Résumé : Avec une audace peu commune, Samuel Fuller a réalisé des films noirs (Le Port de la drogue), des westerns (Quarante tueurs) et des films de guerre (Au-delà de la gloire), genre qu’il nourrit de sa longue expérience de soldat durant la Seconde Guerre mondiale. De l’ensemble de sa filmographie, il est bien entendu question dans Samuel Fuller, jusqu’à l’épuisement, mais aussi de différents textes – pulp fictions écrites dans les années 1930 et 1940, nouvelles et articles – qui ont posé les jalons de son cinéma. Il a eu en effet plusieurs vies : il a été journaliste, romancier, scénariste, producteur et réalisateur, mais aussi attaché de presse, dessinateur politique et bien d’autres choses encore.
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Parmi les ouvrages cinéma de l’année 2017, le Samuel Fuller de Frank Lafond – enseignant en cinéma à l’Université de Strasbourg, responsable de la collection « Contrechamp » chez Vendémiaire, et à qui l’on doit déjà un excellent ouvrage consacré à Joe Dante publié chez Rouge Profond en 2011, ainsi qu’un instructif Dictionnaire du cinéma fantastique et de science-fiction paru en 2014- occupe une place de choix. S’ouvrant sur une analyse précise des romans signés par Fuller et se clôturant par un retour très développé sur son activité première de journaliste, l’ouvrage se présente comme un panorama particulièrement complet de la carrière aux multiples facettes du réalisateur. La réflexion de Lafond profite d’une longue investigation et d’un travail de fond auprès de nombreux documents d’archives pour promouvoir une recherche inédite et scientifiquement rigoureuse. Aux analyses formelles de séquences ou de plans (la saisissante comparaison des ouvertures de J’ai tué Jesse James et du Port de la drogue) répondent de multiples retours sur la face manuscrite de l’œuvre de Fuller. Romans et articles donc, mais aussi scénarios dont les relectures attentives de l’auteur permettent de savourer toute la singularité de ton et de forme.s. Sur ce point, l’étude de Dressé pour tuer (White Dog) proposée par Lafond se présente comme un cas exemplaire. Consacrant un chapitre entier au film, l’auteur revient sur les multiples reprises dont fit l’objet son scénario, avant de s’attarder sur son tournage et sa réception, ponctuant son argumentaire de nombreuses références biographiques. La personnalité du réalisateur se mesure ainsi au contact d’une recontextualisation constante de son Å“uvre, offrant une place privilégiée aux questions relatives à la censure, aux limites et aux ouvertures proposées par un système auquel le tempérament artistique de Fuller dut plus ou s’adapter.
Tout au long de l’ouvrage, l’approche historique adoptée par Lafond profite d’une limpidité propre à une écriture impliquée et particulièrement enthousiasmante. L’originalité de l’encadrement précédemment mentionné fait ainsi profiter à la structure de l’ensemble certains prolongements féconds (ainsi de la prédilection de Fuller pour les gros plans faisant écho à l’art graphique déployé par les manchettes des journaux américains). Préfacé par Jim Jarmusch, le livre propose une bibliographie très complète qui ravira les cinéphiles et autres inconditionnels de l’œuvre fullerienne. Quant à la mise en page, inutile de dire que Rouge Profond a vu les choses en grand. À raison, la maison d’édition a opté pour un grand format (215 x 265), lui permettant de déployer une foisonnante iconographie (pas moins de 660 images noir et blanc et couleur !) qui redouble encore le plaisir pris à la lecture de cet incontournable.
- SAMUEL FULLER. JUSQU’À L’ÉPUISEMENT
- Auteur.s : Frank Lafond
- Édition : Rouge Profond
- Collection :Â RaccordsÂ
- Date de diffusion : décembre 2017
- Format : 352 pages
- Tarif : 45 €