Synopsis : L’incroyable destin du coureur olympique et héros de la Seconde Guerre mondiale Louis « Louie » Zamperini dont l’avion s’est écrasé en mer en 1942, tuant huit membres de l’équipage. Louis fait partie des trois rescapés dont deux seulement survécurent 47 jours durant sur un canot de sauvetage, avant d’être capturés par la marine japonaise et envoyés dans un camp de prisonniers de guerre.
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L’année cinématographique s’ouvre sur le deuxième long métrage d’Angelina Jolie, Invincible (Unbroken). Adepte du genre dramatique dans un contexte de guerre, elle a déjà signé Au pays du sang et du miel en 2011 qui relatait les conflits en Bosnie. Avec Invincible, elle choisit de mettre en lumière la vie de Louis (Louie) Zamperini, fils d’Italiens immigrés aux Etats-Unis. La réalisatrice s’inspire du livre éponyme de Laura Hillenbrand, adapté au scénario par Joel et Ethan Coen. Le film démarre avec d’incroyables plans larges qui embrassent un ciel d’azur envahi d’avions de guerre, d’explosions et de traînées de fumée. Puis on découvre Louis Zamperini à l’aube de sa gloire, il est destiné à une brillante carrière de coureur et participe aux JO de 1936 où il est même remarqué par Hitler. Tout s’arrête lorsqu’il s’engage dans l’armée en 1941. Ce drame se construit dès lors en chapitres, tableaux aux couleurs nuancées. La jeunesse de Louis (Jack O’Connell), entouré par ses parents et un grand frère aimant, est dépeinte dans une ambiance plutôt chaude, la couleur de la terre rouge qui rappelle les paysages des déserts américains. Puis le récit passe à l’angoissante dérive des canots de sauvetage après le crash. Des images cruelles du soleil qui brûle le visage des jeunes gens, les tempêtes, le ciel noir et l’impitoyable mouvement des vagues agissent sur le spectateur comme un filtre d’angoisse.
Après la capture des naufragés par les Japonais, les séquences expriment un mal-être psychologique indescriptible, à l’instar de Platoon d’Oliver Stone ou de Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino. Le quatrième et dernier chapitre, qui se déroule dans les camps japonais, nous renvoie aux films sur l’Occupation mais aussi à Papillon de Franklin J. Schaffner, notamment lorsque les prisonniers se retrouvent dans un camp minier. Mais si les scènes de guerre peuvent aussi nous remettre en mémoire Pearl Harbor de Michael Bay ou bien encore Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Angelina Jolie y apporte une sensibilité et une grâce toute féminine en jouant sur la photographie de Roger Deakins et Simon Christidis, aux touches pastel et lumineuses. Elle ajoute à ce biopic une dimension pédagogique sans être trop académique et construit sa narration de manière non linéaire, insufflant à son récit une véritable profondeur.
Jack O’Connell, révélé dans This is England et vu récemment dans Les Poings contre les Murs, peut ainsi donner à Louis Zamperini une certaine envergure sans tomber dans la caricature du surhomme. La force d’Invincible est d’apporter de l’ampleur aux relations entre les protagonistes. La réalisatrice dose savamment les échanges et souligne un sentiment qui lui tient à cœur, celui de la complicité et de la fraternité entre les soldats. On le remarque au travers des séquences où Louis Zamperini et ses compagnons voguent sur des canots perdus en pleine mer pendant plus de 40 jours. Mais la plus belle relation reste celle de Louis avec son coéquipier Phil, incarné par Domhnall Gleeson, vu dans Il était Temps et prochainement dans FRANK (notre critique). L’acteur irlandais lui donne la réplique avec intensité et se révèle être le miroir de Louis Zamperini. Catholique, son personnage apporte la force qui manque au héros qui ne croit pas en Dieu.
Si Invincible aborde le courage et la persévérance, cette œuvre pose avant tout un regard assez inhabituel sur la Seconde Guerre mondiale. Peu de réalisateurs se sont essayés à raconter la terrible vie dans les camps japonais en abordant le traitement infligé aux prisonniers américains et britanniques. On pense au Pont de la Rivière Kwaï de David Lean (1957), à Furyo de Nagisa Oshima (1983), mais aussi à Clint Eastwood qui avait exploité le sujet, dans un genre différent, dans Les lettres d’Iwo Jima (2006). On découvre ici non seulement le destin hors du commun de Louis Zamperini, mais aussi un pan de l’Histoire méconnu et douloureux qui peine peut-être à remonter dans la mémoire de ceux qui en été les victimes. C’est dans les scènes de bravoure que la réalisation pêche. Les plans resserrés sur cet homme invincible, auxquels s’ajoute la musique d’Alexandre Desplat, donnent à ce biopic une intention trop mélodramatique. Le tempo de la narration laisse à désirer, ainsi le chapitre qui traite de la situation dans les camps tire en longueur.
Un montage plus serré et une mise en scène moins hollywoodienne auraient davantage servi la narration. Elle aurait gagné en simplicité et en sincérité. En dépit de ces maladresses, on reste impressionné par la performance des acteurs et notamment par Miyavi, chanteur et guitariste japonais qui fait ses premiers pas au cinéma. En incarnant le gardien de camp pervers et sadique, Mutsuhiro Watanabe, il campe un homme partagé entre son admiration pour Louis, le jeune athlète, et le dégoût que lui procure ce sentiment. Il donne à son personnage une dimension malsaine et laisse percevoir toutes les facettes d’un individu frustré. Pour ce deuxième long métrage, Angelina Jolie a su s’entourer pour concevoir une œuvre héroïque et sobre. Elle rend ainsi un bel hommage à Louis Zamperini, cet homme hors du commun, animé par la rage de vivre et sublimé par le courage de ses compagnons d’armes.
Julie Braun
- INVINCIBLE (Unbroken) réalisé par Angelina Jolie en salles 7 Janvier 2015.
- Avec : Jack O’Connell, Domhnall Gleeson, Garrett Hedlund, Jay Courtney, Miyavi, Finn Wittrock, Maddalena Ischiale, Vincenzo Amato…
- Scénario : Joel Coen, Ethan Coen, William Nicholson, Richard LaGravenese d’après l’œuvre de Laura Hillenbrand, Unbroken: A World War II Story of Survival, Resilience, and Redemption.
- Production : Matthew Baer, Angelina Jolie, Erwin Stoff, Clayton Townsend
- Photographie : Roger Deakins, Simon Christidis
- Montage : Tim Squyres, William Goldenberg
- Décors : Jon Hutman
- Costumes : Louise Frogley
- Musique : Alexandre Desplat
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 2h17
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