À l’occasion de la sortie au cinéma d’Au Bonheur des Ogres ce mercredi 16 octobre, CineChronicle a été convié à participer à une table ronde avec Daniel Pennac et Nicolas Bary. Rencontre en quatre questions avec le romancier qui pose son regard sur l’adaptation du premier tome de sa saga populaire paru dans les années 80.
CineChronicle : Vous avez refusé beaucoup de propositions d’adaptation. En quoi celle de Nicolas Bary était différente ?
Daniel Pennac : Parce qu’il y avait une « prime à l’enthousiasme », c’était très instinctif. J’étais dans un théâtre où je lisais Bartleby d’Herman Melville, une nouvelle sur le non-désir radical. Et un jour en sortant de ce même théâtre, ce fou-furieux me saute dessus en me disant « Je veux faire Au Bonheur des ogres !!». Le désir total. Alors que je parlais de non-désir, je lui ai donc dit « Si tu veux le faire, fais-le ». C’est vraiment son enthousiasme qui m’a séduit.
CC : Les autres propositions n’étaient pas enthousiastes ?
DP : Non elles étaient très préparées et pas si nombreuses que cela. Les personnes se heurtaient souvent dans la réalisation à la question du grand magasin. C’était apparemment un problème pour eux. Nicolas m’a montré ses deux courts-métrages et je lui ai donné ma bénédiction. Mais c’est vraiment l’enthousiasme qui a primé. C’est comme pour Ernest et Celestine. Le réalisateur avait 20 ans quand il a démarré le projet et il débordait d’enthousiasme. Chez Nicolas, c’était aussi effarant. D’ailleurs, si j’avais voulu l’en empêcher, je n’aurais pas pu.
CC : A Quel stade de sa fabrication avez-vous découvert le film et quelle a été votre réaction ?
DP : Je suis allé une première fois voir le tournage au Luxembourg. C’était pour la scène de fin. Et n’y connaissant rien au cinéma, j’ai découvert une armée dirigée par le général Nicolas Bary. Un général très gai et détendu qui ne prend jamais la pose, se comporte avec tout le monde de la même manière et s’arrange toujours à ce que, malgré le nombre de prises, les comédiens gardent leur calme. C’est véritablement quelque chose que je ne saurai jamais faire.
CC : Et qu’avez-vous pensé du film terminé ?
DP : Ce qui m’a frappé, c’est le rythme du film. Je me suis dit qu’il possédait un rythme narratif fidèle au livre. Tout va assez vite comme dans le roman. Bien sûr il y a évidemment des différences générationnelles. Les enfants de 1985 ne parlaient pas comme Nicolas les fait parler aujourd’hui. Un auteur n’a pas d’image rétinienne mais une image mentale de ses personnages. Il a beau dire, écrire que Thérèse est un sac d’os et qu’elle est absolument électrique, on ne peut pas faire chose du point de vue des images. Et avec les qualificatifs utilisés dans mon livre pour décrire Thérèse, personne ne pouvait s’en servir pour passer de l’un à l’autre. Malgré tout, Thérèse est inspirée d’une amie qui lisait dans les lignes de la main et nous prédisait à tous des destins effroyables ! Et découvrir cette jolie Thérèse dans le film [jouée par Armande Boulanger], qui n’a rien à voir avec celle de mon image mentale, m’a bien plu.
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Propos recueillis par Nicolas Christian
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>> NOTRE CRITIQUE D’AU BONHEUR DES OGRES <<
AU BONHEUR DES OGRES en salles le 16 octobre 2013 distribué par Pathé, avec Raphaël Personnaz, Bérénice Béjo, Guillaume de Tonquédec, Emir Kusturica, Thierry Neuvic, Mélanie Bernier, Dean Constantin, Marius Yelolo, Bruno Paviot, Alice Pol.
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