Graphiste réputé de Los Angeles, Charles Swan est un séducteur excentrique à qui tout a toujours souri. Mais quand son grand amour Ivana, lassé de ses frasques d’homme à femmes, met brutalement fin à leur relation, c’est tout son monde qui s’effondre. Avec le soutien de ses fidèles amis Kirby et Saul et de sa sœur Izzy, il entreprend alors un étrange voyage d’introspection dans son imaginaire, et tente de se résigner à vivre sans Ivana.
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Le second long-métrage de Roman Coppola, qui revient derrière la caméra douze ans après CQ présenté hors compétition à Cannes, a quelque chose à la fois d’attachant et de totalement accessoire. S’il ne laisse pas complètement indifférent, grâce en partie à sa facture visuelle inventive et ultra-stylisée, cette sensation est assez étrange. Dans la tête de Charles Swan III (A Glimpse Inside the Mind of Charles Swan III en VO) est une comédie existentielle surréaliste explorant le thème de la rupture et ses conséquences dans l’égarement affectif du point de vue masculin, avec en son centre Charlie Sheen. D’aucuns diront que son personnage est un peu la continuité du tempérament public de l’acteur américain de Mon Oncle Charlie (Two and a Half Men). On reste toujours dans l’univers décalé, coloré et vintage de Roman Coppola, coscénariste de Moonrise Kingdom et A bord du Darjeeling Limited de Wes Anderson, avec lequel il a coréalisé la récente publicité CANDY L’EAU de Prada avec Léa Seydoux. Ce projet, mûri de longue date selon le cinéaste, se matérialise ici dans un film situé dans un Los Angeles intemporel à la touche néanmoins très prononcée seventies, avec en toile de fond l’univers du graphisme et particulièrement des créations de pochettes de disques.
Ainsi dans un décorum entre pop art et cachet ‘American Graffiti’, mode pin up et art commercial où se mêlent superbement néo-modernisme et culture consumériste, Charlie Sheen incarne Charles Swan, un concepteur réputé et séducteur excentrique, immature et irresponsable, dont le monde s’écroule lorsque sa compagne Ivana (Kathryn Winnick) décide de le quitter en raison de son comportement narcissique qu’elle ne supporte plus. Dès lors, Roman Coppola brosse le portrait d’une figure décadente confrontée, derrière ses lunettes en verre fumée, à cette incertitude dans les relations amoureuses, se lançant malgré lui dans une introspection entre fantasme et réalité pour comprendre le pourquoi du comment. Dans la tête de Charles Swan III s’empare un peu de la structure scénaristique de Que le spectacle commence (All That Jazz) où le spectateur fait face à la matérialisation à l’écran de l’état psychique et spécialement ici, des angoisses intérieures du protagoniste. Il n’est cependant nullement question de mort à l’instar du personnage de Roy Scheider dans l’excellente Å“uvre de Bob Fosse, ou peut-être celle au travers d’un cÅ“ur brisé. Cet électrochoc sentimental le fait alors basculer dans des délires imaginaires. Charles Swan se heurte ainsi à une expérience hallucinatoire dans laquelle une horde de belles femmes en lingerie sexy ou en tenue d’indienne presque dénudées, menée par son ex avec son amie Kate (Mary Elizabeth Winstead), lui déclare la guerre voulant l’anéantir pour son comportement égoïste et sexiste.
Si sa sÅ“ur, jouée par la superbe Patricia Arquette, est aussi exaspérée par son attitude nombriliste persistante, Charles Swan, dont le nom se veut le croisement entre Charles White III, personnalité du monde du graphisme et du design, et le héros d’À la recherche du temps perdu de Proust, est cependant soutenu par deux personnages haut en couleurs qu’il ne manque pas de projeter dans ses fantasmes : son meilleur ami et comédien de stand-up Kirby (Jason Schwartzmann), et son agent Saul. Ce dernier, dont le nom pourrait être un petit clin d’œil au graphiste designer légendaire Saul Bass, est campé par Bill Murray, toujours égal à lui-même, enfilant comme une seconde peau ses panoplies de cowboy à la John Wayne et d’espion. Mais si Dans la tête de Charles Swan III, rythmé par une bande son entraînante, est alimenté par cet humour décalé bien appréciable, comme cette scène sur la coke et le caviar, hélas tout l’enchaînement dans la fraîcheur de cette comédie surréaliste ne parvient pas à déployer ce charme dévoilé dans la bande-annonce et finit par frôler quelque peu l’indifférence. Et ce, en dépit d’un climax plutôt tendre et émotionnel. Au final, le spectateur se contente pendant 1h20 de suivre passivement les errements immatures de cet homme à femmes flamboyant pour vaincre ce chagrin d’amour qui lui est totalement étranger, grandir et aller de l’avant…
DANS LA TÊTE DE CHARLES SWAN III (A Glimpse Inside the Mind of Charles Swan III) écrit et réalisé par Roman Coppola en salles le 24 juillet avec Charlie Sheen, Jason Schwartzmann, Patricia Arquette, Katheryn Winnick, Bill Murray, Mary Elizabeth Winstead. Producteurs : Roman Coppola, Youree Henlee. Photographie : Nick Beal. Musique : Liam Hayes. Décors : Almitra Corey, Elizabeth Keenan. Costumes : April Napier. Montage : Nick Beal, Robert Schafer. Direction Artistique : Elliot Hostetter. Distribution : UFO. Durée : 1h26.
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