Le 1er janvier 2009 au matin, Oscar Grant, 22 ans, croise des agents de police dans la station de métro Fruitvale, San Francisco. Le film raconte les vingt quatre heures qui ont précédé cette rencontre.
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Lauréat du Grand Prix du Jury au dernier festival de Sundance, du Prix de l’Avenir dans la section Un Certain Regard à Cannes et du Prix de la Révélation Cartier à Deauville, Fruitvale Station revient sur un fait divers controversé et tragique qui a bouleversé l’Amérique en 2009. Celui d’Oscar Grant, jeune Afro-Américain de 22 ans et père d’une petite fille de 4 ans, qui a été abattu d’une balle dans le dos par un agent de police dans cette station de métro de la baie de San Francisco quelques minutes après les douze coups de minuit du nouvel An. Ryan Coogler, scénariste et réalisateur américain de 27 ans, signe ici son premier long-métrage aux allures de docu-fiction plutôt maitrisé. Si le film s’ouvre sur ces fameuses images capturées par les téléphones portables des nombreux témoins présents au moment de l’incident et diffusées largement sur internet, Fruitvale Station se concentre sur la vie d’Oscar en retraçant les vingt quatre heures qui ont précédé cet événement tragique. On plonge ainsi dans l’existence de ce jeune homme, incarné avec justesse et naturel par Michael B. Jordan – vu dans la série The Wire et révélé dans CHRONICLE (notre critique). Coogler déroule ainsi pendant une heure son mode de vie entre ses problèmes de travail qu’il n’a plus, ses difficultés à gérer ses responsabilités, son repli sur la vente de cannabis pour veiller financièrement sur sa famille, ses séjours en prison et ses relations avec sa petite amie, sa fille, ses amis et bien sûr sa mère (Octavia Spencer, oscarisée pour LA COULEUR DES SENTIMENTS – notre critique).
Si le cinéaste ne gomme pas les imperfections de son personnage, c’est aussi pour mieux dessiner sa bienveillance, sa dévotion et sa compassion envers les autres. Sa caméra toujours centrée sur Oscar propose ainsi un regard intimiste et dresse finalement le portrait d’un homme ordinaire qui tente de se construire une vie légitime dans une Amérique contemporaine aux prises avec les éternels préjugés et stéréotypes. Mais c’est sans doute dans cette même optique humaine et émotionnelle que Fruitvale Station tombe aussi dans son propre piège. Coogler signe certes une promesse dramatique légitime relatant les différentes étapes qui ont mené à une réalité terrible dénie de justice, mais il se laisse aussi accaparer – voire absorber – paradoxalement par ce qu’il filme. Les images dans le déroulement de ce récit, lié intrinsèquement à une actualité qui pourrait se passer encore aujourd’hui, verse parfois dans un sentimentalisme trop appuyé vis à vis de son personnage, et perd de son impact émotionnel. Son regard n’est pourtant jamais faux mais cette intention mélodramatique tend quelque peu à desservir la puissance de son œuvre qui n’en a justement pas besoin. Fruitvale Station, produit par Forest Whitaker, reste néanmoins un drame chargé d’émotion dans les dernières vingt minutes fatidiques qui mène jusqu’au point de rupture sur le quai de ce métro créant ainsi un intéressant réquisitoire contre une police en plein abus de son autorité et de ses pouvoirs.
FRUITVALE STATION écrit et réalisé par Ryan Coogler en salles le 1er janvier 2014 avec Michael B. Jordan, Octavia Spencer, Mélonie Diaz, Kevin Durand, Chad Michael Murray et Ahna O’Reilly. Producteur : Forest Whitaker, Nina Yang Bongiovi. Photo : Rachel Morrison. Montage : Michael P. Shawver, Claudia S. Castello. Décors : Hannah Beachler. Costumes : Aggie Rodgers. Musique : Ludwig Goransson. Distribution : ARP Sélection. Durée : 1h25.
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