Carnage : critique

Publié par Nathalie Dassa le 21 novembre 2011

Dans un jardin public, deux enfants de 11 ans se bagarrent et se blessent. Les parents de la « victime » demandent à s’expliquer avec les parents du « coupable ». Rapidement, les échanges cordiaux cèdent le pas à l’affrontement. Où s’arrêtera le carnage ?

 

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Deux ans après avoir remporté tous les suffrages critiques et publics avec le thriller multi-récompensé The Ghost Writer, le cinéaste franco-polonais installe sa caméra dans un appartement de la banlieue de New York – dont le tournage s’est déroulé près de Paris pour les raisons qu’on connaît -, et transpose en temps réel la pièce de théâtre Le Dieu du Carnage de l’écrivaine et dramaturge Yasmina Réza, récompensée par un Tony Award. Présenté en compétition à la dernière Mostra de Venise, Carnage concentre son récit sur deux couples de parents habitant à Brooklyn qui tentent de régler de manière intelligente et civilisée un litige entre leurs enfants. Celui qui est passé maître du huis clos depuis Le Couteau dans l’Eau en passant par Répulsion, La Jeune fille et la Mort ou encore Le Locataire fait sauter dans ce théâtre cinématographique, les verrous de la bonne bourgeoisie américaine, servie par une distribution prestigieuse. Les Longstreet (Jodie Foster/John C. Reilly), plutôt bohèmes et humanistes, dont l’enfant a eu deux dents cassées, accueillent donc chez eux les Cowan (Kate Winslet/Christoph Waltz), les parents plus guindés et carriéristes du fils coupable et agressif. Michael (John C. Reilly), dont la voix porte plus que les autres, est proche de sa mère, vend du matériel d’aménagements et de décorations et n’hésite pas à jeter dans la rue le hamster de sa fille sans qu’elle le sache car il a peur des rongeurs. Penelope (Jodie Foster) – tournée vers les autres – est l’auteur d’un livre, lutte pour des causes comme le Darfour, s’intéresse à l’art (tel le peintre expressionniste Oskar Kokoschka) et aime exposer ses plus beaux ouvrages sur la table basse du salon. Alan (Christoph Waltz) lui est un avocat sans scrupule ni état d’âme, ironique et condescendant, qui a le cellulaire accroché à l’oreille. Quant à Nancy (Kate Winslet), c’est une femme gestionnaire en placements, sophistiquée et en retenue.

 

 

Sous les plumes aiguisées de Polanski et Réza, le spectateur devient le témoin pendant 1h20 d’un dérapage absurde et jubilatoire de quatre adultes responsables bien sous tous rapports dont le vernis se craquelle progressivement pour dévoiler leurs vrais visages. Carnage s’en prend à la famille, aux fondements du mariage, aux bassesses du couple, à l’éducation, à la morale, au savoir-vivre et aux portables, aux produits de beauté et à la culture, transformés en unique raison d’être chez les individus devenus esclaves de la société de consommation. Si le tout est alimenté par des joutes verbales savoureuses, il est également vomi par le personnage de Kate Winslet sur la table basse du salon, résumant fabuleusement la symbolique du propos et la superficialité de la condition humaine. Carnage procure des moments mémorables et offre une exquise montée de tension des deux couples entre calme, bienséance et politesse, colère et hystérie, ivresse du whisky et règlements de compte. Foster, Reilly, Winslet et Waltz fonctionnent à plein régime et jouent merveilleusement sur le syndrome de Qui a Peur de Virginia Woolf version allégée, laissant agir leurs plus bas instincts : l’une noie le portable dans le vase et jette les tulipes par terre, l’autre sombre dans l’hystérie, fait valdinguer le sac à main et tape son mari qui l’a trahi, tandis que les hommes s’allient dans une pathétique solidarité masculine.

 

 

Mais si Polanski joue de manière astucieuse avec sa réalisation et balade sa caméra au delà du salon (cuisine, hall d’entrée, salle de bain), Carnage souffre cependant d’un montage trop rythmé rendant visible la transition des différentes actions au lieu de se fondre entre elles, du manque de la touche personnelle du cinéaste propre à sa filmographie et des artifices de son propre sujet. Il aborde les névroses collectives au travers des comportements individuels, mais reste étrangement en surface et en retrait sans approfondir une réelle psychologie des travers des personnages ni atteindre son apogée dans la promesse d’un véritable carnage dans la sauvagerie de l’attitude humaine…

 

 

 

‘Carnage’ de Roman Polanski en salles le 7 décembre avec Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz, John C. Reilly. Scénario : Roman Polanski et Yasmina Réza d’après sa pièce Le Dieu du Carnage. Producteur : Saïd Ben Saïd avec Martin Moszkowicz, Oliver Berben, Piotr Reisch, Jaume Roures. Décors : Dean Tavoularis. Costumes : Milena Canonero. Photo : Pawal Edelman. Musique : Alexandre Desplat. Montage : Fiona Weir. Distribution : Wild Bunch Distribution. Durée : 1h20.

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