Synopsis : Young-Nam, jeune commissaire de Séoul, est mutée d’office dans un village de Corée. Elle se retrouve confrontée au monde rural avec ses habitudes, ses préjugés et ses secrets. Elle croise une jeune fille, Dohee dont le comportement singulier et solitaire l’intrigue. Une nuit, celle-ci se réfugie chez elle…
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Si le cinéma sud-coréen prend une place majeure depuis les années 2000, on a rarement mentionné l’absence des femmes cinéastes au pays du matin calme. July Jung remédie à cette situation avec son premier long métrage, A Girl at My Door, présenté au dernier festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard. On y retrouve en outre à la production Lee Chang-dong. Cet habitué de la Croisette avait notamment présenté Secret Sunshine et Poetry, récompensés respectivement par le prix d’interprétation féminine et celui du scénario. Le réalisateur passe en quelque sorte le flambeau à July Jung pour A Girl at My Door. Loin de l’image violente et baroque du cinéma sud-coréen, représentés par Park Chan-wook, Bong Joon-ho ou encore Kim Jee-woon, ce premier long métrage s’inscrit dans la continuité stylistique sobre et intimiste des œuvres de Lee Chang-Dong. Il y a cependant un écho évident de cette violence extrême chez July Jung comme chez Lee Chang-dong. Poetry racontait comment une femme composait avec l’horreur du suicide d’une adolescente que son petit-fils avait régulièrement violée avec ses amis. Dans A Girl at My Door, la violence ordinaire et quotidienne à laquelle est soumise Dohee ne manque pas de cruauté. Victime résignée, la jeune fille reste impassible, qu’elle se fasse renverser par une voiture ou frapper par ses camarades. Ce drame s’oriente d’emblée vers un récit avec lequel nous sommes en empathie, celui du sauvetage d’une enfant maltraitée par une héroïne révoltée à juste titre.
Cependant, plutôt que de se limiter au cadre de ce scénario efficace mais un peu évident, July Jung déjoue les attentes du spectateur pour faire une proposition plus retorse et intrigante. Dès les scènes d’exposition, elle nous trompe en nous présentant le père et la grand-mère de Dohee sous un jour grotesque et comique, pour nous laisser découvrir assez vite leur face sombre au travers des punitions qu’ils infligent à la jeune fille. Alors que nous soutenons le combat de Young-Nam contre ces deux figures terrifiantes, elle nous apparait progressivement comme beaucoup plus instable, alcoolique et porteuse d’un lourd secret. Dans le décor d’une campagne, découverte de jour au son d’une guitare légère ou offrant le tableau paisible d’une plage au clair de lune, se joue un drame torturé où les non-dits et les tabous sèment le trouble dans les relations entre les personnages. Fonctionnant sur un principe de faux semblants, A Girl at My Door déroute jusqu’au dernier acte dont la noirceur réaliste provoque un véritable malaise.
Ce premier long métrage aurait probablement gagné à être plus ramassé. L’intrigue peine par moments à avancer et fonctionne sur un schéma un peu répétitif, avec une succession de séparations et de retrouvailles entre Young-Nam et Dohee. Certains aspects sociaux, comme l’exploitation de travailleurs immigrés, restent un peu fonctionnels et auraient mérité plus de développement. Néanmoins, ces quelques défauts de structure sont assez mineurs comparés à la belle intensité de jeu des comédiens. A travers un jeu précis tout en retenue, Doona Bae incarne une héroïne qui conserve sa part d’hermétisme et de secrets jusqu’au bout. Dans un registre opposé, Song Sae-Byeok est inquiétant en père alcoolique instable et imprévisible. Et la jeune Song Sae-Byeok est impressionnante de maturité dans un rôle difficile, au travers du caractère ambivalent de son personnage et des zones dérangeantes explorées par July Jung, à qui l’on souhaite de trouver une place digne…
- A GIRL AT MY DOOR (Dohee-Ya) écrit et réalisé par July Jung en salles le 5 novembre 2014
- Avec : Doona Bae, Kim Sae-Ron, Song Sae-Byeok, Jang Hee-Jin, Moon Sung-Geun, Myung Gong, Kim Jin-Goo
- Production : Lee Chang-Dong, Kim Ji-Yeon
- Photographie : Kim Hyung-seok
- Son : Kim Hyun-Sang
- Montage : Lee Young-Lim
- Costumes : Kim Ha-Kyoung
- Musique : Jang Young-Gyu
- Distribution : Epicentre Films
- Durée : 1h59
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