Cine-concert de Danny Elfman au Grand Rex à Paris - octobre 2015

Ciné-concert de Danny Elfman au Grand Rex à Paris – octobre 2015 / Photo Jérôme Nicod pour CineChronicle

Une date supplémentaire a été nécessaire pour accueillir les fans de l’univers créé depuis 30 ans par Tim Burton et Danny Elfman. Au total, quatre concerts qui ont fait salles combles au Grand Rex à Paris, du 10 au 12 octobre 2015, pour un spectacle extatique et inoubliable.

 

 

 

Il a fallu quarante-quatre ans à Danny Elfman pour revenir à Paris. À l’époque, il s’essayait au violon, au bénéfice de Jérôme Savary et des passants du métro. Aujourd’hui, il revient en rock-star, sous l’aura multi-étoilée du plafond de la salle mythique du Grand Rex. À la baguette, John Mauceri, le seul directeur d’opéra à avoir dirigé deux maisons à la fois, en Angleterre et en Italie. Il a fondé en 1991 le mythique Hollywood Bowl Orchestra et on ne compte plus les prix qu’il a reçus. Pour cette dernière représentation parisienne, à l’entrée du Grand Rex, le public se presse en deux files bien rangées. Tout est normal, un rien trop sage. Un homme monte sur scène pour nous avouer un peu laborieusement qu’il rêvait de produire ce spectacle, un autre pour nous faire applaudir les performances à venir, avec des arguments de foire. Le mauvais goût semble donc de mise et nos esgourdes grandes ouvertes.

 

 

Danny Elfman et Tim Burton

Danny Elfman et Tim Burton

UN PATCHWORK ARTISTIQUE VISUEL ET SONORE

 

Une mosaïque visuelle accompagne le premier morceau, issue de Charlie et la Chocolaterie (2005). Tout l’univers de Tim Burton est convoqué en rafale, pour illustrer un morceau emblématique de Danny Eflman. D’emblée, l’amplification anéantit toute capacité à profiter du son des instruments, au profit d’une masse sonore compacte. Avec 140 personnes serrées sur scène, il y a saturation de l’espace, physique et sonore. Pour continuer, une suite tirée de Pee-Wee, le premier long métrage sur lequel Elfman et Burton ont collaboré en 1985. Une musique de comédie décalée, qui évoque pour le public français la folie d’un Gérard Calvi mixée à la potacherie d’un Richard Gotainer. Ce sont dans ces détails, que les dérèglements commencent : un violoncelle sourit aux anges, une contrebasse a le regard émerveillé. Une spectatrice au premier rang porte des collants avec un dessin de squelettes et une autre porte un maquillage inspiré des Noces Funèbres (2005). Un guitariste, assis à même la scène au beau milieu de l’orchestre, bat la mesure avec des hochements de tête. Chez Burton et Elfman, chacun trouve sa place dans un des multiples mondes créés par le magic duo. Le style musical très particulier de Danny Elfman est présent dès cette première collaboration.

 

Beetlejuice (1988) continue la remontée des souvenirs, avec un film plus populaire mais tout aussi déjanté. L’apparition des chœurs au début de la mini-suite est une belle surprise, et les chants fantomatiques soulèvent d’un cran le plaisir qui s’installe à peine. La grosse caisse est un peu trop sèche, mais la totale fantaisie du thème arrache facilement un sourire au chef d’orchestre John Mauceri. Pour Sleepy Hollow (1999), un jeune garçon s’installe sur le devant de la scène et porte à bout de voix, la ténébreuse mélancolie du thème, avec beaucoup de grâce, parfois au-delà de ses limites vocales. Puis, avec Mars Attack (1996), retour à la pure fantaisie ; la scène devient aussi rouge que la planète lointaine. Big Fish (2003), plus mélancolique, est sans doute le morceau le plus atypique de la soirée.

 

 

Batman - Tim Burton

Batman – Tim Burton

ELFMAN, UN PATRONYME DE SUPER HÉROS

 

Alors que le score de Batman (1989) fait son entrée, c’est étonnamment la suite Batman : Le Défi (1992) qui déchaine les passions. Le morceau est applaudi dès son introduction. Qui pourrait imaginer la force, encore aujourd’hui, de cette époque où les grands cinéastes pouvaient imposer leur regard avant la mainmise de Marvel ? Danny Elfman est sans doute le créateur de thème de super héros le plus prolifique du cinéma : Darkman (1990), Dick Tracy (1990), Spider-Man (Sam Raimi, 2002, 2004), Hulk (Ang Lee, 2003) et Avengers (2015) revisitant le thème créé par Alan Silvestri. Dans celui de Batman, on ressent le style des Monster Movies de Universal des années trente, sous la direction de Franz Waxman (Dracula, Frankenstein…). Revoir le visage dévasté du Pingouin (Danny DeVito) et la sauvagerie de Catwoman (Michele Pfeiffer), illustrant la musique d’Elfman, permettent de redécouvrir la profondeur de ses deux superproductions devenues cultes.

 

L’entracte est décontracté ; les musiciens se mélangent au public à l’extérieur de la salle. Les spectateurs discutent entre eux, spontanément sans se connaître. Une créature imitant parfaitement l’extraterrestre de Mars Attack (Lisa Marie) se laisse prendre en photo. Nous sommes dans une effervescence à la Rocky Horror Picture Show dont les projections sont aussi captivantes dans la salle que sur l’écran.

 

La seconde partie reprend avec La Planète des Singes de Tim Burton (2001), mais les orchestrations et l’acoustique ne rendent pas justice à la force du morceau. Les Noces Funèbres (2005) enchaîne, avec des notes subtiles au piano, des accords très batmaniens et des chœurs toujours aussi magiques. Dark Shadows (2012) marque le retour à la violence baroque dont Burton est le maître. Soudainement, le son devient grave comme il doit l’être, et les images muettes du suicide en haut de la falaise, dans des couleurs désaturées, illustrent la sombre partition d’Elfman. Un moment de grand frisson et une sacrée leçon de cinéma. Le compositeur américain a convoqué ensemble ses maîtres : Max Steiner, Franz Waxman, Bernard Herrmann et Bela Bartok. Frankenweenie (2012) peine ensuite à innover, c’est désormais Edward aux Mains d’Argent que le public attend.

 

 

Danny Elfman - Grand Rex à Paris en octobre 2015

Danny Elfman – Grand Rex à Paris en octobre 2015 / Photo Jérôme Nicod pour CineChronicle

LA MAGIE AU RENDEZ-VOUS

 

Edward aux Mains d’Argent est resté magique dans le cœur des spectateurs, par sa grâce, sa subtilité et son fragile équilibre. Le chef d’orchestre, malgré ses 70 ans, semble lui aussi envouté. Son corps ondule, il ne dirige plus le morceau, il le vit. Il a posé sa baguette et semble caresser les notes avec ses bras et ses mains dans de lents va-et-viens. Parfois il donne l’impression que son corps flotte dans l’air. Et puis arrive de nulle part Sandy Cameron. Cette violoniste solo, vêtue de cuir dans une tenue qui évoque celle d’Edward, est l’incarnation vivante de la folie de l’univers de Tim Burton. Elle joue, elle bouge, elle saute, désarticulée, et manipule l’archet lui faisant fait crier ses cordes avec harmonie. On l’écoute comme on la regarde et on reste bouche bée.

 

Jamais on n’a vu pareille poésie dans un orchestre professionnel. Ce moment est la quintessence d’une soirée qui s’améliore au fur et à mesure du programme. L’Etrange Noel de Mr. Jack (Henry Selick, 1993) s’impose enfin. Il est sans doute l’un de ses films majeurs. L’orchestre attaque la (dé)mesure, vite masquée par un tonnerre d’applaudissements : Danny Elfman arrive sur scène. Dans le film, c’est lui qui prête sa voix au personnage principal. Il est venu interpréter les chansons de Jack, mais aussi rejouer quelques scènes de dialogue. Il marche comme lui, le résultat est extatique. Par moment, lorsqu’il ne chante pas, il observe le chef d’orchestre et écoute la musique. Sans qu’on s’en aperçoive, il a enfilé un bonnet de Père Noël et récite quelques répliques en Français. On ne sait plus très bien si c’est Jack ou le compositeur qui semble apprécier ce moment. Les deux font tellement osmose qu’on se demande aussi si c’est Jack qui habite Danny ou l’inverse. Aucun mot ne vient pour décrire la joie de ces quinze minutes de pur bonheur.

 

Le spectacle se clôt sur Alice aux Pays des Merveilles (2010). Si la chanson impressionne comme le bouquet final d’un feu d’artifice, nous étions depuis le départ dans la pays émerveillé de Danny Eflman.

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