Thomas Cailley, realisateur de Les Combattants / Photo CineChronicle

Thomas Cailley, realisateur de Les Combattants / Photo CineChronicle

Son nom pourrait bien devenir incontournable, tant le premier long-métrage de Thomas Cailley affiche des nuances, une justesse et une maîtrise redoutables. Admirablement porté par Adèle Haenel et Kévin Azaïs, Les Combattants, qui a raflé tous les prix à la Quinzaine des Réalisateurs au dernier festival de Cannes, surfe entre comédie et film d’aventure, chronique amoureuse et survival movie. Jamais pour autant ce joli coup d’essai n’apparaît noyé dans cette diversité, et encore moins dans les références. Jeunesse, amour naissant, apocalypse, renaissance… Les thèmes abordés sont divers sans que le réalisateur ne s’éloigne de son duo central. Avant la sortie du film le 20 août, CineChronicle a rencontré le metteur en scène, qui pose son regard sur le cinéma de genre, son rapport au décor et sa relation aux personnages.

 

 

 

Les Combattants de Thomas Cailley - affiche

Les Combattants de Thomas Cailley – affiche

CineChronicle : Vous qui avez en partie grandi en Aquitaine, aviez-vous d’emblée envisagé d’y installer l’action des Combattants ?

Thomas Cailley : J’ai d’abord connu cette région à un âge où l’on peut encore fantasmer les paysages que l’on traverse. Les Landes présentent des paysages très plats, couverts de pins et constitués de lignes droites et d’horizons. Il me plaisait de filmer cette impression d’être posé sur une ligne d’horizon et en même temps de toujours voir un élément couper ce même horizon. Cela donnait aussi naissance au personnage d’Arnaud, qui repousse toujours plus cet espace trop réduit autour de lui. Le côté ‘incendies et cataclysme’ est quant à lui lié au personnage de Madeleine. Le décor devient ainsi un prolongement des personnages. Tout commence dans le monde d’Arnaud et change lorsqu’il décide de la suivre dans son fantasme à elle. Filmer des états d’âme à travers ces paysages en tant que prolongement, c’est de cette manière que j’interroge les décors du film.

 

CC : Votre mise en scène et la photographie en particulier symbolisent aussi l’évolution de leurs relations. On passe des tons bleus et neutres à des couleurs chaudes lors des scènes en plein soleil et en forêt…

TC : Avec mon frère David, chef opérateur du film, nous avons en effet beaucoup travaillé la lumière. Nous sommes partis d’une dominante bleue et le jaune s’impose progressivement à dans l’image jusqu’à l’emporter. On a aussi filmé des points précis autour de La Leyre, fleuve côtier des Landes, où la terre glisse sur du sable. Les arbres s’y affalent et donnent un aspect ‘forêt galerie’ un peu primaire qui semble embrasser les personnages.

 

Kevin Azais - Les Combattants de Thomas Cailley / Haut et Court

Kevin Azais – Les Combattants de Thomas Cailley / Haut et Court

CC : Les séquences dans l’armée de terre, sans être le centre ni le vrai sujet du film, font évoluer les rapports et les positions des protagonistes. Cette toile de fond s’est-elle imposée dès l’écriture du scénario ?

TC : J’ai tout de suite éprouvé de l’intérêt à travailler l’iconographie de l’armée, qui est une bonne école en termes de survie. Or, Les Combattants est aussi un film de survie. Je ne soulève pas des questions d’ordre moral sur l’univers de l’armée, mais sur le fait qu’il incite les jeunes à s’engager avec le « devenez vous-mêmes ». On parle d’une institution guerrière mais l’argument principal est ce dépassement de soi qui permet d’évoquer la crise du sens et existentielle de ces jeunes. Ce cadre en devient presque théâtral : on y retrouve ces questions de fond et en même temps des choses très concrètes.

 

CC : Pour un premier long-métrage, vous semblez vous essayer à plusieurs genres même si la comédie prédomine, surtout dans le premier acte.

TC : L’unité du film et son énergie sont les personnages eux-mêmes. A partir du moment où on les suit et les aime, on peut se permettre plus de liberté dans les codes du cinéma d’aventure ou du buddy movie. Cela dit, trouver comment exprimer de la meilleure façon chaque étape importait plus que ces codes. Par exemple, on ne va pas s’interdire un travelling sous prétexte que la scène concernée par ce procédé n’appartient pas à un genre particulier. Pour aborder le cinéma de genre, je me tourne davantage vers des cinéastes comme Steven Spielberg et Judd Apatow. Je trouve qu’on ne sait pas tellement concevoir du cinéma de genre en France. Quant au cinéma d’auteur, il est plutôt transgenre comme celui de Maurice Pialat et de Bruno Dumont. Chez Dumont, j’aime la façon dont les décors embrassent les états d’âme et où le réalisme local importe. Chez Judd Apatow, il y a d’emblée quelque chose de l’ordre de l’apprentissage avec les erreurs. Il est amoureux de ses personnages qu’il rapproche de l’absurde, voire du grotesque, mais sans dérision. Et dans Les Combattants aussi, la rédemption ne vient pas de la psychologie mais de la vie en général et des solutions trouvées ensemble. Le terme comédie me convient tout à fait d’ailleurs, plus que comédie dramatique qui est un théorème zéro. En comédie, on n’est pas obligé d’être dans la dérision. L’adhésion avec le public va au-delà du rire, dans le fait de croire à ce qu’il voit.

 

CC : Vous citez Judd Apatow. Il est vrai que l’on pense à son cinéma dans les premières scènes avec les amis d’Arnaud. Avez-vous eu d’autres références à l’esprit ?

TC : Je ne me sens pas écrasé par des références car il y a avant tout des zones troubles, et un matériau cinématographique.

 

CC : Le scénario a-t-il beaucoup évolué durant et après son écriture ?

TC : S’il ne s’agit pas de blocs dramaturgiques, il présente en tout cas une trajectoire assez classique. Je l’ai écrit en trois semaines en me jetant dedans, sans me bloquer dans la technique de scénario. J’ai simplement préparé certains aspects en allant notamment observer une préparation militaire pour mieux en saisir le fonctionnement. A chaque fois que l’on écrit, on narre tout et on reprend tout donc on ne peut pas parler d’épisodes. L’énergie du récit reste les personnages.

 

Adele Haenel et Kevin Azais - Les Combattants de Thomas Cailley / Haut et Court

Adele Haenel et Kevin Azais – Les Combattants de Thomas Cailley / Haut et Court

CC : Aviez-vous envie d’évoquer le double parcours initiatique d’un couple atypique, avant même de vous lancer dans ce projet ?

TC : Je sortais de mon court-métrage Paris Shanghai, un buddy movie sur le périple de deux adolescents. Cet exercice m’a amené sur un territoire qui me parlait. Il y a forcément une part d’abstrait et de concret dans un parcours initiatique. Je voulais retrouver cela avec un personnage existentiel, Madeleine, et un autre qui s’impose peu au départ, Arnaud. Cette histoire est venue d’une façon anecdotique, et est inspirée en partie de celle de Bear Grylls, alpiniste et aventurier britannique connu pour son émission Seul face à la nature (Man v. Wild). Il a lui-même eu une carrière militaire et a escaladé l’Everest à 23 ans. C’est un type complètement fou et en quête d’intensité. Je me suis dit que le drame moderne est cette question de survie.

 

CC : Comment s’est passé l’interaction entre les acteurs et les personnages ? Ces derniers ont-ils vraiment changé en fonction des comédiens ?

TC : Madeleine est un personnage entier et très physique qui ne lâche rien. Il fallait le même décalage entre deux acteurs et mes personnages. Il était donc important de filmer le récit chronologiquement pour que ce décalage se résorbe. Adèle Haenel est quelqu’un de très intelligent, de très vif et très drôle et même un peu burlesque dans sa façon de bouger. Kévin Azaïs, je l’avais choisi pour un autre rôle car il possède quelque chose de très dynamique. Et puis j’ai découvert sa candeur et sa douceur qui convenaient davantage au personnage d’Arnaud. Ensuite, ils se sont glissés dans cette aventure comme dans le script lui-même. J’ai rapproché les personnages au maximum du caractère des acteurs pour arriver à capter leurs natures. La constance de ton permet aussi de filmer tous les personnages de la même façon. Il y a une vérité en eux donc on ne peut pas tout mélanger non plus. Les collisions créent la comédie mais les moments plus graves doivent aussi être dits. Le combat l’un contre l’autre devient un combat ensemble. « L’amour, c’est deux personnes qui regardent dans la même direction et non les yeux dans les yeux » disait Saint-Exupéry.

 

CC : On dit parfois qu’un deuxième long-métrage est plus compliqué à réaliser, surtout si le premier est aussi réussi. Est-ce votre avis ?

TC : Je ne pense pas qu’il y ait des films faciles. Et puis c’est bien aussi de se mettre dans la difficulté. Il faut simplement rester à l’affût.

 

 

>> LIRE NOTRE CRITIQUE DE LES COMBATTANTS  << 

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LES COMBATTANTS de Thomas Cailley en salles le 20 août 2014 avec Adèle Haenel, Kévin Azaïs, Antoine Laurent, Brigitte Roüan, William Lebghil, Thibault Berducat, Nicolas Wanczycki, Frédéric Pellegeay, Steve Tientcheu, Franc Bruneau…

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