Synopsis : Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l’acquisition d’un programme informatique ultramoderne, capable de s’adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de ‘Samantha’, une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux…
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Avec désormais quatre longs métrages à son actif, Spike Jonze s’est imposé comme un cinéaste atypique et conceptuel. Il signe ici certainement son œuvre la plus personnelle, si ce n’est la plus vibrante émotionnellement. Cinq ans après le conte d’aventure onirique Max et les Maximonstres, adapté du roman éponyme de feu Maurice Sendak, l’ingénieux réalisateur de Dans la peau de John Malkovich et d’Adaptation nous revient plus inventif que jamais. Her, déjà multirécompensé dans plusieurs festivals américains et nominé à l’Oscar du meilleur film, redessine avec excellence la sphère des relations amoureuses. Véritable coup de cœur de cette année 2014, ce récit avant-gardiste est une ode à l’Amour dans tout ce qu’il y a de plus puissant, raffiné, métaphysique et transcendant. Après nous avoir respectivement immergé dans la tête de l’acteur John Malkovich, l’imagination du scénariste Charlie Kauffman et le monde intérieur d’un enfant, notre créateur fécond poursuit cette route immersive, mentale et émotionnelle. Mais à un détail près. Pas de coscénariste ici, à savoir pas de Charlie Kauffman, avec lequel il a coécrit ses deux premiers films, ni de Dave Eggers pour le dernier en date. Spike Jonze est enfin seul aux commandes de son histoire pour la première fois.
Her est alors une plongée enivrante au cœur d’une relation intime dans laquelle le cinéaste matérialise avec magnificence ce halo indescriptible et mystérieux qui définit les sentiments amoureux. A l’instar de son précédent court métrage I’m Here, centré sur une histoire d’amour entre deux robots, il y mêle son goût prononcé pour les nouvelles technologies. Ainsi, d’un postulat de départ réduit à sa plus grande simplicité ‘Un homme tombe amoureux de son nouveau système d’exploitation OS-1 configuré sur son laptop’, Spike Jonze nous transporte dans une étonnante rom com d’anticipation satirique sans jamais perdre en sincérité. Il explore la palette d’émotions et l’évolution de cette liaison sentimentale au-delà de la matière entre Theodore et Samantha dans un Los Angeles moderne et alternatif, où il fait bon vivre et où tout est désormais vocalisé. Dans la représentation d’un avenir plus ou moins proche, Spike Jonze met à profit toute sa créativité visuelle qui dépeint un monde libre, arty et harmonieux avec des rues assainies et larges, des gratte-ciel, des open spaces apaisants, des appartements spacieux et des lignes de métro qui mènent directement à la plage. Ce bel objet filmique panaché de couleurs, élégant et esthétique est en toile de fond déjà une invitation au voyage via son architecture inventive, qui fusionne avec ingéniosité l’urbanisme de Shanghai à celui de la Cité des Anges.
Mais si Her est un ravissement des pupilles, il fait surtout bourdonner les sens en insufflant un vent de fraîcheur en regard d’un genre trop souvent confiné dans son propre modèle. Pourtant si tout s’apparente à un drame romanesque classique avec ses hauts et ses bas, ses jalousies, ses désaccords et ses évolutions inévitables, Spike Jonze s’affranchit de ces codes et satellise littéralement son œuvre grâce à son casting. Joaquin Phoenix, présent dans presque chaque scène, s’impose magistralement dans la peau de cet homme sensible, qui tente de donner un sens et un nouvel élan à sa vie après une rupture douloureuse avec son ex (Rooney Mara). Sa caractérisation nous épargne l’archétype de l’individu esseulé dépendant à cette vie virtuelle. Il exprime avec authenticité ses émotions en circulant avec ce programme informatique qu’il écoute dans l’oreillette et promène un peu partout dans la poche avant de ses chemises.
Mais l’œuvre de Spike Jonze trouve toute sa quintessence avec Scarlett Johansson, lauréate du prix de l’interprétation féminine au festival du film de Rome. La musicalité de sa voix suave est telle qu’elle cristallise à elle seule dans la tournure du récit, cette entité immatérielle dotée d’une conscience. Les rapports entre les deux amants condensent assez bien les capacités du cinéaste à manipuler les éléments romantiques, les dialogues mordants et le méta regard sur cette relation qui tend à démêler les complexités de l’âme humaine. Her n’est d’ailleurs pas dépourvu d’interaction humaine en dépit des différents portraits un peu sous exploités. On retient particulièrement celui d’Amy Adams, conceptrice de jeu et amie de longue date de notre héros, qui entretient aussi de son côté une relation particulière avec son système d’exploitation. Mais aussi celui de Rooney Mara qui parvient à figer le souvenir de leur histoire d’amour achevée en quelques flashbacks bien utilisés et éloquents émotionnellement. Ainsi au rythme d’une bande son d’Arcade Fire, qui collabore souvent avec le cinéaste, ce quatrième long métrage étincelle par son traitement visuel, narratif et sonore. Her reflète toute l’ambition intellectuelle de Spike Jonze qui parvient à porter sa romance au paroxysme d’une expérience numérique cinématographique.
- HER écrit et réalisé par Spike Jonze en salles le 19 mars 2014 avec Joaquin Phoenix, Amy Adams, Rooney Mara, Olivia Wilde, Chris Pratt, Matt Leacher et la voix de Scarlett Johansson.
- Production : Megan Ellison, Spike Jonze.
- Photographie : Hoyte Van Hoytema.
- Décors : KK Barrett.
- Montage : Eric Zumbrunnen, Jeff Buchanan.
- Costumes : Casey Storm.
- Musique : Arcade Fire.
- Design sonore & Supervision musicale : Ren Klyce.
- Distribution : Wild Bunch.
- Durée : 2h06.
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