The Strangers de Na Hong-jin : critique

Publié par Antoine Gaudé le 6 juillet 2016

Synopsis : La vie d’un village coréen est bouleversée par une série de meurtres, aussi sauvages qu’inexpliqués, qui frappe au hasard la petite communauté rurale. La présence, récente, d’un vieil étranger qui vit en ermite dans les bois attise rumeurs et superstitions. Face à l’incompétence de la police pour trouver l’assassin ou une explication sensée, certains villageois demandent l’aide d’un chaman. Pour Jong-gu aussi , un policier dont la famille est directement menacée, il est de plus en plus évident que ces crimes ont un fondement surnaturel…

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The strangers - affiche

The strangers – affiche

Il aura fallu attendre six ans pour que le jeune prodige coréen Na Hong-jin réalise un nouveau film. Dans le calendrier des sorties estampillé genre, cela peut sembler une éternité. Après deux premiers essais concluants, The Chaser (2008) et The Murderer (2010), The Strangers, présenté hors compétition au 69e Festival de Cannes, confirme tout le bien que l’on pense de sa pratique endiablée du cinéma de genre made in Corée, dont la période phare reste le début des années 2000. Poursuivant son travail autour du thriller, le cinéaste possède une ambition démesurée mais assumée. Il rallonge ici la durée et pose sa caméra dans un nouvel espace géographique. Après la ville de Séoul et la région chinoise de Yanbian, c’est au tour de la région rurale de Gok-seung. Alors que la veine réaliste – proche de la chronique sociale – de ses précédents films détonait déjà avec l’extrême violence, son cinéma n’avait jamais cherché à cacher ses aspirations horrifiques. C’était même plutôt l’inverse. The Strangers nous apparaît dès lors comme l’aboutissement d’un travail commencé il y a presque dix ans. Plus proche d’un Fincher que d’un De Palma finalement, The Strangers emprunte le même sillage baroque que Seven. Na Hong-jin noie littéralement son récit, toujours aussi foisonnant, dans des tonalités atmosphériques faites de pluie, d’orage et de boue. Alors qu’il semble se diriger vers une enquête sordide au dénouement attendu, il parvient, en bon manipulateur, à nous perdre dans des élucubrations mystico-religieuses, aussi réjouissantes que déconcertantes. On connaissait son attirance pour le Mal et la pulsion de mort, mais on était très loin de s’imaginer qu’il allait un jour réaliser un film autour de sa principale figure : le démon.

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Baroque, pour ne pas dire maniériste, le style de Na Hong-jin assume la surenchère symbolique aux accents fantastiques. Du bestiaire aux figures dégénérées et pourrissantes, en passant par le climat et les décors délabrés, il construit un véritable théâtre aux dimensions gothiques et grotesques, à l’image de son héros gauche. Caractéristiques fondamentales du cinéma asiatique, les images du cinéaste se valent toutes, supprimant ainsi la distinction rationaliste et binaire de l’imaginaire et du réel. Le vraisemblable côtoie l’invraisemblable de manière si naturel que la réalité prend soudainement des allures de farces macabres. L’interprétation n’est plus dictée par le cinéaste, mais relève davantage du spectateur qui tente de recoller les morceaux, à l’instar du protagoniste des trois films, un véritable searcher. Car au final, chez Na Hong-jin, la figure démoniaque se dévoile très vite, ce qui laisse inaugurer une multitude de possibilités d’étirer son récit afin d’y dépasser les codes génériques. Évidemment, toutes les pistes arpentées par le réalisateur ne sont pas du même acabit. Mais sa générosité l’oblige à explorer certains passages et certains lieux qui offrent par ailleurs les plus belles tensions.

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Na Hong-jin est passé maître dans l’art de la course-poursuite : du découpage de l’espace à la chorégraphie des corps en passant par la musique, ces courses-poursuites, toujours effectuées dans des lieux improbables, sont les points paroxystiques de ses films. Des lieux de rencontres d’une violence qui n’est jamais là où on l’attend et qui se meut d’un personnage à l’autre sans crier gare. C’est autant cette pulsion de mort qui habite ces personnages, tous plus monstrueux les uns que les autres, que cette manipulation du destin exercée par les démons, qui viennent asséner leur châtiment (divin). The Strangers est en permanence parcouru par cette tension qui hante lieux et personnages. Ces fantômes « de chair et d’os » arpentent les rues et les forêts des alentours sans que personne ne puisse les arrêter ou les vaincre, comme si le Mal était immanent plutôt que transcendant. Les sceptiques peuvent voir une roublardise dans ce scénario à retournement forcé, critiquer l’étouffement d’un récit par une « superstructure » sur-écrite ainsi que l’inexplicable longueur du film, mais ils ne peuvent attaquer l’énergie qui traverse chaque plan ni l’incroyable envoûtement fantastique qui émane de ces images. Et encore moins l’indéfectible pouvoir des cinéastes coréens à faire coexister des essaims d’images aussi disparates qu’inattendus.   

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Antoine Gaudé

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  • THE STRANGERS (Goksung) écrit et réalisé par Na Hong-jin en salles le 6 juillet 2016.
  • Avec : Kwak Do-Won, Huang Jeong-min, Chun Woo-hee, Jun Kunimura, So-yeon Jang…
  • Scénario : Eiichi Yamamoto, Yoshiyuki Fukada, d’après l’œuvre de Jules Michelet
  • Production : Sung-ho Kim, Suh Dong Hyun
  • Photographie : Alex Hong Kyung-Pyo
  • Montage : Sun-ùin Kim
  • Décors : Lee Hwo Kyung
  • Musique : Jang Young-gyu, Dalpalan
  • Distribution : Metropolitan FilmExport
  • Durée : 2h36

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