Synopsis : 11ème siècle : Ecosse. Macbeth, chef des armées, sort victorieux de la guerre qui fait rage dans tout le pays. Sur son chemin, trois sorcières lui prédisent qu’il deviendra roi. Comme envoûtés par la prophétie, Macbeth et son épouse montent alors un plan machiavélique pour régner sur le trône, jusqu’à en perdre la raison.
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« Êtes-vous chose que l’homme peut questionner » ? Cette réplique répétée à plusieurs reprises par Macbeth devient en finalité la principale interrogation de cette relecture sombre, viscérale et sanguinaire de l’une des plus emblématiques tragédies shakespeariennes. Cette noirceur imposée par l’Australien Justin Kurzel, à qui l’on doit le drame violent Les Crimes de Snowtown, mention spéciale à la Semaine de la Critique en 2011, doit beaucoup – si ce n’est totalement – à son acteur principal. Michael Fassbender transcende ce Général des armées, ce guerrier vaillant et retors, qui ne recule devant rien pour devenir Roi d’Écosse. Sa prestation n’est certainement pas la meilleure de sa carrière, mais la star germano-irlandaise accapare l’écran dans l’évolution psychologique de ce seigneur tyrannique qui souffre du syndrome de stress post-traumatique causé par la guerre. De ce postulat de départ, Macbeth démarre solidement et avec conviction, dès la rencontre avec les trois oracles qui prédisent son avenir, nous immergeant dans le cadre historique du XIe siècle tout en reprenant le langage originel de l’œuvre classique. Cette approche respectueuse et théâtrale fonctionne, avec des comédiens plutôt convaincants, qui nous transporte au cœur de paysages désolés et démesurés de l’Écosse médiévale. La texture visuelle vient à juste titre en renfort pour marquer la trajectoire fatale du personnage-titre ; de cette brume constante et menaçante en passant par certains éléments surnaturels jusqu’à l’explosion de couleurs vives lors des scènes de batailles, souvent filmées au ralenti pour accentuer le chaos.
Si ce parti pris pictural va dans le sens du récit, le directeur de la photographie Adam Arkapaw (TRUE DETECTIVE – notre critique, TOP OF THE LAKE – notre critique) surexploite à l’excès ce procédé, saturant cette palette ‘à feu et à sang’ jusqu’à franchir la facticité. Mais ce n’est pas le seul défaut de l’œuvre de Justin Kurzel. L’autre déception émane de la caractérisation de Lady Macbeth, annihilée par les coscénaristes Todd Louiso, Jacob Koskoff et Michael Lesslie. Cette figure féminine ancestrale des plus complexes dans le répertoire occidental perd totalement de sa consistance au fil de l’intrigue. Cette femme ambitieuse et manipulatrice, désespérée d’avoir perdu leur enfant, qui ordonne à son époux d’utiliser tous les vils subterfuges pour assassiner le roi Duncan (David Thewlis) et s’emparer du trône, se révèle bien trop humaine et fragile, envahie par la douleur, le chagrin et la frustration. Ainsi, l’interprétation imposante de Marion Cotillard dans les premières scènes finit par s’effacer du cadre progressivement, allant même jusqu’à déséquilibrer la cruauté de ce couple royal shakespearien, inexorablement lié. En dépit de ces anomalies certaines, Justin Kurzel fait résonner une sensibilité moderne dans cette nouvelle adaptation sanglante, qui a terminé la compétition du 68e Festival de Cannes, avec un Macbeth charismatique tout en fêlure, toujours dévoré par son ambition démoniaque, son désir de pouvoir et ses peurs.
- MACBETH de Justin Kurzel en salles le 18 novembre 2015.
- Avec : Michael Fassbender, Marion Cotillard, Jack Reynor, David Hayman, Paddy Considine, David Thewlis, Sean Harris, Elizabeth Debicki, Maurice Roëves, Shane Salter…
- Scénario : Todd Louiso, Jacob Koskoff et Michael Lesslie
- Production : Emilie Sherman, Laura Hastings-Smith, Ian Canning
- Photographie : Adam Arkapaw
- Montage : Chris Dickens
- Décors : Fiona Crombie
- Costumes : Jacqueline Durran
- Compositeur : Jed Kurzek
- Distribution : StudioCanal
- Durée : 1h53
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