Synopsis: Mai 1940. Pour fuir l’invasion allemande, les habitants d’un petit village du nord de la France partent sur les routes, comme des millions de Français. Ils emmènent avec eux dans cet exode un enfant allemand, dont le père opposant au régime nazi est emprisonné à Arras pour avoir menti sur sa nationalité. Libéré dans le chaos, celui-ci se lance à la recherche de son fils, accompagné par un soldat écossais cherchant à regagner l’Angleterre…
♥♥♥♥♥
Pour son quatrième film, En mai fais ce qu’il te plaît, Christian Carion nous plonge dans un épisode de l’Histoire française durant la Seconde Guerre mondiale, l’exode des habitants du nord du pays fuyant l’invasion allemande. Après la trêve de Noël en 1914 dans Joyeux Noël (2005) et une enquête d’espionnage pendant la Guerre Froide dans L’Affaire Farewell (2009), le cinéaste construit en quelque sorte sa fresque sur les grands conflits du 20e siècle. Le récit, qui retrace ici le destin individuel de plusieurs villageois contraint d’abandonner leurs maisons, leurs emplois et leurs biens pour échapper aux nazis, émane d’une histoire familiale du cinéaste, qu’il a entendu lors des repas du dimanche, des communions et des baptêmes. Ce périple captivant s’avère être un hommage à la mère de Christian Carion pour son 90e anniversaire, dont les propres souvenirs sont à la base du scénario. L’écriture se nourrit également de plusieurs témoignages des habitants du Nord-Pas-de-Calais, recueillis à partir d’un appel lancé aux téléspectateurs sur France 3. On retrouve d’ailleurs une bonne partie de ces histoires individuelles, comme celle pourtant invraisemblable du soldat allemand qui, agonisant, demande à des enfants de l’aider à mourir plus vite. Dans ce cadre, Jean-Pierre Guéno, l’instigateur des appels à témoignages, publie parallèlement chez Librio un recueil inédit sur ces vécus poignants, Paroles d’exode, mai-juin 1940. Lettres et témoignages des Français sur les routes. Si ce mélange entre intime et faits historiques avait déjà porté ses fruits dans ses précédents films, cette composition atteint ici des sommets.
Plus qu’un drame, En mai fais ce qu’il te plaît se révèle un western choral sur fond de guerre où l’on accompagne des figures représentatives, cependant un brin stéréotypé, comme le maire (Olivier Gourmet), l’institutrice (Alice Isaaz), la patronne du bistrot (Mathilde Seigner) ou encore l’agriculteur bourru (Jacques Bonnaffé). Ce convoi, oscillant entre l’aventure et la détresse de ceux qui ont tout perdu, devient un personnage à part entière. Ce défilé lent et inexorable est rythmé par la musique épique d’Ennio Morricone. Le maestro italien, qui n’avait pas composé pour le cinéma français depuis les années 1980, met tout son génie au service du réalisateur en conférant ici une dimension d’infini, si caractéristique des paysages de westerns. Christian Carion rend ainsi un bel hommage à sa mère, sa famille et par extension, à tous nos ascendants, soumis à l’épreuve des guerres qui se sont battus pour continuer à vivre dans la meilleure dignité possible. En mai fais ce qu’il te plaît devient dès lors, pour tous les spectateurs, un petit bijou d’Histoire.
Lucia Miguel
- EN MAI FAIS CE QU’IL TE PLAÎT réalisé par Christian Carion en salles le 4 novembre 2015.
- Avec : Auguste Diehl, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner, Alice Isaaz, Matthew Rhys, Joshio Marlon, Thomas Schmauser, Jacques Bonnaffé, Laurent Gerra…
- Scénario : Christian Carion, Laure Irrmann, Andrew Bampfield
- Production : Christophe Rossignon, Philip Boëffard
- Photographie : Pierre Cottereau
- Montage : Laure Gardette
- Décors : Jean-Michel Simonet
- Costumes : Monic Parelle
- Musique : Ennio Morricone
- Distribution : Pathé Films
- Durée : 1h54
.