Synopsis : Nouvelle recrue d’une équipe d’élite officiant pour le contre-espionnage américain, Mitch Rapp va suivre un rude entraînement mené par Stan Hurley, formateur légendaire de la CIA. Face à une vague d’attaques terroristes sans précédent à travers le monde, les deux hommes vont devoir s’attaquer à Ghost, un individu aussi dangereux qu’insaisissable, ayant pour intention de déclencher une guerre nucléaire.
♥♥♥♥♥
La violence d’une attaque, anonyme, dont l’apparente gratuité heurte au cœur du spectateur. C’est par la brutalité que le film sème la graine qui guide son personnage principal et nous entraîne à le suivre. On en était pourtant loin dans les premiers moments de l’ouverture, simple témoin d’une proposition de mariage au bord de l’eau entre un beau à sa belle. On observe, l’air un peu effaré ce couple Instagram qui se filme, et partage ainsi ce moment intime au reste du monde. L’outil permettant de communiquer cette joie, certes ici un peu niaise, prend brusquement une forme morbide. Il enregistre l’horreur et la mort. Les vacances qu’il partage avec sa fiancée sont alors interrompues par le fracas des balles sur cette plage espagnole. Départager réel et fiction relève alors de l’impossible seulement quelques jours après la tragédie de Barcelone. Le réalisateur avait sûrement en tête un autre drame lorsqu’il a imaginé cette séquence, comme celui de l’attentat de la station balnéaire de Sousse, en Tunisie, qui fit trente-neuf morts. L’éternelle question de l’art qui imite la vie ou de la vie qui imite l’art paraît alors bien vaine, mais parvient naturellement à nos oreilles et à nos yeux. Car ce sont nos sens qui sont attaqués dans cette ouverture glaçante. Sans préjuger des intentions de Michael Cuesta, la gêne que procure cette scène est réelle, à peine soutenable. La brutalité, la soif de sang et la violence parcourront le reste du long-métrage. Elle n’atteint pas ces sommets, mais continue d’irriguer un film qui en use parfois avec un plaisir malade, notamment dans une scène de torture. Suite à cette ouverture, le fil du récit se déroule naturellement. La blessure ouvre la voie du protagoniste vers une quête de revanche aveugle. Du moins, qui semble l’être au regard du comportement du personnage interprété par Dylan O’Brien (Le Labyrinthe).
Le jeu monolithique du jeune acteur alourdit les pas d’un scénario qui se veut subtile. On voit l’espion en herbe s’entraîner comme un forcené, regard sombre, dos courbé, cherchant à vouloir redistribuer la peine reçue. Le profil instable du garçon intéresse une dirigeante de la CIA qui voit en lui le parfait tueur de terroristes. Un jeune troublé aux aspirations vengeresses devient le terreau idéal à tout bon espion américain visiblement. Reste encore à faire pousser la graine. Rien de tel pour cela que les mains expertes d’un briscard qui n’en est pas à sa première plante. C’est l’excellent Michael Keaton qui campe alors le rôle du mentor. Lui-même sujet à ses propres démons et hanté par les quelques mauvaises herbes qui parsèment son propre chemin. Tout ça ressemble à une histoire de cadavre dans le placard dont chacun dispose comme il le peut. La formation militaire aux accents sadiques s’achève, et peut alors débarquer dans les métropoles du monde une bande de loups prête à sauver l’Amérique d’un possible conflit nucléaire.
La chasse est cependant peu entraînante. Les scènes d’action ne sauvent pas un ensemble rendu laborieux par l’utilisation de clichés à répétition. Tous les lieux communs du film d’espionnage y passent pour achever une œuvre sans imagination. Nous sommes ainsi laissés avec un scénario cherchant à articuler un propos intéressant sur le terrorisme contemporain, sur l’idée de l’Amérique créatrice de ses propres monstres, mais qui ne se donne pas les armes pour rendre le tout pertinent. Abandonner en ce sens par des personnages dont les liens entre eux semblent factices. Le scénario leur fournit un passé plus ou moins commun, histoire de ne pas se fatiguer à créer des affinités à l’écran et monter des enjeux bancals. Ils ne sont jamais le sujet du réalisateur, la caméra se posant sur eux comme sur des pièces vides. Il paraît évident que l’intérêt de l’auteur d’American Assassin se porte davantage sur l’état du monde, sur le rôle pernicieux de la CIA et de ce fait de l’Amérique dans la naissance de ses démons. Il l’a déjà prouvé avec son précédent film, Secret d’État, ou sa participation à la série Homeland. Seulement, mettre sur la table ces sujets ne suffit pas. Encore faut-il rendre ces paroles vivantes pour qu’elles soient audibles aux spectateurs. Michael Cuesta prend malheureusement le pari du mégaphone et nous assourdit. Un sifflement pénible persiste à nos oreilles, c’est peut-être déjà une victoire.
Thomas Danger
- AMERICAN ASSASSIN
- Sortie salles : 20 septembre 2017
- Réalisation : Michael Cuesta
- Avec : Dylan O’Brien, Michael Keaton, Sanaa Lathan, Taylor Kitsch, Scott Adkins, Shiva Negar, David Suchet, Mohammad Bakri, Alaa Safi, Trevor White, Kamil Lemieszewski…
- Scénario : Stephen Schiff, Michael Finch, Edward Zwick, Marshall Herskovitz d’après American Assassin par Vince Flynn
- Production : Lorenzo di Bonaventura, Nick Wechsler, Edward Zwick, Marshall Herskovitz
- Photographie : Enrique Chediak
- Montage : Conrad Buff IV
- Décors : Andrew Laws
- Costumes : Anna B. Sheppard
- Musique : Steven Price
- Distribution : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h51
- Site officiel du film