Synopsis : Isabelle et Gérard se rendent à un étrange rendez-vous dans la Vallée de la mort, en Californie. Ils ne se sont pas revus depuis des années et répondent à une invitation de leur fils Michael, photographe, qu’ils ont reçue après son suicide, 6 mois auparavant. Malgré l’absurdité de la situation, ils décident de suivre le programme initiatique imaginé par Michael…
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Présent en compétition, Valley of Love de Guillaume Nicloux nous présente une histoire originale et puissante sur un couple en pleine quête spirituelle. Isabelle (Isabelle Huppert) et Gérard (Gérard Depardieu) viennent de perdre leur fils et sur sa demande épistolaire pré-funéraire, ils se rendent dans la vallée de la mort aux Etats-Unis. Les parents doivent suivre un pèlerinage minutieux dont l’issue promise par leur enfant mort annonce un miracle où il réapparaitrait. Le réalisateur prend le temps d’installer une narration intimiste. Isabelle et Gérard sont séparés depuis des années et leurs retrouvailles sont tendues. Reproches, culpabilité, regrets, le couple cherche un sens à la mort de leur fils sous le soleil californien. Les corps sont fatigués, las, et traduisent le déni et l’absurdité de la situation. Les Français sont perdus dans ce désert américain où l’ombre du fils règne. Les plans rapprochés d’Isabelle sont d’une justesse inouïe et communiquent une profonde détresse. L’humour de Gérard équilibre la balance dans les dialogues. Cependant, les répliques chez Nicloux sont souvent lourdes et trop littéraires (l’historique de la vie du fils résumé par Gérard). C’est le principal problème de Valley of Love qui explique plus qu’il ne suggère. Le récit est porté par les lieux visités, où le couple tente de démêler le vrai du faux, confronté à leurs erreurs passées. Une perte tragique qui les force à se retrouver.
L’ambiguïté de leur prénom pose la question de la véracité des personnages. A-t-on affaire à une fiction ou les acteurs jouent-ils leurs propres rôles ? Un concept de double fiction qui rappelle les séries Extras ou Entourage. Les interprètes donnent l’illusion d’être eux-mêmes mais sont finalement dans une vraie performance. Une prestation borderline de Depardieu renvoyant forcément à la perte de son fils. Malgré cette dimension dramatico-réaliste, on assiste à des scènes hilarantes qui viennent égayer un thème mélancolique. La séquence où Gérard signe un faux autographe dans un café est cocasse et s’inscrit dans une dynamique en porte-à-faux. La photographie illuminée de Christophe Offenstein, qui avait déjà œuvré sur Ne le dis à personne et Blood Ties, accentue les ambiances. Elle souligne l’aspect onirique de la nuit et donne un ton mystique aux scènes extérieures en journée. Le soleil est menaçant et revendicateur de mirages. C’est une des grandes questions soulevées dans le récit qui interroge le spectateur sur les indices laissés par Nicloux. Une allégorie catholique en mode new-age, parfois trop évidente.
Miracles, apparitions, stigmates, le récit fourmille ainsi de références mais semble prise au piège de ses propres codes. Pourtant, le thème musical est d’une belle puissance émotionnelle, comblant les faiblesses d’un scénario en manque de souffle. Le traitement du deuil est traduit par des plans souvent rapprochés ou, à l’inverse, des plans d’ensemble dans le désert appuient sur la petitesse de l’homme face à la nature. La vallée de l’amour est aussi la vallée de la mort, un oxymore prévisible, qui offre pourtant son lot de décors hallucinants et hostiles. Ainsi, Nicloux livre une œuvre à la symbolique audacieuse, qui s’encombre de trop d’explications. Porté par deux monstres du cinéma français, Valley of Love émeut tout en faisant sourire, mais frustre également car il ne parvient pas à exploiter complètement la profondeur mystérieuse qu’elle promettait, comme souvent dans la filmographie du réalisateur.
- VALLEY OF LOVE écrit et réalisé par Guillaume Nicloux en salles le 17 juin 2015.
- Avec : Isabelle Huppert, Gérard Depardieu, Dan Warner, Aurélia Thierrée, Dionne Houle…
- Production : Cyril Colbeau-Justin, Jean-Baptiste Dupont, Sylvie Pialat…
- Photographie : Christophe Offenstein
- Montage : Guy Lecorne
- Décors : Olivier Radot
- Distribution : Le Pacte
- Durée : 1h33
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