Résumé : Julie Assouly, maître de conférences en Civilisation américaine à l’université d’Artois, livre sa version des Frères Coen et de leur Amérique. Le turbulent duo de réalisateurs de « Barton Fink » ou de « Big Lebowski » n’en finit pas de perturber les exégètes. Mais c’est avec beaucoup de sérieux que Julie Assouly explore leur univers loufoque et poétique…
♥♥♥♥♥
Voilà plus de 30 ans que Joel et Ethan Coen ont fait irruption – disruption – dans le cinéma mondial. Doublement palmés à Cannes pour Barton Fink en 1991 et Fargo en 1996, comme Coppola, les Frères Dardenne ou encore Kusturica, les frères du Minnesota brillent désormais au firmament des génies du septième art. Mais loin d’eux l’idée de se poser en mémorialistes ou cinéastes officiels de la grande et profonde Amérique. Bien au contraire et, sans la démolir tout à fait, ils s’en font les joyeux critiques, à la manière de Woody Allen : à lui, la causticité de l’intelligentsia new-yorkaise ; à eux, l’ironique mise en scène des grandes plaines, des culs-terreux, des laissés pour compte, de Minneapolis à Hollywood. Les Coen soulignent si bien, avec recul et humour, les travers, les angoisses, les déboires de leurs coreligionnaires en rêve américain qu’on se demande pourquoi Julie Assouly, spécialiste de la civilisation américaine, se donne tant de mal pour faire des Frères Coen les Norman Rockwell du grand écran. Son étude, documentée certes, passe en revue minutieusement les choix scénaristiques, les résonances images-musiques et historico-géographiques de toute l’œuvre coenienne. Pourtant, ce n’est pas cela qu’on souhaite savoir et comprendre. Joel et Ethan semblent vouloir toujours s’amuser, se moquer. Ils sont surdoués ? Oui mais aussi potaches. Prolifiques et talentueux ? Oui mais ils font par moments des ratés au box office. Ainsi, The Big Lebowski, boudé à l’époque par la critique et le public, est devenu un film culte dont on se répète les répliques en se tapant sur les cuisses. C’est ce qui fait le charme de cette réalisation bicéphale, la joie des cinéphiles, des amateurs, des inconditionnels, bref des spectateurs. On aimerait plus de contexte créatif, plus d’anecdotes, moins de psychanalyse du cinéma. L’Amérique des Frères Coen est encore un ouvrage trop linéaire et théorique qui semble s’adresser, en forme de thèse, aux experts de la spécialité qui, à leur tour, transmettront leur docte pensée. Mais l’œuvre de Joel et Ethan se plaît à rester un grand foutoir où il y a à prendre et à laisser, un peu comme celle de Quentin Tarantino, instantané, intuitif, brouillon parfois. Il faut dire que de Sang pour sang (1984) à No Country For Old Men (2007) en passant par Burn After Reading (2008) et True Grit (2010), jusqu’à Hail Ceasar (sortie prévue en 2016), le choix est vaste.
- L’AMÉRIQUE DES FRÈRES COEN par Julie Assouly disponible depuis le 27 août 2015 chez CNRS Éditions.
- 484 pages
- 10 €