit ont survécu et survivent encore. Neal Gabler a reçu en 2005 le Prix du Meilleur Livre Etranger sur le Cinéma par les membres du Syndicat Français de la Critique de Cinéma (SFCC).
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Neal Gabler : Critique, historien du cinéma, journaliste et commentateur politique, il a écrit pour The New York Times, The Nation et American Film. Il est diplômé en cinématographie et en culture américaine et a enseigné dans les universités du Michigan et de Pennsylvanie. Il est également l’auteur de nombreux romans, dont Le Royaume de leurs rêves est le premier ouvrage traduit en français.