Sherlock (saisons 1 et 2) : critique

Publié par Philippe Tessier le 9 juillet 2012

Les aventures de Sherlock Holmes et du docteur Watson transposées à notre époque….

 

 

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Une énième déclinaison de Sherlock Holmes avait de quoi inquiéter tellement ce personnage aura fait l’objet d’adaptations plus ou moins réussies. De 1903 à aujourd’hui, on compte pas moins d’une trentaine de films notables, quelques séries, une quinzaine de téléfilms et quatre dessins-animés. Il a même eu le droit à deux jeux, quelques jeux vidéo et des bandes-dessinées. Et c’est sans compter les adaptations radiophoniques, les romans qui s’en inspirent fortement et les pièces de théâtre. Bref, cette nouvelle série était attendue au tournant. Premier élément pour nous rassurer, les deux créateurs de la série, Steven Moffat et Mark Gatiss (qui interprète d’ailleurs le frère de Sherlock dans la série, Mycroft). Le très talentueux Steven Moffat a œuvré sur Doctor Who et on lui doit certains des meilleurs épisodes de cette série. Quant à Gattis, c’est un habitué de la télévision et de la radio britannique. Il a également participé à Doctor Who dont il a écrit quatre épisodes de la nouvelle série de 2005 et dans laquelle il fait quelques apparitions (le professeur Lazarus notamment). Deuxième élément qui finit de nous rassurer, c’est Hartswood Films qui produit la série pour le compte de la BBC. Et quand on sait que cette société de production est derrière l’excellentissime Jekyll, on part un peu plus confiants. A l’instar d’une série comme Whitechapel, chaque saison de Sherlock est constituée de 3 épisodes mais ceux-ci ont une durée de 90 minutes et non de 45 minutes. Chacun d’eux s’inspire d’une des célèbres enquêtes du détective. Après deux saisons de trois épisodes, force est de constater que le résultat est vraiment concluant.

 

Mais toutes les enquêtes de Sherlock, on les connaît presque par cœur. Qu’apporte donc de nouveau cette série. Eh bien, une fois n’est pas coutume avec les productions britanniques, un brillant travail de scénarisation et des personnages avec des acteurs irréprochables pour les interpréter. L’idée de base de la série c’est de retranscrire les aventures du célèbre détective à notre époque avec toutes les technologies auxquelles nous avons accès. Les scénaristes prennent une grande liberté avec les aventures de Sherlock Holmes. Si certains épisodes sont directement inspirés par les œuvres d’origine, la plupart sont des assemblages de différents éléments disséminés dans les textes de Sir Artur Conan Doyle. Ainsi, si le premier épisode, Une étude en Rose, demeure assez proche du texte original Une étude en Rouge, il reprend des éléments du Signe des Quatre, d’Un scandale en Bohême, du Problème du Pont de Thor ou encore de la Ligue des Rouquins. Le second, Le Banquier Aveugle, est un assemblage d’éléments apparaissant dans La Vallée de la Peur et dans Les Hommes Dansant tandis que le troisième, Le Grand Jeu, s’inspire des Plans de Bruce Partington, des Cinq Pépins d’Orange, du Traité Naval et d’Une Etude en Rouge.

 

Moffat et Gatiss ont donc pris l’ensemble des textes et réparti leurs différents éléments pour constituer leur propre histoire en adaptant chaque élément à leur guise et surtout au contexte moderne. Ils reprennent à leur compte les personnages créés par l’auteur mais les développent en fonction de leur inspiration. Ainsi, le frère de Sherlock, Mycroft, qui n’apparaît que dans trois textes, est présent dans presque chaque épisode et son rôle est largement renforcé. C’est un exercice qui aurait pu leur valoir de sévères critiques mais ils le font de manière tellement intelligente et avec tellement de respect pour l’œuvre qu’on ne peut qu’apprécier cette nouvelle vision de Sherlock, à la fois si proche et si éloignée de l’originale. D’ailleurs leur adaptation est certainement plus fidèle que la version de Guy Ritchie consacrée au détective, où Sherlock et Watson empruntent beaucoup au duo Artémus Gordon/James West des Mystères de l’Ouest dans des aventures totalement originales même si elles se déroulent, elles, au 19e siècle. Car si Moffat et Gattis décomposent les textes originaux et les réassemblent à leur convenance, ils en conservent totalement l’esprit. Entre la version survitaminée du film et celle beaucoup plus sobre de la série, il y en a pour tous les goûts.

 

 

La grande réussite de Sherlock, ce sont sans doute ses personnages. Servi par des acteurs remarquables, le duo Sherlock/Watson séduit d’emblée et il reste l’élément principal autour duquel vient s’articuler l’aventure. Contrairement à bon nombre d’adaptations où Sherlock se retrouve au premier plan et où l’on va s’intéresser vaguement à Watson, dans la série, les deux héros partagent la vedette et s’avèrent en tous points passionnants. D’emblée, Holmes n’est plus présenté comme uniquement un enquêteur de génie mais aussi comme un individu en permanence en ébullition, totalement instable et méprisant absolument tout le monde sauf peut-être Watson, une mystérieuse jeune femme qui fait son apparition dans le premier épisode de la seconde série et, bien entendu, Moriarty. Il se montre arrogant et, à ses yeux, la grande majorité de la population est terne et sans intérêt. Ce comportement s’avère à la limite du malsain quand cela concerne une jeune femme éprise de lui. Sherlock ne peut même pas concevoir une telle chose mais il saura utiliser l’amour qu’elle lui porte à son profit. Benedict Cumberbatch est irréprochable dans on interprétation et confère à son personnage une sorte d’inhumanité assez troublante. Même quand on pense qu’il peut faire preuve d’un peu de cœur ou de compassion, quelque chose dans le regard ou l’attitude de l’acteur vient nous faire douter. Pour lui les sentiments ne font pas bon ménage avec la logique et il ne comprend absolument pas comment quelqu’un peut se laisser dominer par autre chose que la pure réflexion. Il n’agit pas dans l’idée de faire du mal à quelqu’un, il ne comprend tout simplement pas que ses actes ou commentaires puissent nuire à autrui. Il semble s’être affranchi d’une partie de son humanité et quand il se retrouve confronté à une rivale potentielle qui lui fait des avances on ne peut plus explicites, on n’arrive pas vraiment à déterminer s’il n’a aucune idée de ce que ça peut être ou s’il est terrorisé à l’idée de passer à l’acte.

 

Dans cette série, Sherlock utilise son cerveau comme une machine qu’il pousse au maximum de ses capacités. On peut le comparer à un de ces sportifs des sports extrêmes qui ont besoin d’adrénaline pour vivre… mais lui, c’est d’enquête dont il est avide, de jeux d’esprits, d’énigmes. Ce n’est pas un  héros calme et posé. Non, il bouge tout le temps, parle très rapidement et pense encore plus vite. On l’aurait certainement diagnostiqué hyperactif dans son enfance. Et quand il ne bouge plus, quand il ne parle plus, c’est qu’il y a vraiment quelque chose qui lui pose problème. Bien entendu, pour son entourage ce n’est pas facile à vivre surtout quand en plus de jouer constamment avec sa vie et tenter de repousser ses limites, il fait la même chose avec « ses proches ». Ce n’est alors pas étonnant qu’il soit seul… même si ce n’est pas évident de savoir s’il en souffre ou non. Comme le dit une inspectrice à Watson : « Il n’a pas d’ami, gardez vos distances… Il aime ça (les crimes). Mais un jour il se lassera d’enquêter et ce sera lui qui passera à l’acte. C’est un psychopathe et les psychopathes finissent par s’ennuyer. »

 

Le second personnage majeur de la série est bien entendu Watson brillamment interprété par Martin Freeman (le futur Bilbo international). On aurait pu craindre qu’il soit écrasé par l’envergure de Sherlock mais il n’en est rien. Il est l’exact opposé de son ami et pourtant il lui ressemble par bien des aspects. Watson est un personnage traumatisé par la guerre d’Afghanistan qui cherche à reconstruire sa vie. Même si lui aussi tente d’échapper à une existence trop morne, il veut également pouvoir entretenir des relations à peu près normales avec son entourage. Mais avec Sherlock comme colocataire, rien ne s’avère aisé. Rien que d’essayer d’entretenir une relation avec une jeune femme relève de l’exploit. Watson est à la fois effrayé et fasciné par Sherlock. Même quand il estime que ce dernier va trop loin ou prend trop de risques, il est prêt à le suivre et à lui trouver toutes les excuses pour justifier son comportement car, lui aussi, a besoin de cette excitation pour vivre. C’est un peu le Jiminy Cricket de Sherlock et le duo formé par Martin Freeman et Benedict Cumberbatch marche admirablement bien sans qu’aucun des deux acteurs ne prennent le pas sur l’autre. Oui, Sherlock est au centre de tout mais Watson se tient toujours à ses côtés et va même jusqu’à lui sauver la vie à plusieurs reprises. Enfin bref, les britanniques nous offrent une nouvelle fois avec Sherlock une excellente série à ne rater sous aucun prétexte. Une troisième saison est d’ailleurs en cours de développement. Ah si seulement nous pouvions faire la même chose… et qu’on ne vienne pas nous dire que c’est une question de budget… il faut juste un bon scénariste et de bons acteurs.

 

 

Philippe Tessier

 

 

 

Série britannique créée par Steven Moffat et Mark Gatiss d’après l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle de 6 épisodes (pour les deux premières saisons) de 90 minutes et diffusée sur BBC depuis le 25 Juillet 2010 avec Benedict Cumberbatch, Martin Freeman, Mark Gatiss, Andrew Scott, Una Stubbs, Vinette Robinson, Louise Brealey et Rupert Graves.

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Source: CBO Box office

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