1921. Ewa et sa sœur Magda quittent leur Pologne natale pour la terre promise, New York. Arrivées à Ellis Island, Magda, atteinte de tuberculose, est placée en quarantaine. Ewa, seule et désemparée, tombe dans les filets de Bruno, un souteneur sans scrupules. Pour sauver sa sœur, elle est prête à tous les sacrifices et se livre, résignée, à la prostitution. L’arrivée d’Orlando, illusionniste et cousin de Bruno, lui redonne confiance et l’espoir de jours meilleurs. Mais c’est sans compter sur la jalousie de Bruno…
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James Gray, habitué de la Croisette, revient fouler le tapis rouge pour la quatrième fois avec The Immigrant, présenté en compétition officielle du 66e festival de Cannes, avec toujours son acteur-fétiche Joaquin Phoenix. Si le cinéaste américain est également crédité au scénario de Blood Ties de Guillaume Canet, projeté hors compétition, il marque ici son retour derrière la caméra depuis le drame bouleversant Two Lovers. Ainsi pour son cinquième long-métrage, il dévoile une œuvre mélodramatique, qui se déroule dans les années 20, dans laquelle il est question des premiers immigrés arrivés à Ellis Island . The Immigrant possède ce cachet résolument personnel pour le cinéaste puisqu’il y aborde, via Joaquin Phoenix, les racines juives russes de sa famille, déjà évoquées dans sa première réalisation Little Odessa. Pourtant on suit surtout le périple de Marion Cotillard, qui porte ici les couleurs de la Pologne en incarnant Ewa, une belle immigrée qui s’apprête, avec sa sœur Magda, à franchir enfin la terre promise. Malheureusement, cette dernière atteinte de tuberculose est placée en quarantaine. Ewa, sauvée par sa bonne maîtrise de l’anglais, rencontre de Bruno, un homme dont ne sait d’abord pas grand chose mais qui semble avoir assez de pouvoir pour lui éviter l’expulsion. Fortement attiré par elle, il prend Ewa sous son aile. Une aile qu’elle accepte par résignation pour sauver sa sœur, pressentant d’emblée qu’elle ne peut faire confiance à cet individu protecteur, mais souteneur sans scrupules dans un théâtre de variété et qui l’incite à se prostituer.
Toujours émotionnellement exceptionnel avec sa voix douce rassurante et son regard triste et fragile, Joaquin Phoenix manipule aisément toute l’ambiguïté de son personnage et porte aussi toute la dimension tragique de ce récit poignant, néanmoins un peu longuet. Le face à face avec Marion Cotillard, qui fait transparaître toutes les nuances de son individualité par sa valeur et sa position de femme immigrée et pauvre, alliant entre fragilité, sacrifices et détermination, en devient plus intéressant au fil de l’intrigue et ce, dès l’arrivée d’Orlando. Cet illusionniste et cousin de Bruno, campé par un Jeremy Renner en demi-teinte, s’éprend d’Ewa devenant alors le catalyseur qui nouera malgré lui, la relation perdue d’avance de ces deux êtres, voués désespérément à rester liés. James Gray parvient à dessiner une fresque historique sensible entre espoir, illusion et désenchantement, d’une Amérique entre deux-guerres, à la fois en déséquilibre et en pleine prospérité économique, qui prend son élan via une photographie soignée et picturale sombre de Darius Khondji (Amour) où la domine la couleur ocre. Pourtant à l’arrivée The Immigrant finit par perdre de son intensité ne parvenant pas à transcender cette histoire d’amour impossible, dont le sentiment se confirme par toute la mise en scène relativement classique du cinéaste laissant un goût d’inabouti…
THE IMMIGRANT de James Gray en salles le 27 novembre avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner, Dagmara Dominczyk, Jicky Schnee, Yelena Solovey. Scénario : James Gray, Richard Menello. Producteurs : Greg Shaprio, Christopher Woodrow, Anthony Katagas, James Gray. Photographie : Darius Khondji. Costumes : Patricia Norris. Décors : Happy Massee. Directeur Artistique : Pete Zumba. Montage : John Axelrad. Musique : Chris Spelman. Distribution : Wild Bunch. Durée : 1h57.