Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky qui effectue son dernier vol avant de prendre sa retraite. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste. Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…
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On connaissait les retours dithyrambiques des critiques de la presse internationale lors de la première de Gravity pour l’ouverture de la Mostra de Venise. On connaissait aussi les propos qui ont suivis, prononcés par James Cameron, qualifiant le nouveau long-métrage d’Alfonso Cuaron comme « the best space film ever done ». Découvrir en projection une œuvre aussi attendue et qui fait déjà l’unanimité de la presse, reste toujours un moment très délicat, exaltant et euphorisant. Ceci étant, pour Gravity, ces termes restent encore bien faibles et les superlatifs positifs, qui vont garnir cette critique, seront aussi certainement en deçà devant une telle prouesse visuelle et sonore. Le cinéaste mexicain signe un thriller spatial d’un réalisme palpable qui confine au chef-d’œuvre. Si on le note comme le film de l’année – voire carrément de la décennie –, Alfonso Cuaron rentre quant à lui dans le cercle très prisé des véritables génies du septième art. Car c’est bien simple, cet homme-orchestre maîtrise entièrement son projet : il réalise, co-écrit, participe au montage et coproduit. Sept ans après l’excellent thriller d’anticipation de guerre Les fils de l’homme, acclamé par la critique et le public, il repousse ici audacieusement les limites de ses prédispositions en se réappropriant les éléments de la science-fiction spatiale tout en gérant, avec un talent hors norme, un jeu en apesanteur habilement chorégraphié par le duo à la dérive, Sandra Bullock et George Clooney, qui tente de se raccrocher l’un à l’autre. Cet objet filmique prodigieux et oppressant est un véritable travail d’orfèvre parmi les talents artistiques et techniques.
D’abord par la mise en scène virtuose de Cuaron, qui mêle avec maestria les longs travellings, les plans-séquences remarquables et les plans subjectifs immersifs, tout en jonglant avec les plans d’ensemble de cette Terre en relief aussi magnifique que terrifiante, entre lumière et obscurité d’où surgit un apaisant lever de soleil, et les gros plans sur les protagonistes, aggravant les perspectives et démultipliant les effets de vertige et de vide. Toute cette conception visuelle somptueuse est servie par une beauté photographique intense et brillante, d’une netteté si augmentée qu’elle en fascine les pupilles, et par les effets numériques révélant une profusion de détails catapultés au premier plan grâce à une utilisation de la 3D à la fois immersive et jaillissante. Car tout l’aspect tridimensionnel se justifie parfaitement par la lenteur du champ de pesanteur, rendue via cette pluie de débris métalliques volants dans l’Espace, résultat à effet de chaîne causé par une explosion d’un des satellites russes. Des images palpitantes amplifiées par la partie sonore du Dolby Atmos dont on ne peut pas passer outre tant le logo et le son s’imposent dans la salle, dès l’introduction du film.
Mais bien sûr, Gravity gagne en rythme grâce à un montage soutenu, consolidant un récit simple et efficace – coécrit par Alfonso Cuaron et son fils Jonas – dont le squelette narratif se construit au fil des différents objectifs que l’héroïne doit atteindre. Une héroïne génialement interprétée par une Sandra Bullock étonnante dans cette plongée dans l’isolement totale et crépusculaire de cette gravité zéro. Si Ridley Scott a fait naître en 1979 l’un des personnages féminins les plus forts dans l’histoire du cinéma, avec le Sergent Ellen Ripley – portée au pinacle par Sigourney Weaver -, Alfonso Cuaron prend enfin le relais en 2013. Il aura fallu attendre un peu plus de trente ans pour voir un nouveau personnage féminin solide tenir seule à l’écran, d’une féminité corporelle plus assumée et affranchie dans ses sous-vêtements, le docteur Ryan Stone, experte en ingénierie médicale. A l’instar de sa consoeur, elle incarne une femme brillante et haut gradée mais aussi brisée par la mort de sa fille. La performance de Sandra Bullock, confrontée au manque d’oxygène et à une température glaciale inhumaine, insuffle à elle-seule toute la profondeur émotionnelle de Gravity. Face à elle, George Clooney lui donne superbement la réplique dans son rôle d’astronaute chevronné qui contrôle les situations de crise d’une manière réfléchie, calme et posée, tout en lui prêtant main forte grâce à ses qualités de conteur d’histoires.
Pour chipoter quand même un peu, même si ça reste anecdotique, on peut reprocher à la bande son de Steven Price de surcharger les séquences d’action du personnage dans la seconde partie. Mais la consécration de ce chef d’œuvre en orbite, qui nous immerge dans une atmosphère extrêmement tendue pendant 1h30, se situe au niveau du sous-texte du scénario qui traite de la survie, de l’existence, de la frayeur du Néant et de l’impossibilité de vivre dans l’Espace. Car en substance, Alfonso Cuaron propose non seulement une nouvelle percée numérique dans une technologie de pointe ainsi qu’une nouvelle attraction visuelle monumentale après les expériences cinématographiques de 2001 : L’Odyssée de l’espace, Avatar et L’Odyssée de Pi, mais on peut y percevoir aussi une certaine résonance dans ce vide spatial intersidéral – où personne ne peut vous entendre crier – d’un intéressant message de ‘paix’ via trois grandes forces mondiales qui gravitent autour de la Terre…
GRAVITY d’Alfonso Cuaron en salles le 23 octobre 2013 avec Sandra Bullock, George Clooney et la voix de Ed Harris. Scénario : Alfonso Cuaron & Jonas Cuaron. Producteurs : Alfonso Cuaron & David Heyman. Photo : Emmanuel Lubezki. Décors : Andy Nicholson. Montage : Alfonso Cuaron & Mark Sanger. Superviseur Effets Spéciaux : Tim Webber. Costumes : Jany Temime. Musique : Steven Price. Distribution : Warner Bros. Durée : 1h30.
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