Synopsis : Le film se passe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Il raconte, à échelle humaine, quatre destins que la guerre va amener à se croiser. Après l’assassinat de ses parents dans son village, un petit garçon fuit, rejoignant le flot des réfugiés. Il rencontre Carole, chargée de mission pour l’Union Européenne. Avec elle, il va doucement revenir à la vie. Parallèlement, Raïssa, sa grande sœur, le recherche activement parmi des civils en exode. De son côté, Kolia, jeune Russe de 20 ans, est enrôlé dans l’armée. Il va petit à petit basculer dans le quotidien de la guerre.
♥♥♥♥♥
Trois ans après l’exaltant et multirécompensé THE ARTIST (notre critique), on attendait avec une certaine impatience le prochain long métrage de Michel Hazanavicius. D’autant que le réalisateur des OSS 117, qui revient sur le sol cannois en compétition officielle, change radicalement de registre avec ce drame de guerre inspiré de l’œuvre Les Anges Marqués (The Search) de Fred Zinnemann en 1948, qui mettait en vedette Montgomery Clift, Aline MacMahon et Jarmila Novotna. Hélas doublement hélas, sa version replacée dans le contexte contemporain de la Tchétchénie déchirée par la guerre, rend étonnamment hermétique. Dans cette ambition prometteuse de vouloir mettre en lumière les horreurs de cette deuxième guerre de Tchétchénie qui a éclaté en 1999, le regard du cinéaste ne parvient pas à nous entraîner dans ce récit centré sur le parcours d’un petit garçon exilé après l’assassinat de ses parents, sa grande sœur partie à sa recherche, sa rencontre avec une femme travaillant pour l’Union Européenne et d’un jeune Russe enrôlé dans l’armée. Que nous montre-il exactement par le prisme de ces quatre destins croisés de personnages ? C’est bien la question qu’on est amenée à se poser au cours des 2h30 qui défilent sous nos yeux. Ce n’est pas tant la mise en scène bien rythmée et maitrisée que l’on remet en cause, ni la structure scénaristique bien conçue et calibrée, mais bien le propos de l’œuvre en elle-même. Michel Hazanavicius tente d’élargir le champ, de rendre compte et de traiter en profondeur son sujet sous plusieurs angles humains, politiques et sociaux et sous les différents points de vue russes et théchènes, tout en soulevant les enjeux complexes liés à la guerre et ses milliers de victimes.
Malheureusement, l’indifférence finit par l’emporter sur l’ambition, The Search se contentant finalement de relater – voire rabâcher – des évidences. Des évidences liées aux guerres, à toutes les guerres comme le fait de montrer, par le biais d’un jeune Russe de 20 ans déshumanisé, comment un système et une armée peuvent transformer les individus en assassins. S’il puise son influence directe dans Full Metal Jacket de Kubrick, le portrait dressé de ce personnage manque pour le coup de profondeur et de consistance. Ou encore cette scène d’ouverture, tournée caméra à l’épaule et en un plan-séquence, sur l’exécution d’une famille tchéchène par des soldats russes pour ensuite voir l’un deux mettre une tétine dans la bouche d’un bébé pour qu’il cesse de pleurer. Toute cette succession de mises en perspectives devient curieusement banales et unidimensionnelles dans tout ce qu’elles montrent et racontent. On retient en outre une séquence-clé qui définit justement le sentiment qu’on peut éprouver au fil du récit. Celle avec Bérénice Béjo, dans le rôle d’une chargée de mission pour l’Union Européenne, qui tente d’alerter des atrocités de la guerre au travers de son discours à des députés en train de dormir.
Mais d’autres points peuvent poser également problème, notamment l’aspect mélodramatique. De la relation singulière entre Bérénice Béjo et ce petit garçon traumatisé, plongé dans le silence avant de construire sa touchante résilience, à l’odyssée de cette sœur qui tente de le retrouver à travers le pays avec un bébé dans les bras (leur petit frère), toute cette installation pourtant soutenue et solide rate hélas son objectif dans le dénouement. Même constat au niveau du casting. Bérénice Béjo ne parvient jamais vraiment à convaincre en dépit d’un personnage d’activiste plein d’humanité, de courage et de force. Tout comme Annette Bening dans le rôle d’une directrice d’un orphelinat pour enfants réfugiés, qui reste quand même très en retrait. Seul le tout jeune Abdul-Khalim Mamatsuiev tire son épingle du jeu en incarnant avec justesse et empathie ce petit garçon. The Search, malgré une photographie intense de Guillaume Schiffman, ne parvient pas à atteindre son paroxysme espéré dans ce périple trop didactique qui confronte ‘le bien et le mal de manière brutale’. Une ambition de départ qui ne génère que des sentiments contraires.
- THE SEARCH écrit et réalisé par Michel Hazanavicius en salles le 26 novembre 2014.
- Casting : Bérénice Béjo, Annette Bening, Maxim Emelianov, Abdul-Khalim Mamatsuiev, Zukhra Duishvili, Lela Bagakashvili, Yuriy Tsurilo, Anton Dolgov.
- Production : Thomas Langmann, Michel Hazanavicius
- Photographie : Guillaume Schiffman
- Montage : Anne-Sophie Bion, Michel Hazanavicius
- Décors : Emile Ghigo
- Costumes : Les Rincali
- Distribution : Warner Bros
- Durée : 2h29
.
.