Synopsis : Après la mort de son mari, Norma Bates achète un vieux motel miteux pour refaire sa vie. Son fils Norman, avec lequel elle entretient une relation fusionnelle, emménage avec elle. Mais ce nouveau départ ne se déroule pas comme prévu.
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C’était un sacré pari d’essayer de concevoir une série à partir du chef-d’œuvre d’Alfred Hitchcock Psychose et sur le personnage mémorable de Norman Bates. Ce pari, Anthony Cipriano le relève avec Bates Motel. Autant dire que beaucoup attendaient (appréhendaient ?) de voir le résultat. Et affirmons le carrément, la série est une grande réussite mais pas forcément pour les raisons auxquelles on s’attendait. Le premier épisode laisse un peu sceptique. Tout d’abord, alors que tous les éléments de la série ont été judicieusement choisis pour être intemporels, les redoutables Smartphones font leur apparition. C’est à croire qu’on ne peut imaginer une époque où cela n’existait pas. Aussi, on comprend très vite que l’action se situant au 21e siècle, il risque d’y avoir quelques différences notables avec le film. D’ailleurs, une seconde différence est à noter, l’action ne se situe pas dans la même ville: Fairvale dans Psychose, White Pine Bay dans la série. D’emblée, Bates Motel n’est donc plus une simple préquelle au film mais plutôt une nouvelle version qui débuterait bien en amont. Deuxième sujet d’inquiétude, le contexte. Pour réaliser une série, il fallait donner des éléments à moudre aux scénaristes et donc étoffer quelque peu le contexte. On craint alors de se retrouver encore dans un endroit où toutes les crapules du monde se sont donné rendez-vous et où « l’anormalité » naissante de Norman ne serait que secondaire. Cela aurait bien entendu pour effet de complètement détruire le personnage qui se transformerait en une sorte de antihéros confronté à des êtres bien pires que lui. Dernier éventuel problème, on colle un demi-frère à Norman…
Ces inquiétudes se dissipent très rapidement au fur et à mesure de la série. Tous les éléments qui auraient pu nous choquer au début s’effacent devant un récit d’une très grande qualité et doté d’interprètes absolument remarquables. Car puisque la série se base sur un personnage mémorable, sa grande force, ce sont les personnages qu’elle développe. Et même si cela peut surprendre, dans cette première saison, ce n’est pas celui de Norman qui est mis le plus en avant. Cela peut surprendre mais c’est assez logique dans le sens où Norman ne peut être au premier plan tout de suite sous peine qu’il n’y ait plus de série. Au contraire, on va le voir évoluer au second plan car celle qui va occuper les feux de la rampe, c’est sa mère. Avec un regard où il est facile de se perdre et pour lequel n’’importe quel individu normalement constitué se damnerait sans hésiter, c’est la délicieuse et extraordinaire Vera Farmiga qui interprète avec maestria Norma Louise Bates. Elle est d’ailleurs en lice pour les Critics Choice Television Awards dans la catégorie meilleure actrice pour une série dramatique. On avait déjà remarqué cette actrice prodigieuse dans une série non moins prodigieuse et injustement méconnue, Touching Evil, où déjà ses yeux magnifiques contrastaient avec la noirceur du héros de la série, le trop rare Robson Green. Dans Bates Motel, elle crève tellement le petit écran qu’on se demande si elle ne fait pas un concours de prestation avec Jessica lange dans la saison 2 d’AMERICAN HORROR STORY (notre critique). Elle arrive à jouer sur tous les registres se montrant tour à tour apeurée, déterminée, froide, chaleureuse, réservée, excentrique, inébranlable, fragile, possessive, bref parfaitement instable. Dans certaines scènes, on a l’impression de voir une véritable adolescente, dans d’autres une femme usée par la vie. Car le personnage de cette Norma est d’une richesse époustouflante. Malmenée par l’existence, elle reçoit des coups mais reste debout. Elle tient solidement, malgré l’acharnement du destin, car elle s’accroche à ce qu’elle aime le plus, son fils, son Norman avec lequel elle entretient une relation à la limite de l’inceste. On la sent lutter pour se contraindre à ne pas trop le couver mais elle sait des choses à son sujet que les autres ignorent. Et si on comprend parfaitement qu’une telle situation n’arrange en rien le cas Norman, on se met aussi facilement à la place de sa mère et de ce qu’elle redoute.
Autre personnage important de Bates Motel, Dylan, le demi-frère de Norman, joué par Max Thieriot. Si son arrivée dans le deuxième épisode laisse planer un doute sur l’orientation de la série et fait courir le risque de rompre l’intérêt de la relation entre Norman et sa mère, cette crainte se révèle infondée. Au contraire, grâce à une excellente interprétation, Dylan est aussi passionnant que le reste de la famille. Non seulement son personnage permet d’élargir le point de vue en s’intéressant à ce qui se passe ailleurs, mais en plus, sa relation conflictuelle avec sa mère et son affection pour son demi-frère sont des vecteurs très importants de l’évolution des différents protagonistes. Max Thierrot livre une interprétation à la hauteur des autres acteurs allant même jusqu’à leur subtiliser la vedette par moment. Quelques seconds rôles s’avèrent importants et tout aussi intéressants. Tout d’abord, le sheriff Alex Romero, mystérieux individu qui ne sourit jamais et dont les motivations demeurent très troubles. Son interprète, Nestor Carbonell le rend tout ce qu’il y a de plus inquiétant sans que le spectateur sache vraiment à quoi s’en tenir avec lui. Secondé par son adjoint, Zack Shelby (Mike Vogel), il va s’intéresser de très près à Norma. Atteinte d’une maladie pulmonaire, Emma est une jeune fille attirée par Norman. Brillamment interprétée par Olivia Cooke, c’est un autre personnage attachant pour lequel on se passionne immédiatement. Traînant derrière elle sa bonbonne d’oxygène, sa fragilité se mêle à une force de caractère qui la rend immédiatement sympathique, d’autant plus qu’elle s’amourache d’un Norman qui en aime une autre. Alors que Norma voit d’un mauvais œil toute relation que pourrait entretenir son fils avec une jeune fille, elle accepte Emma… après lui avoir demandé qu’elle est son espérance de vie et que celle-ci lui ait répondu 27 ans…
A peu près tous les personnages qui apparaissent dans Bates Motel sont extrêmement bien construits et interprétés et il serait trop long de tous les énumérer. Mais n’allez pas croire pour autant que Norman soit négligé. Non, il est bel et bien présent en permanence, mais légèrement en retrait. Jeune garçon à l’allure très soignée, totalement dominé par sa mère, il apparaît timide et réservé mais on le sent rongé lentement et sûrement par la bête immonde qui s’éveille en lui, une bête qui se nourrit de ses frustrations sexuelles et de ses psychoses. La seule question qu’on se pose, c’est quand il va céder à ses pulsions. L’élément psychotique est d’ailleurs très bien rendu et pousse le spectateur à se demander à plusieurs reprises si ce qu’expérimente Norman à certains moment, c’est bien la réalité ou le fruit de son imagination malade. Le choix de l’acteur, Freddie Highmore, s’avère parfaitement judicieux et il se sort brillamment de ce rôle difficile à jouer. On est bien loin d’Arthur et les Minimoys ou de Charlie et la chocolaterie. A la fois attachant et inquiétant, il interprète un Norman Bates crédible qui marche dans les pas de celui campé par Anthony Perkins voici maintenant 53 ans. Alors oui, Bates Motel, c’est Psychose tout en ne l’étant pas vraiment. D’ailleurs, c’est peut-être la seule faiblesse de cette série… savoir ce qui va se passer. Peut-être aurait-il pu être plus inquiétant de ne pas savoir. A moins qu’au contraire, ça ne soit sa force car on ne peut que trembler à l’idée de ce qu’il adviendra, tellement on se passionne pour ces personnages terriblement attachants. Une seconde saison est confirmée et c’est une très bonne nouvelle.
Série américaine BATES MOTEL créée par Anthony Cipriano d’après l’œuvre de Robert Bloch d’une saison de 10 épisodes de 40-47 minutes et diffusée sur A&E Television à partir du 18 Mars 2013 avec Vera Farmiga, Freddie Highmore, Max Thieriot, Nicola Peltz, Olivia Cooke.
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