A Dangerous Method : critique

Publié par Nathalie Dassa le 22 novembre 2011

Sabina Spielrein, une jeune femme souffrant d’hystérie, est soignée par le psychanalyste Carl Jung. Elle devient bientôt sa maîtresse en même temps que sa patiente. Leur relation est révélée lorsque Sabina rentre en contact avec Sigmund Freud…

 

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Le cinéma de David Cronenberg marque une rupture depuis 2005 avec History of Violence et Les Promesses de l’Ombre deux ans plus tard, dans sa manière de sonder les phobies, les pulsions refoulées et les névroses de l’âme humaine et de la société contemporaine. Le cinéaste canadien de Scanners, Chromosome 3, Festin Nu, Faux-Semblants ou encore Vidéodrome semble avoir pris un chemin plus conventionnel et académique dans sa réalisation et dans ce qu’il montre, en explorant désormais le comportement par l’esprit plutôt que par la chair et donc par la matière. Le thriller psychanalytique A Dangerous Method – présenté en sélection officielle à la 68e Mostra de Venise – poursuit cette nouvelle voie empruntée et remonte à la source des dissensions des deux principaux protagonistes, qui scindèrent en deux écoles l’histoire de la psychanalyse. Cronenberg nous propulse ainsi au début du XXe siècle, dans un récit adapté de la pièce de théâtre The Talking Cure, du et par le dramaturge et scénariste Christopher Hampton, à qui l’on doit Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears. Il met en lumière sur une période de 10 ans – de 1904 à 1913 – le conflit d’idées et d’intelligence qui a opposé l’autrichien d’origine juive Sigmund Freud (Viggo Mortensen) et le suisse alémanique Carl Gustav Jung (Michael Fassbender, également en conflit lié à sa sexualité dans SHAME), avec comme catalyseur la passion amoureuse sadomasochiste, secrète et interdite, que ce dernier a vécu avec Sabina Spielrein (Keira Knightley), une patiente russe d’origine juive, qui devint par la suite une praticienne éminente.

 

 

Le film s’ouvre sur ce personnage à son arrivée dans un hôpital à Zurich où elle est diagnostiquée hystérique. Carl Jung, jeune psychiatre de 29 ans au début de sa carrière et marié à une riche héritière, décide de la soigner en appliquant les préceptes de la méthode freudienne basée sur la parole. Dès le départ, cette jeune femme de 18 ans très intelligente, marque sa différence avec l’ambition non révélée de devenir médecin mais rapidement encouragée et soutenue par Jung. Elle dévoile lors de ses séances, une enfance anéantie et marquée par des humiliations et des rapports d’excitation/répulsion sadomasochistes. Si de prime abord sa guérison est un succès, Jung remet très vite en cause les théories de Freud basées sur la sexualité dans l’explication des névroses et de l’inconscient. Sa rencontre avec l’autrichien Otto Gross (Vincent Cassel) est alors décisive puisque sur les conseils de ce psychiatre toxicomane et débauché – partisan du dogmatisme de Freud avant d’être renié par le maître -, il court-circuite sa propre éthique et entame une relation adultérine et sadomasochiste avec Sabina Spielrein. Dès lors, les divergences entre le père fondateur et son confrère s’imposent. Freud reste irrévocablement attaché à sa théorie psychanalytique selon laquelle les malades ne peuvent être guéris de leurs névroses, qui font également partie de l’âme humaine, tandis que l’autre s’égare dans le mysticisme, croit au phénomène de syncronicité et aspire à traiter les patients en dépassant leurs prises de conscience. Au centre, Sabina Spielrein qui, à la fois liée par sa liaison avec Jung et leur passion commune pour l’opéra Siegfried de Wagner et, par Freud pour leur judaïté, essaie de réconcilier les deux hommes avant de prendre finalement le parti du maître.

 

 

La conception de A Dangerous Method reste impeccablement soignée avec de magnifiques décors d’époque, des costumes élégants et délicats et une photographie imprégnée de cette période créatrice d’avant-garde, matinée de grandeur et de force. Le score musical d’Howard Shore reflète toutes les ambigüités de la trajectoire émotionnelle de ce triangle intellectuel uni par les théories analytiques et la sexualité. Le tout porté par des acteurs mémorables dont la chimie opère parfaitement : Viggo Mortensen, le cigare à la bouche, est quasiment habité par le poids de la sagesse et de la connaissance, Michael Fassbender dans son ambition de dépasser le maître est partagé entre la raison et le désir, Keira Knightley donne une sacrée performance à travers la force de caractère et d’intelligence de ce rôle à plusieurs facettes et enfin Vincent Cassel peu présent à l’écran mais efficace dans sa perdition et perversion assumée. Toutefois, si Cronenberg pénètre la psyché de ce cercle élitiste qu’il ausculte à travers sa caméra via des plans fixes et rapprochés capturant au plus près cette bataille d’égos et leurs sentiments ponctués de pulsions et déviances sexuelles, le cinéaste laisse passer malgré tout un manque dans ce drame propre et didactique, pourtant bien mené. Celui qui a toujours déconstruit les narrations en explorant les tréfonds de l’esprit, reste ici étrangement sage et en surface ne révélant au final qu’une lueur dans la caractérisation de ces personnages, dont on ignore tellement tout, et le traitement au potentiel dramaturgique infini…

 

 

 

‘A Dangerous Method’ de David Cronenberg en salles 21 décembre avec Viggo Mortensen, Michael Fassbender, Keira Knightey, Vincent Cassel et Sarah Gadon. Scénario : Christopher Hampton d’après sa pièce The Talking Cure et le livre A Most Dangerous Method de John Kerr. Production : Jeremy Thomas, Marco Mehlitz, Martin Katz. Directeur de la photo : Peter Suschitzsky. Musique : Howard Shore. Costume : Denise Cronenberg. Montage : Ronald Sanders. Décors : James McAteer. Consultante visuelle : Carol Spier. Distribution : Mars Distribution. Durée : 1h39.

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