Les surprises n’ont pas neigé sur la 38e cérémonie des César, qui s’est déroulée ce vendredi 22 février en direct du théâtre du Châtelet. Le poignant et adoré Amour de Michael Haneke est le grand vainqueur de la soirée présidée par Jamel Debbouze, avec Antoine De Caunes en maître de cérémonie. Le drame du cinéaste autrichien, déjà moult fois primé à travers le monde, est ainsi reparti avec cinq des statuettes les plus prestigieuses : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice pour Emmanuelle Riva et meilleur acteur pour Jean-Louis Trintignant. Un triomphe attendu, mais relatif puisque le palmarès reste hétéroclite. Le superbe DE ROUILLE ET D’OS de Jacques Audiard a lui récolté quatre trophées : meilleur espoir masculin pour Matthias Schoenaerts – attendu aussi et archi mérité, meilleure musique originale, meilleure adaptation pour Audiard et Thomas Bidegain – et meilleur montage. Le très beau film de Benoît Jacquot, Les Adieux à la reine, ne repart pas non plus bredouille. Le long-métrage a reçu trois récompenses pour ses costumes, sa photographie et ses décors. La comédie n’est pas non plus en reste puisque Le prénom d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, qui avait attiré plus de 3,3 millions d’entrées l’an passé, a vu ses excellents seconds rôles Valérie Benguigui et Guillaume De Tonquédec récompensés.
« Je suis quasiment sûre que Camille redouble n’aura pas le César du meilleur film, peut-être même zéro César. » Elle doit être devin Noémie Lvovsky, vu que l’équipe de son film – succès d’estime de l’automne dernier – n’est pas une seule fois monté sur scène, malgré les 13 nominations au compteur. Dur, notamment pour ses comédiennes Julia Faure et India Hair qui, citées pour la catégorie meilleur espoir féminin, ont vu le prix leur passer sous le nez au profit de Izia Higelin pour son rôle dans Mauvaise Fille. Le titre de plus grand boycotté de la soirée revient cependant à HOLY MOTORS de Leos Carax, merveille d’audace et prodige de mise en scène pourtant nommé neuf fois et salué par la critique en 2012. Et si Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva comptent grandement dans la réussite d’Amour, on peut en même temps regretter que Marion Cotillard, bouleversante dans DE ROUILLE ET D’OS, Denis Lavant, renversant devant la caméra de Carax, et Jérémie Rénier en clone de CLOCLO (notre critique) repartent les mains vides.
Si DE ROUILLE ET D’OS n’a beau comptabiliser que quatre César, Jacques Audiard devient cependant le scénariste le plus récompensé devant Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri, avec une quatrième statuette dorée à poser sur sa cheminée. Primé en tant que meilleure adaptation, DE ROUILLE ET D’OS succède donc aux distinctions reçues pour Un prophète, Sur mes lèvres et De battre on cœur s’est arrêté. Alexandre Desplat reçoit pour sa part son troisième césar de la meilleure musique originale suite à ses prix pour De battre mon cœur s’est arrêté et The Ghost Writer de Roman Polanski. Desplat est par ailleurs nommé aux prochains Oscars pour ARGO de Ben Affleck (notre critique), récompensé par le César du meilleur film étranger. Enfin, Juliette Welfling est désormais la monteuse la plus césarisée en recevant son cinquième trophée, après Regarde les hommes tomber, De battre mon cœur s’est arrêté, Un prophète et Le scaphandre et le papillon de Julian Schnabel.
La soirée fut parfois lénifiante, souvent grossière et certains sketches ratés ou du moins inaboutis, comme celui de Manu Payet s’adressant à Kevin Costner. Des instants sont tout de même sortis du lot avec un Antoine de Caunes en verve, qui s’est particulièrement nourri des récentes polémiques comme celle de Vincent Maraval sur le salaire des acteurs et de Gérard Depardieu dont l’image est apparue sous les yeux des téléspectateurs pendant que la chorale de l’Armée Rouge chantaient La Marseillaise. On a apprécié le bel hommage à Jean Carmet par Isabelle Carré, venue remettre le César du meilleur second rôle masculin, via le souvenir d’une scène de La Reine blanche de Jean-Loup Hubert qu’elle partagea avec le comédien disparu en 1994. La séquence « Star Wars revisité par Michael Haneke » : Dark Vador mourant au lit, entouré de François Berléand/Luke Skywalker et Corinne Masiero/Princesse Leïa. L’excellent texte de Laurent Laffitte venu remettre le César du Meilleur Scénario. De son côté, François Damiens s’est chargé du « Le costume du meilleur César » et a fait mouche avec sa fausse gaucherie habituelle : « Le costume, appelé aussi tenue… Le prompteur est limite quand même. ». L’émotion et standing ovation autour d’Emmanuelle Riva, qui citera à l’occasion un poème de Kleist : « Ami, ne néglige pas de vivre car elles fuient les années et le sud de la vie ne nous embrasera pas autant ». Mais surtout le superbe discours ému de Kevin Costner, très classe et humble, remerciant plusieurs fois l’assistance, qui a été la véritable émotion de la soirée.
Après l’heure du bilan côté cinéma français, les yeux sont déjà rivés vers la 85e cérémonie des Oscars, qui se tiendra ce dimanche 24 février à Los Angeles. En attendant, retrouvez ci-dessous le palmarès complet de cette 38e édition :
PALMARÈS DES CÉSAR 2013
MEILLEUR FILM
- Les Adieux à la reine
- GAGNANT : Amour
- Camille Redouble
- Dans la maison
- De Rouille et d’os
- Holy Motors
- Le Prénom
MEILLEUR RÉALISATEUR
- Benoit Jacquot (Las Adieux à la Reine)
- GAGNANT : Michael Haneke (Amour)
- Noemie Lvovsky (Camille Redouble)
- François Ozon (Dans la Maison)
- Jacques Audiard (De Rouille et d’Os)
- Leos Carax (Holy Motors)
- Stephane Brizet (Quelques Heures de Printemps)
MEILLEURE ACTRICE
- Marion Cotillard (De Rouille et d’Os)
- Catherine Frot (Les Saveurs du Palais)
- Noémie Lvovsky (Camille Redouble)
- Corinne Masiero (Louise Wimmer)
- GAGNANT : Emmanuelle Riva (Amour)
- Léa Seydoux (Les Adieux à la Reine)
- Helène Vincent (Quelques Heures de Printemps)
MEILLEUR ACTEUR
- Jean-Pierre Bacri (Cherchez Hortense)
- Patrick Bruel (Le Prénom)
- Denis Lavant (Holy Motors)
- Vincent Lindon (Quelques Heures de Printemps)
- Fabrice Luchini (Dans la Maison)
- Jérémie Rénier (Cloclo)
- GAGNANT : Jean-Louis Trintignant (Amour)
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE
- GAGNANT : Valerie Benguigui (Le Prénom)
- Judith Chemla (Camille Redouble)
- Isabelle Huppert (Amour)
- Yolande Moreau (Camille Redouble)
- Edith Scob (Holy Motors)
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE
- GAGNANT : Guillaume de Tonquédec (Le Prénom)
- Samir Guesmi (Camille Redouble)
- Benoit Magimel (Cloclo)
- Claude Rich (Cherchez Hortense)
- Michel Vuillermoz (Camille Redouble)
MEILLEUR FILM ÉTRANGER
- GAGNANT : Argo
- Bullhead
- Laurence Anyways
- Oslo, 31 Aout
- La Part des anges
- Royal Affair
- A perdre la raison
MEILLEUR PREMIER FILM
- Augustine
- Comme des frères
- GAGNANT : Louise Wimmer
- Populaire
- Rengaine
MEILLEUR DOCUMENTAIRE
- Bovine ou la vraie vie des vaches
- Duch, le maitre des forges de l’enfer
- GAGNANT : Les Invisibles
- Journal de France
- Les nouveaux chiens de garde
MEILLEUR FILM D’ANIMATION
- Edmond était un ane
- GAGNANT : Ernest et Celestine
- Kirikou et les hommes et les femmes
- Oh Willy
- Zarafa
MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
- Felix Moati (Télé Gaucho)
- Kacey Mottet Klein (L’Enfant d’en Haut)
- Pierre Niney (Comme des Frères)
- GAGNANT : Matthias Schoenaerts (De Rouille et d’Os)
- Ernst Umhauer (Dans la Maison)
MEILLEUR ESPOIR FEMININ
- Lola Dewaere (Au Galop)
- Alice De Lencquesaing (Mince Alors)
- Julia Faure (Camille Redouble)
- India Hair (Camille Redouble)
- GAGNANT : Izia Higelin (Mauvaise Fille)
MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL
- Adieu Berthe
- GAGNANT : Amour
- Camille redouble
- Holy Motors
- Quelques heures de printemps
MEILLEURE ADAPTATION
- 38 témoins
- Les Adieux à la reine
- Dans la maison
- GAGNANT : De rouille et d’os
- Le Prénom
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
- Les Adieux à la reine
- Camille redouble
- Dans la maison
- GAGNANT : De rouille et d’os
- Populaire
MEILLEUR SON
- Les Adieux à la reine
- Amour
- GAGNANT : Cloclo
- De rouille et d’os
- Holy Motors
MEILLEUR MONTAGE
- Les Adieux à la reine
- Amour
- Camille redouble
- GAGNANT : De rouille et d’os
- Holy Motors
MEILLEURE PHOTOGRAPHIE
- GAGNANT : Les Adieux à la Reine
- Amour
- De rouille et d’os
- Holy Motors
- Populaire
MEILLEURS COSTUMES
- GAGNANT : Les Adieux à la reine
- Augustine
- Camille redouble
- Cloclo
- Populaire
MEILLEURS DÉCORS
- GAGNANT : Les Adieux à la reine
- Amour
- Cloclo
- Holy Motors
- Populaire
MEILLEUR COURT-MÉTRAGE
- Ce n’est pas un film de Cow-boys
- Ce qu’il restera de nous
- GAGNANT : Le cri du Homard
- Les Meutes
- La vie parisienne