America de Claus Drexel : critique

Publié par Erwin Haye le 14 mars 2018

Synopsis : Novembre 2016, les États-Unis s’apprêtent à élire leur nouveau président. America est une plongée vertigineuse au cœur de l’Arizona, à la rencontre des habitants d’une petite ville traversée par la Route 66, les héritiers cabossés du rêve américain qui nous livrent leurs espoirs et leurs craintes.

♥♥♥♥♥

 

America - affiche

America – affiche

Un mois après la fusillade de Parkland dans le lycée Marjory Stoneman Douglas en Floride, les États-Unis pleurent encore les dix-sept victimes mais restent paradoxalement inflexibles sur la législation du port d’armes. Les charges répétées de la courageuse Emma Gonzalez et de ses camarades rescapés de la tuerie à l’encontre du gouvernement et des lobbies d’armes à feu pèsent malheureusement peu dans la balance face à ce pilier fondateur qu’est le deuxième amendement de la Constitution. Dans ce contexte brûlant qui embrase une nouvelle fois le pays, le nouveau documentaire de Claus Drexel prend une dimension toute particulière. Sobrement intitulé America, le film dépeint une nation sur le déclin et témoigne indirectement de sa fascination obsédante pour les calibres en tout genre. Après avoir filmé les sans-abri de la ville de Paris dans Au bord du monde, le cinéaste est allé planter sa caméra dans les étendues désertiques de l’Arizona pour prendre le pouls d’un peuple à la veille d’une élection présidentielle aussi indécise que décisive. Située sur le tracé historique de la Route 66, à quelques encablures du Grand Canyon, Seligman concentre tous les clichés d’une petite bourgade de la Sun Belt américaine. Décor carte postale d’un western classique hollywoodien, Seligman n’a pourtant rien de fastueux. Depuis la déclassification de la mythique route, les voyageurs n’y font plus escale, préférant emprunter l’Interstate 40 passant au Sud de la ville. Au milieu du désert s’installe donc un désert économique où les carcasses de voitures s’entassent et les commerces désaffectées tombent en ruine. Se sentant abandonnés par les gouvernements successifs, les laissés-pour-compte regardent mourir leur part de rêve américain tout en se demandant si celui qui promet de rendre sa grandeur à l’Amérique a la capacité de la réanimer.

 

America - Claude Drexel

America – Claude Drexel

 

En reprenant le même procédé de mise en scène utilisé pour Au bord du monde, Claus Drexel imagine le documentaire comme un espace de parole libre. Sans imposer un quelconque jugement, le cinéaste fait défiler devant sa caméra tout une population rurale désespérée qui partage sans aucun filtre ses points de vue et ses sentiments sur des thèmes politiques et sociétaux délicats comme l’immigration, la santé, l’économie… et l’inévitable sujet des armes à feu. Ainsi dans le ras-le-bol général se mélangent sans distinction les inepties les plus effroyables et les propos un peu plus réfléchis. Mais que l’on réprouve les déclarations choquantes d’un homme hostile envers les étrangers ou le souhait d’une femme d’offrir un premier vrai pistolet à son enfant de cinq ans, tout cela n’a ici que très peu d’importance. Drexel nous renvoie à notre vision toute européenne et caricaturale du peuple américain et nous invite à la dépasser afin de mieux comprendre sa logique et ses différents cheminements de pensée. Dans une alternance entre plans fixes d’entrevus et de paysages, ces portraits complexes d’hommes et femmes du Nouveau Monde bercés par les notes mélancoliques d’Ibrahim Maalouf s’inscrivent parfaitement dans l’immensité d’un décor magnifié par les images quasi photographiques de Sylvain Leser, entièrement filmées avec un objectif grand angle à courte focale très réduite.

 

America - Claude Drexel-

America – Claude Drexel-

 

Outre ses qualités esthétiques évidentes et ses traits d’humour qui adoucissent son propos, America évoque un malaise profond. S’il semble parfois enfoncer des portes ouvertes, le documentaire utilise intelligemment la petite ville de Seligman et sa communauté pour représenter un pays qui devient peu à peu son propre ennemi. Où les habitants, aussi rudes que les paysages qui les entourent, se barricadent par méfiance de l’autre et se tiennent en joue par peur de l’étranger. L’ombre d’un milliardaire impulsif et sectaire planant sur la Maison Blanche n’arrangeant pas cette fracture sociale bien avancée. En faisant preuve d’une habilité et d’une bienveillance rare, Claus Drexel expose simplement mais efficacement les raisons de la colère d’une Amérique perdue sur la route des rêves brisés.

 

 

 

  • AMERICA
  • Sortie salles : 14 mars 2018
  • Réalisation : Claus Drexel
  • Avec : John Vlasnik, Corinne Kurzmann, Mike Burch, Sandy Coleman…
  • Production : Laurent Lavolé
  • Photographie : Sylvain Leser
  • Montage : Véronique Buque
  • Musique : Ibrahim Maalouf
  • Distribution : Diaphana
  • Durée : 1h22

 

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