Synopsis : Fuyant la guerre civile au Sri Lanka, un ancien soldat, une jeune femme et une petite fille se font passer pour une famille. Réfugiés en France dans une cité sensible, se connaissant à peine, ils tentent de se construire un foyer.
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Après Un Prophète et De rouille et d’os, Jacques Audiard est revenu se confronter en compétition officielle avec Dheepan au Festival de Cannes. Auréolé de la Palme d’or, l’un des grands habitués de la Croisette signe ici un drame atmosphérique sur le quotidien difficile d’un réfugié tamoul en France, dont le dernier acte prend un virage narratif absorbant. S’il n’est certes pas aussi puissant que son Å“uvre phare multirécompensée, le travail sur la coécriture avec son collaborateur fétiche, Thomas Bidegain, qui a présenté en parallèle sa première réalisation Les Cowboys à la Quinzaine, transforme à nouveau l’essai. Le duo d’auteurs, en compagnie de Noé Debré, dresse une peinture âpre sur l’exil politique, et particulièrement sur le combat d’un guerrier de l’indépendance du Sri Lanka pour se reconstruire une existence dans un pays qui n’est pas le sien. Si le récit fait écho à l’actualité, la thématique socio-politique développée est librement inspirée des Lettres Persanes de Montesquieu dans sa volonté de poser un regard sur un homme qui tente de vivre sur un territoire étranger. Dheepan est le prénom de cet anti-héros qui a décidé de fuir la guerre civile, accompagné d’une femme et d’une jeune fille inconnues dans l’espoir d’obtenir l’asile politique. Ce trio de personnages, incarnés remarquablement par des acteurs non-professionnels, se déplace de foyers en foyers avant de s’installer dans une cité des banlieues chaudes où les trafics en tout genre sont monnaies courantes. Dheepan devient dès lors gardien d’immeuble et sa supposée femme, Yalini, accepte de s’occuper d’un homme âgé léthargique, dont l’appartement sert de QG à un dealer (Vincent Rottiers) fraîchement sorti de prison. Quant à sa ‘fille’, elle tente de poursuivre sa scolarité et de se faire des nouveaux amis qui s’avèrent hostiles.
Si tous trois tentent de s’adapter à ce nouvel environnement, Dheepan doit avant tout s’imposer face aux caïds. Cette première partie se concentre ainsi sur l’installation de leur condition précaire, de leur fausse identité familiale et de leurs handicaps, comme celui de la barrière de la langue. À l’instar d’Un Prophète, les auteurs plantent habilement le cadre de l’action en donnant le point de vue intérieur et extérieur de la situation où se mêle une relation d’amour naissante entre les deux protagonistes, avant de faire basculer le récit dans une guerre violente et sanglante. Derrière la caméra, souvent à l’épaule, Jacques Audiard reste d’une fulgurance à toute épreuve via ses plans qui capturent au plus près les émotions de ses personnages acculés. L’intrigue monte ainsi crescendo, au rythme d’une bande son anxiogène et immersive de Nicolas Jaar, tout en injectant en fil rouge une certaine dose de spiritualité. Dheepan puise cependant toute sa force dans son dernier acte brutal, qui fait non seulement ressurgir les instincts et les traumatismes du passé de cet exilé mais le transforme surtout en un puissant justicier solitaire, déterminé à protéger cette nouvelle famille pour une vie meilleure.
- DHEEPAN de Jacques Audiard en salles le 26 août 2015.
- Avec : Antonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby, Vincent Rottiers, Marc Zinga, Franck Falise, Tarik Lamli…
- Scénario : Jacques Audiard, Thomas Bidegain, Noé Debré.
- Production : Pascal Caucheteux
- Photographie : Eponine Momenceau
- Montage : Juliette Welfling
- Décors : Michel Barthélémy
- Costumes :Â Chattoune
- Compositeur : Nicolas Jaar
- Distribution : UGC
- Durée : 1h50
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