Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Jimmy Picard, un Indien Blackfoot ayant combattu en France, est admis à l’hôpital militaire de Topeka, au Kansas, un établissement spécialisé dans les maladies du cerveau. Jimmy Picard souffre de nombreux troubles : vertiges, cécité temporaire, perte d’audition… En l’absence de causes physiologiques, le diagnostic qui s’impose est la schizophrénie. La direction de l’hôpital décide toutefois de prendre l’avis d’un ethnologue et psychanalyste français, spécialiste des cultures amérindiennes, Georges Devereux.
♥♥♥♥♥
Arnaud Desplechin a fait son retour sur la Croisette cette année cinq ans après avoir présenté également en compétition officielle Un Conte de Noël. Pour son nouveau long métrage et sa seconde réalisation en langue anglaise, après Esther Kahn, il se penche sur l’ethnopsychanalyse au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, d’après l’œuvre parue en 1951 Psychothérapie d’un Indien des Plaines de George Devereux, considéré comme le fondateur de cette discipline à la croisée entre l’anthropologie et la psychanalyse. Le cinéaste français conduit ici cette relation intéressante du patient/médecin, entre l’auteur du livre, interprété par Mathieu Amalric, qui tente d’apaiser les troubles et l’âme en souffrance de Jimmy Picard, sous les traits de Benicio Del Toro, un indien névrosé, diagnostiqué schizophrène, et souffrant de migraines infernales récurrentes. Si l’on peut reprocher une œuvre conventionnelle et académique – à l’instar de celle de David Cronenberg avec A DANGEROUS METHOD (notre critique) sur Freud et Jung -, et une narration parfois trop linéaire, Arnaud Desplechin signe sans doute l’un de ses films les plus esthétiques et maîtrisés, à la croisée du thriller, du western très fordien et du drame psychanalytique, dans sa mise en scène aérée et obsédante et sa structure scénaristique plutôt tenue.
Avec toujours l’une de ses thématiques de prédilection – la psychanalyse -, et accompagné de son acteur-fétiche, il tente de plonger le spectateur pendant près de deux heures dans l’histoire vraie et l’amitié authentique entre ces deux hommes, qui vont apprendre d’eux-mêmes au cours de plusieurs séances de psychothérapie entre rêves et souvenirs, tout en brisant dès le départ les barrières des différences. Desplechin se démarque rapidement par son casting original avec un Mathieu Amalric épatant avec son accent roumain, et un Benicio Del Toro toujours aussi gigantesque, qui revient à Cannes après avoir remporté le prix d’interprétation masculine dans le diptyque du Ché de Soderbergh en 2008. Ce Portoricain naturalisé Espagnol incarne ici tout en intériorité un Amérindien issu de la tribu des Blackfoot, à une époque où les indiens d’Amérique, spoliés de leurs terres, privés de leur liberté, parqués dans des réserves et encore appelés ‘Chef’, tentaient de se sortir de la déportation de millions des leurs. Il se livre ici, dans cet hôpital militaire du Kansas, corps et âme à cet homme blanc avec lequel il n’a rien en commun car dans leurs vies au contraire tout s’oppose. Si cette adaptation d’un ouvrage de 600 pages sur les séances retranscrites a tendance a laissé quelque peu froid, Desplechin dresse néanmoins une peinture ethnique freudienne bouleversante, soutenue par une photographie intense et soignée, aux décors somptueux plongés dans les terres sauvages américaines et surtout à la bande son atmosphérique et inquiétante d’Howard Shore.
JIMMY P. réalisé par Anrd Depleschin en salles le 11 septembre 2013 avec Mathieu Amalric, Benicio del Toro, Gina McKee, Larry Pine, Joseph Cross, Elya Baskin, Gary Farmer, Michelle Thrush, Misty Upham. Scénario : Arnaud Desplechin en collaboration avec Julie Peyr et Kent Jones d’après l’œuvre Psychothérapie d’un Indien des Plaines de George Devereux. Production : Why Not Productions, Wild Bunch, Orange Studio, France 2 Cinéma, Hérodiade, Le Pacte. Photographie : Stéphane Fontaine. Musique : Howard Shore. Montage : Laurence Briaud. Costumes : David C. Robinson. Distribution : Le Pacte.Â
.