Cannes 2015/ Plus Fort que les Bombes de Joachim Trier: critique

Publié par Guillaume Ménard le 20 mai 2015

Synopsis : La préparation d’une exposition consacrée à la célèbre photographe Isabelle Reed trois ans après sa mort inattendue amène son mari et ses deux fils à se réunir dans la maison familiale. Refait alors surface un secret qui plonge leurs vies apparemment calmes dans le chaos.

 

♥♥♥♥♥

 

Plus fort que les bombes - affiche

Plus fort que les bombes – affiche

Le réalisateur norvégien de Oslo, 31 août présente son troisième long-métrage en compétition officielle avec Plus fort que les bombes. Une histoire familiale articulée autour de la disparition de la photographe Isabelle Reed (Isabelle Huppert) et concentrée sur son mari Gene (Gabriel Byrne) et ses fils Jonah (Jesse Eisenberg) et Conrad (Devin Druid). Après MIA MADRE de Nanni Moretti (notre critique), présenté également à Cannes, on s’intéresse de nouveau à la place de la mère au sein de la famille, et à la question du deuil. Le récit est fragmenté en épisodes s’intéressant tour à tour à chaque personnage. On passe ainsi d’une ambiance à une autre, toutes très différentes. Les voix off occupent un rôle déterminant, introspection des individus et de leur perception par rapport à Isabelle. Un rythme soutenu, qui présente une multitude de points de vue. La mise en scène est adaptée à ces perspectives. L’histoire de Gene est traitée de manière sobre, celle de Jonah est humoristique avec un fond mélancolique. Alors que pour Conrad, on assiste à un découpage très stylisé, original et nerveux, en adéquation avec le mal-être de l’adolescent. Les prises de vues sont audacieuses, les inserts morbides et les plans à l’épaule convulsifs. La photographie clair-obscur appelle à la scission des protagonistes, avec des scènes nocturnes lyriques qui appuient leur état de perdition. La désorientation est perpétuelle chez la famille Reed qui croyaient avoir fait leur deuil. Les cadavres ressortent du placard au fil de la narration dispersée et posent ainsi la réflexion du vide et du néant chez Isabelle, en parallèle avec sa carrière de photographe de terrain. La relation père/fils est traitée de manière conflictuelle, qui rappelle Men, Women & Children de Jason Reitman avec un Adam Sandler aussi dépassé que Gabriel Byrne. Un choc des générations, du malaise des non-dits et de la confrontation à la mort qui ne passera jamais sur un mode lacrymal. Le piano accompagne ces morceaux de vies brisées qui se questionnent sur la véritable nature de la mère. La représentation se heurte à la complexité de l’âme humaine. Isabelle est omniprésente grâce aux flashbacks et participe à la tension du récit dans le dévoilement de ses agissements passés.

 

Isabelle Huppert et Gabriel Byrne dans Plus fort que les bombes de Joachim Trier

Isabelle Huppert et Gabriel Byrne dans Plus fort que les bombes de Joachim Trier

 

Cependant, la structure schématique pose souvent un problème de lenteur, particulièrement sur la liaison des séquences, pas toujours logiques et harmonieuses. L’implication de certains protagonistes est aussi très discutable avec Jonah qui n’est pas assez approfondi et sert de faire-valoir à Conrad. Les thèmes abordés peuvent être amenés superficiellement, surtout pour l’adolescent, avec une dynamique lycéenne déjà vue. Comme souvent, Isabelle Huppert crève l’écran, notamment via un gros plan fixe face caméra mémorable dans le dénouement. Un final somme toute discutable et qui ne réinvente rien mais reste efficace par son intrigue risquée donnant à Gabriel Byrne un rôle sur mesure, tempéré et réfléchi. La noirceur du propos conditionne le spectateur dans une prison intime au cœur de la cellule familiale, aux antipodes d’autre plus névrosée (comme Six Feet Under) qui préfère intérioriser la douleur plutôt que de s’adonner à des scènes hystériques. Pudique et dépourvu d’artifices, Plus Fort que les Bombes s’enferre malgré tout dans les pièges habituels de la comédie dramatique, certains chapitres n’arrivant pas à raviver l’intérêt du précédent. Ce film au potentiel énorme, avec ses perspectives différentes et des figures stylistiques audacieuses, emploient des voix off souvent trop explicatives, dont la narration est trop dépendante. Une vision de la famille qui aurait vraiment gagné à être approfondie, avec un Jesse Eisenberg peu inspiré et oubliable face à une Isabelle Huppert toujours au top.

 

 

 

  • PLUS FORT QUE LES BOMBES (Louder Than Bombs) de Joachim Trier en salles en octobre 2015
  • Avec : Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, Jesse Heisenberg, David Strathairn, Amy Ryan, Rachel Brosnahan…
  • Scénario : Joachim Trier, Eskil Vogt
  • Production : Joshua Astrachan, Albert Berger, Alexandre Mallet-Guy, Thomas Robsahm, Marc Turtletaub, Ron Yerxa…
  • Photographie : Jakob Ihre
  • Décors : Molly Hughes, Gonzalo Cordoba
  • Montage : Olivier Bugge Coutté
  • Musique : Olla Flottum
  • Distribution : Memento Films
  • Durée : 1h45

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