Synopsis : A la sortie de son deuxième roman, Philip est nerveux. D’autant plus que New York l’oppresse et que la relation avec sa petite amie Ashley se détériore. Quand Ike Zimmerman, son idole, l’invite dans sa maison de vacances, Philip trouve enfin la sérénité et parvient à se concentrer sur son sujet préféré : lui-même.
♥♥♥♥♥
Après la romance en noir et blanc The color wheel en 2012, Alex Ross Perry se situe toujours dans la lignée allenienne. Son deuxième long métrage Listen up Philip, mention spéciale du jury au dernier festival de Locarno, le confirme. Le titre nous met sur la voie. Philip (Jason Schwartzman) est un écrivain torturé, égocentrique et misogyne. Il n’écoute pas. Il se complaît dans ses fêlures, ses blessures, ses constantes remises en question et cherche toujours l’approbation dans le regard de l’autre. Il ne laisse donc pas beaucoup de place à la communication et construit ses relations dans un monologue permanent de plaintes et de regrets. Il se sent incompris, jugé et certainement pas apprécié à sa juste valeur. Il a besoin d’une interaction, si minime soit-elle, avec ses alter ego. Mais Philip avance seul et trébuche. Lorsque Woody Allen filme des personnages dépressifs qui se lancent dans d’interminables monologues, il ajoute toujours sa légendaire bande son jazz des années 30 qui adoucit le propos. Son amour incroyable de New York est dévoilé dans chacun de ses plans avec des personnages qui nous émeuvent parce qu’ils sont pétris de contradictions. Alex Ross Perry applique ainsi très consciencieusement toutes ces techniques scénaristiques. Mais s’il se veut disciple du réalisateur new yorkais, il n’arrive pas à son niveau et parvient seulement à l’imiter sans véritable succès. Malgré cette application hasardeuse et mal maîtrisée, il met en relief avec un certain talent, la question de la femme. Personnage apparemment relégué au second plan, elle prend ici une place qui s’avère prépondérante.
Alex Ross Perry pose un regard acerbe sur les relations homme-femme, mais sa mise en scène dévoile progressivement son amour et son admiration pour la gent féminine. Selon Philip, la femme est une tentatrice inconstante et têtue. Elle est définie, au premier degré, comme une créature dont l’indépendance et l’intégrité intellectuelles sont toujours à remettre en question. Mais en filigrane, le regard bienveillant du metteur en scène en fait la véritable héroïne de son œuvre. Elle est présentée comme un soutien indéfectible. Elle se bat pour l’homme qu’elle aime sans tomber dans le sentimentalisme et l’aliénation. On retient particulièrement la performance d’Elisabeth Moss (Mad Men) dans le rôle d’Ashley Kane, la petite amie officielle de Philip. Alex Ross Perry la met en scène avec affection comme Woody Allen l’avait fait avec Diane Keaton à l’époque d’Annie Hall ou de Meurtre Mystérieux à Manhattan.
Malheureusement, si le traitement des personnages féminins donne un certain cachet au récit, Alex Ross Perry semble hors sujet. Car les femmes dament le pion au personnage central campé par Jason Schwartzman. Ainsi, un bon tiers du film est consacré à Ashley. On n’a donc pas le temps découvrir Philip en profondeur, ne surnagent que son arrogance et sa prétention. Si le réalisateur avait donné davantage de place à l’identité de ce personnage, il aurait gagné en sympathie car nous en aurions perçu les contradictions. Même Ike Zimmerman, porté par Jonathan Pryce, qui semble être une version plus âgée de Philip, nous ennuie. Il ne s’agit pas de remettre en cause le talent du réalisateur ou des comédiens, le problème émane également du côté caricatural des protagonistes. Philip et Ike ne nous émeuvent pas, ni ne nous font rire. Alex Ross Perry a conçu des caractères bien définis mais omet de leur donner une dimension comique, comme l’aurait fait Molière au temps du Misanthrope. Listen up Philip rate ainsi le coche par manque de recul et livre une histoire assez barbante et maniérée. Agaçant.
- LISTEN UP PHILIP écrit et réalisé par Alex Ross Perry en salles le 21 Janvier 2015.
- Avec : Jason Schwartzman, Elisabeth Moss, Jonathan Pryce, Krysten Ritter, Joséphine de la Baume, Eric Bogosian, Jess Weixler, Dree Hemingway
- Production : David Lowery, Joshua Blum, Toby Halbrooks, James M. Johnston, Katie Stern
- Photographie : Sean Price Williams
- Montage : Robert Greene
- Décors : Scott Kuzio
- Costumes : Amanda Ford
- Musique : Keegan DeWitt
- Distribution : Potemkine Films
- Durée : 1h48
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