Synopsis : À Hong Kong, la centrale nucléaire de Chai Wan a été hackée. Un logiciel malveillant, sous la forme d’un outil d’administration à distance ou RAT (Remote Access Tool), a ouvert la porte à un autre malware plus puissant qui a détruit le système de refroidissement de la centrale, provoquant la fissure d’un caisson de confinement et la fusion de son coeur. Aucune tentative d’extorsion de fonds ou de revendication politique n’a été faite. Ce qui a motivé cet acte criminel reste un mystère. Un groupe de hauts gradés de l’APL (Armée populaire de libération chinoise) charge le capitaine Dawai Chen, spécialiste de la défense contre les cyberattaques, de retrouver et de neutraliser l’auteur de ce crime. À Chicago, le Mercantile Trade Exchange (CME) est hacké, provoquant l’inflation soudaine des prix du soja. Carol Barrett, une agente chevronnée du FBI, encourage ses supérieurs à associer leurs efforts à ceux de la Chine. Mais le capitaine Chen est loin de l’idée qu’elle s’en était faite. Formé au MIT, avec une parfaite maîtrise de l’anglais, l’officier chinois insiste pour que ses homologues américains libèrent sur le champ un célèbre hacker détenu en prison : Nicholas Hathaway.
♥♥♥♥♥
Six ans après avoir retracé le parcours du braqueur de banque John Dillinger dans le film de gangster Public Enemies, Michael Mann revient avec un cyberthriller qui entremêle comme de coutume action, criminalité et romance, mais aussi traque, conspiration et paranoïa. Toujours hanté par les mêmes obsessions, il nous replonge ici dans la vulnérabilité et les dérives d’une société contemporaine en pleine mutation, à l’heure de la guerre internet, de la crise financière et de la surveillance de masse. Si sa ville de prédilection fut souvent la Cité des Anges, il s’échappe quelque peu du cadre pour nous faire voyager de Chicago à Los Angeles en passant par Hong Kong et Jarkata. Mais Hacker réaffirme avant tout combien le cinéaste du SOLITAIRE (notre critique), Collateral, Miami Vice et Heat reste incontestablement l’un des metteurs en scène majeurs les plus virtuoses de sa génération. Point fondamental et clairement l’épine dorsale de cette œuvre de celui qui fut souvent décrit comme l’équivalent moderne d’Howard Hawks. Car dans cette histoire, centrée sur un pirate informatique incarcéré et recruté par le FBI et le gouvernement chinois pour démasquer un cybercrime de haut niveau et à réaction en chaîne, le scénario est sans doute sa plus grande faiblesse. Laborieux, alambiqué et souvent décousu, le traitement narratif avec son jargon technologique, qu’il a coécrit avec Morgan Davis Foehl, finit par s’égarer quelque part au milieu du film.
Mais si les rapports de cause à effet ne sont pas toujours crédibles et réfrènent quelque peu l’intérêt du propos, la bonne nouvelle est que l’ensemble est vite absorbé par l’intensité de la mise en scène et le rythme effréné. La caméra de Michael Mann dépasse le sujet s’accaparant soigneusement les clés du cinéma numérique. Il l’explore avec maestria sous tous les angles et interstices, nous immisçant dans l’intériorité d’un ordinateur dès la séquence d’ouverture, qui serpente le long d’un circuit électronique jusqu’à son impact final dans une centrale nucléaire. Un procédé technique qui n’est pas sans rappeler la longue séquence dans Panic Room de Fincher entre CGI et caméra innovante. Mais Hacker se démarque également par sa texture visuelle élégante et stylisée. L’esthète a toujours su coordonner mise en scène et photographie pour un rendu à l’esthétique brute. Il s’empare ainsi excellemment des espaces et fait vibrer sa caméra, tout en capturant les lumières des nuits urbaines avec ses protagonistes ici au coeur de cette chasse à l’homme.
Chris Hemsworth, qui a troqué son marteau Mjöllnir pour une formule 1 dans RUSH (notre critique) avant d’affronter prochainement un cachalot dans Au Coeur de l’Océan, s’ajoute à la galerie d’anti-héros romantiques chez Mann. Il campe avec contenance ce hacker repenti qui tombe amoureux de la sœur d’un capitaine chinois et ami, spécialiste de la défense contre les cyberattaques. Car bien sûr pas d’action sans passion chez le cinéaste. Tout comme les séquences radicales d’une violence implacable (course poursuite dans le métro, fusillade et explosion sur l’autoroute, tir ultime dans la foule) nourrissent et génèrent l’émotion dans l’évolution des personnages. Caméra à l’épaule, Mann maîtrise d’une main de maître ces scènes empreintes de réalisme constitutives de sa filmographie. Il n’omet aucun détail sur ce qui se passe dans et en dehors de l’action, filmant toujours l’environnement dans lequel se heurte ses personnages. Le tout, ponctué d’un zeste d’humour à l’instar de Collateral, bat son plein de tension grâce aussi à la partition musicale de Harry Gregson-Williams (Unstoppable de Tony Scott) et d’Atticus Ross, partenaire de Reznor sur plusieurs films de Fincher. On fait dès lors volontiers abstraction du manque de subtilité du récit qui s’évapore en substance face à la virtuosité de ce cinéaste percutant qui fait du bien au paysage cinématographique.
- HACKER (Blackhat) de Michael Mann en salles le 18 mars 2015.
- Avec : Chris Hemsworth, Viola Davis, Tang Wei, Ritchie Coster, Leehom Wang, Holt McCallany, Yorick Van Wageningen, William Mapother
- Scénario : Morgan Davis Foehl, Michael Mann
- Production : Jon Jashni, Michael Mann, Thomas Tull
- Photographie : Stuart Dryburgh
- Montage : Leo Trombetta, Joe Walker, Jeremiah O’Driscoll, Stephen R. Rivkin
- Costumes : Colleen Atwood
- Décors : Guy Hendrix Dyas
- Musique : Harry Gregson-Williams, Atticus Ross
- Distribution : Universal Pictures
- Durée : 2h13
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