Cannes 2015/ Love de Gaspar Noé : critique

Publié par Guillaume Ménard le 23 mai 2015

Synopsis : Un 1er janvier au matin, le téléphone sonne. Murphy, 25 ans, se réveille entouré de sa jeune femme et de son enfant de deux ans. Il écoute son répondeur. Sur le message, la mère d’Electra lui demande, très inquiète, s’il n’a pas eu de nouvelles de sa fille disparue depuis longtemps. Elle craint qu’il lui soit arrivé un accident grave. Au cours d’une longue journée pluvieuse, Murphy va se retrouver seul dans son appartement à se remémorer sa plus grande histoire d’amour, deux ans avec Electra. Une passion contenant toutes sortes de promesses, de jeux, d’excès et d’erreurs…

 

♥♥♥♥♥

 

Love - affiche

Love – affiche

Le phénomène Gaspar Noé est un mélange de provocation et de fureur. Impossible d’aborder le réalisateur sans prendre en compte une filmographie agressive, de Carne à Love, présenté ici hors-compétition, en passant par le sulfureux Irréversible. Le réalisateur franco-argentin délivre ici une œuvre encore subversive, qui s’intéresse à la désintégration d’un couple. Sur le même modèle qu’Irréversible, la structure narrative part de la fin pour arriver au départ, point de chute de la rencontre entre Murphy (Karl Glusman) et Electra (Aomi Muyock). On nous présente le jeune américain qui reçoit un coup de fil déterminant, celui de la mère d’Electra. Murphy est aujourd’hui père de famille malgré lui, et vit mal sa relation avec Omi (Klara Kirstin). L’introduction donne le ton avec un plan fixe de cinq minutes qui montre Murphy et Electra en pleine séance de préliminaires. Love est présenté en 3D et cette vision pornographique, mise à part quelques séquences, n’est pas légitime. La faute à des plans en amorce trop rares qui auraient pu apporter une vraie profondeur de champ. La sexualité explicite ponctue paradoxalement un récit véritablement romantique. Ce réalisme cru aborde la relation sous tous les angles. Le sexe est ici complètement justifié et le langage des corps en dit plus que les dialogues. La voix off est présente dès le départ et l’on rentre dans la tête de ce jeune homme addict à son ancien amour perdu et aux drogues. Un mal-être diffus qui se répercute dans l’affection.

 

Love de Gaspar Noe

Love de Gaspar Noe

 

Noé ne filme plus avec une caméra mouvante, il revient aux sources avec des plans rapprochés qui résonnent dans sa mise en scène. Il est en pleine introspection et s’auto-cite, faisant basculer le spectateur dans son univers hard. On fait face ainsi à Murphy qui retrouve son opium dans une VHS de Seul contre Tous, la trame sonore d’Irréversible avec Stress de Thomas Bangalter, le thème ironique de Cannibal Holocaust par Ortolani dans une séquence dans le bar où l’on parle des contrariétés de la vie, ou encore les effets stroboscopiques à la limite de l’épilepsie. Depuis Enter the Void, la poésie tient une place déterminante dans le cinéma de Noé. Dans son éternelle provocation, il accentue un romantisme passionnel qui, comme le temps, détruit tout. C’est sur ce point que Love excelle, avec un parti pris pleinement assumé qui traite du déchirement entre deux âmes tourmentées. La musique tient toujours une place prépondérante. Si le caractère claustrophobe était une loi dans ses précédents films, on est surpris du décalage de la tension vers les scènes sexuelles. Mise à part une bagarre lors d’une soirée, rien n’est aussi fulgurant en matière d’impétuosité que ses œuvres passées. La violence est verbale et charnelle. La leçon de Noé s’édulcore sur des principes de vie fondamentaux.

 

Love de Gaspar Noe

Love de Gaspar Noe

 

C’est la gestion de la passion destructrice qui se trouve au cœur du débat dans Love. Le romantisme est très présent et projette une histoire d’amour efficace et réelle. Tout fonctionne dans cette aventure anti-linéaire qui s’achève sur la rencontre d’Electra et de Murphy. Un casting porté par des acteurs inconnus qui dégagent une aura si réaliste qu’on se positionne entre la fiction et le documentaire. Le coït transcende la place du sexe au cinéma et lui donne un rôle narratif qui est tout à tour excitant, émotif et drôle. Ainsi, Love révèle les failles de la passion. Un aboutissement à tout point de vue servi par une mise en scène plus sobre, qui prend le temps d’installer les enjeux sans tomber dans le contemplatif. Love est ainsi un coup de poing fatal qui prend sa force dans les caractéristiques primaires de l’individu, entre sensualité et tension, néanmoins dépourvu de la spiritualité d’Enter the Void. Une vision plus mature du couple qui fait passer Baise-Moi de Despentes pour une expérience adolescente.

 

 

 

  • LOVE écrit et réalisé par Gaspar Noé en salles le 15 juillet 2015.
  • Avec : Karl Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin, Gaspar Noé, Juan Saavedra…
  • Production : Brahim Chioua, Vincent Maraval, Gaspar Noé, Rodrigo Teixeira, Edouard Weil…
  • Photographie : Benoît Debie
  • Montage : Gaspard Noé, Denis Bedlow
  • Décors : Samantha Benne
  • Distribution : Wild Bunch
  • Durée : 2h14

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