Un escroc, Irving Rosenfeld, et sa complice se retrouvent obligés par un agent du FBI de nager dans les eaux troubles de la mafia pour piéger un homme politique corrompu.
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David O. Russell se réapproprie avec fougue cette fameuse opération piège de grande envergure, au nom de code Abscam, menée par le FBI, qui a fait tomber un certain nombre de membres de la Chambre des Représentants pour corruption à la fin des années 70-80. American Bluff était l’un des projets intéressants de 2013 par son histoire, son atmosphère vintage et surtout son casting puisque David O. Russell retrouve Christian Bale et Amy Adams après The Fighter, ainsi que Jennifer Lawrence, Bradley Cooper et Robert de Niro après HAPPINESS THERAPY (notre critique). Mais en plus, il offre une approche scorsesienne réjouissante dans ce septième film centré sur une collusion entre le gouvernement et la mafia à New York, avec en son sein un escroc et sa complice, contraints par un agent du FBI de nager dans ces eaux troubles. Si tous excellent dans leurs interprétations, on apprécie ce petit parti pris de mise en scène à la fois exaltée et étourdissante qui dépeint ce monde de leurres et de manigances, et où l’on roule des mécaniques avec classe et élégance. Le film est sans doute un peu trop long avec une effusion de dialogues qui réfrènent l’emballement, même si ces éléments disséminés dans le scénario contribuent aussi à noyer le poisson dans l’histoire.
‘Les gens croient ce qu’ils veulent bien croire’ tel est le leitmotiv de ce couple d’arnaqueurs, incarné par Christian Bale et Amy Adams, et le fil conducteur d’American Bluff qui joue dès l’ouverture sur la fausse impression, les artifices et les faux-semblants. Car David O. Russell nous manipule d’entrée de jeu en choisissant ce qu’il veut bien nous montrer. Il nous présente ainsi cet escroc notoire bedonnant, qui tente de cacher son crâne à moitié dégarni entre un bout de moumoute et ses vrais cheveux, et sa somptueuse complice, au physique sensuel et sexy, qui se fait passer pour une Comtesse en simulant un accent britannique. Amy Adams, tout simplement resplendissante, dévoile ici d’ailleurs toute sa féminité et son glamour. Débute alors dans ce divertissement de deux heures, tiré d’un sérieux et véritable scandale, la valse de portraits de personnages aussi mirobolants que pathétiques. David O. Russell fait défiler les belles images de leur rencontre laissant supposer que ce couple amoureux et en totale harmonie, spécialisé dans le vol d’œuvres d’art, est parfaitement libre comme l’air et sans aucune attache, arnaquant à leur gré bons les pigeons. Mais c’est pour mieux insérer des aspects bien plus terre-à-terre qui viennent modérer cette relation idéale. Il trompe ainsi un peu son monde en jouant avec le vrai du faux.
Christian Bale, qui continue de malmener son corps, après The Machinist et The Fighter, en apportant ici l’une de ses plus singulières transformations, est en effet un escroc marié à une frondeuse dépressive, énergiquement campée par Jennifer Lawrence, avec laquelle il a adopté son fils, qui refuse le changement tout en menaçant le déroulement de toute l’opération. S’il jongle comme il peut entre les deux parties, il doit aussi se mesurer à un agent du FBI, joué par Bradley Cooper, opportuniste et vaniteux s’avérant pourtant d’une naïveté touchante, qui s’intéresse à leurs combines. Il voit un intérêt fort à les utiliser pour une enquête d’infiltration concernant le maire du New Jersey (Jeremy Renner), qui tente de son côté de garder l’équilibre financier de la ville touchée par la récession. Forcément tout se complique lorsqu’ils doivent traiter avec le parrain de la mafia, brillamment emmené par un Robert de Niro, totalement dans son élément naturel. David O. Russell use ici d‘ailleurs particulièrement du style de mise en scène de Scorsese présentant son personnage en deux zooms d’intro et de fin avant/ arrière.
Entre rebondissements, loyautés bafouées, duperie, relations conflictuelles, authenticité et mystification, manipulations et pièges, David O. Russell et son coscénariste Eric Singer portent un regard satirique sur la corruption politique où se mêlent toutes les entourloupes mafieuses propices à la comédie, avec une palette de trublions qui évitent soigneusement la caricature. American Bluff enthousiasme grâce à ce casting justement au top d’un jeu crédible en dépit des situations surréalistes. Mais on salue aussi l’excellent travail effectué sur la bande son de Danny Elfman, la sélection de tubes jazzy et disco (Jeep’s Blues de Duke Ellington, I feel love de Donna Summer), les costumes et les coiffures sophistiqués qui magnifient la beauté des femmes, les accessoires comme dans ce sketch sur le micro-onde, et enfin les décors. Car ils ont su canaliser toute l’effervescence d’une certaine Amérique à la fin des années 70.
AMERICAN BLUFF (American Hustle) de David O. Russell en salles le 5 février 2014 avec Christian Bale, Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Amy Adams, Christian Bale, Jeremy Renner et Robert de Niro. Scénario : David O. Russell et Eric Singer. Producteurs : Richard Suckle, Charles Roven, Megan Ellison. Photos : Linus Sandgren. Montage : Jay Cassidy, Crispin Struthers. Compositeur : Danny Elfman. Décors : Judy Becker. Costumes : Michael Wilkinson. Distribution : Metropolitan FilmExport. Durée : 2h09.
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