Synopsis : L’acteur Riggan Thomson, has been connu pour avoir incarné un célèbre super héros, monte une pièce à Broadway autour de son propre personnage dans l’espoir de renouer avec sa gloire passée. Pour ce faire, il est soutenu par sa fille, fraîchement sortie d’une cure de désintoxication, qui devient son assistante, par une actrice et un producteur farfelu.
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S’il faut démarrer cette année sous les meilleurs auspices, Birdman est sans aucun doute le candidat idéal. Après Amours Chiennes, 21 Grammes, Babel et Biutiful, Alejandro Gonzales Inarritu signe ici son cinquième long métrage en dix ans et change totalement de registre en s’attaquant à la comédie noire. Tourné souvent caméra à l’épaule dans de longs plans et plans-séquences, Birdman ou la surprenante vertu de l’ignorance est de ces rares œuvres expérimentales, organiques, racées, immersives et cool qui s’immiscent et s’imposent dans votre tête sans jamais en sortir. Le cinéaste mexicain s’empare ici magistralement de l’espace scénique donnant l’illusion d’un temps réel audacieusement chronométré, insufflé par un tempo rapide et délirant. Sa caméra slalome dans les couloirs de l’arrière scène sobre et minimaliste, sorte d’entrailles théâtrales de Broadway, tournoyant sans cesse autour des acteurs. La tension émotionnelle n’en est que plus amplifiée au fil du récit, rythmé par un excellent score jazzy à la batterie. Cette tragi-comédie chorégraphique, qui a raflé naturellement 4 Oscars (meilleurs film, réalisateur, scénario et photographie), se dévoile dès lors comme une course contre la montre entre questionnements existentiels et répétitions avant la Première de plusieurs avant-premières, transcendée par des comédiens survoltés. Birdman explore de nombreux thèmes dans cette satire du showbiz où s’entrechoquent cinéma et théâtre, Broadway et Hollywood, pop culture et super héros.
Alejandro Gonzales Inarritu dissèque le vide émotionnel de ce monde, les disparités entre gloire, célébrité et talent, le principe de reconversion comme seconde chance, les rapports entre l’acteur et le critique, l’obsession de soi, les illusions et le désespoir. Mais il s’agit aussi et surtout de sonder les nuances entre amour et admiration. Il signe ici certainement son œuvre la plus virtuose brouillant habilement les frontières entre réalité et surréalisme. Birdman renvoie à différents égards aux styles de Robert Altman, de Spike Jonze ou de Bob Fosse à travers Que le spectacle commence. Le récit, coécrit à huit mains dont le cinéaste, nous plonge ainsi dans la psyché d’un acteur en crise qui, après avoir incarné le super héros Birdman ayant fait sa gloire par le passé, se retrouve en lutte contre son égo pour se retrouver. Cette pièce qu’il décide de monter, basée sur une nouvelle de Raymond Carver, est pour lui l’occasion d’une possible résurrection et de s’extraire de cette image de star déchue d’Hollywood.
Si Michael Keaton n’a jamais vraiment quitté le grand écran, il se présente ici au sommet de son art, avec l’Oscar qui lui tend les bras. Formidable résurgence au premier plan pour la star de 63 ans qui a porté les traits sombres du Chevalier Noir dans les années 1990, époque où les super héros n’étaient pas aussi omniprésents à l’écran. Le méta-message d’Inarritu s’impose dès lors au travers de la trajectoire, voire l’égo trip, de ce personnage borderline en proie à ses propres doutes et angoisses. Michael Keaton s’approprie avec charisme, drôlerie et sincérité, le has been Riggan Thompson dans ses multiples facettes. A la fois père, mari, amant, comédien, dramaturge et ex super héros, il est confronté à lui-même et à son alter égo Birdman, dont la présence invisible le hante sans répit. Cette ombre diabolique et dévorante, avec une voix gutturale inhérente, pèse autant sur son existence que cette célébrité révolue qu’il tente de reconquérir. Sa réalité se distord dès lors que la pression extérieure augmente laissant supposer des super pouvoirs, en témoigne la séquence d’ouverture où on le découvre en lévitation.
Michael Keaton se met ici à nu – au sens propre comme au figuré – et délivre une performance qui prend davantage de profondeur dans son affrontement avec Edward Norton (L’Incroyable Hulk), en acteur-star désinvolte et à l’égo surdimensionné. Saluons aussi la performance d’Emma Stone (The Amazing Spider-Man) dans le rôle de sa fille et assistante, accro aux réseaux sociaux, qui sort de désintox et entretient une relation intime avec l’artiste. Elle parvient en une seule prise, face caméra, à imposer son jeu lors d’un monologue hargneux envers son père. Le reste du casting offre un éventail de personnages tout aussi riches et complexes avec Zach Galifianakis (son producteur et ami), Naomi Watts (une actrice tourmentée) et Andrea Riseborough (actrice et amante). Birdman est une œuvre en quête de vérité, de sens et de soi, parfois caricaturale mais toujours brillamment orchestrée, se fondant d’une photographie léchée d’Emmanuel Lubezki (Les Fils de l’Homme, The Tree of Life). Inarritu surélève ainsi sa réflexion sur les relations difficiles, les valeurs de l’artiste, l’intégrité artistique et ce qui diffère la célébrité du talent et l’amour de l’admiration tout en l’animant, jusqu’à son paroxysme final surréaliste…
- BIRDMAN d’Alejandro Gonzales Inarritu en salles le 25 Février 2015.
- Avec : Michael Keaton, Emma Stone, Zach Galifianakis, Amy Ryan, Edward Norton, Andrea Riseborough, Naomi Watts, Lindsay Duncan, Merritt Wever, Jeremy Shamos, Bill Camp, Damian Young…
- Scénario : Alejandro G. Inarritu, Nicolas Giacobone, Alexander Dinelaris, Armando Bo
- Production : Alejandro G. Inarritu, John Lesher, Arnon Milchan, James W. Skotchdopole
- Photographie : Emmanuel Lubezki
- Montage : Douglas Crise, Stephen Mirrione
- Décors : Kevin Thompson
- Costumes : Albert Wolsky
- Musique et Percussions : Antionio Sanchez
- Distribution : 20th Century Fox
- Durée : 1h59
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