Synopsis : Dans l’effervescence de la capitale chilienne Santiago, pendant les années 1940 et 1950, « Alejandrito » Jodorowsky, âgé d’une vingtaine d’années, décide de devenir poète contre la volonté de sa famille. Il est introduit dans le cœur de la bohème artistique et intellectuelle de l’époque et y rencontre Enrique Lihn, Stella Diaz, Nicanor Parra et tant d’autres jeunes poètes prometteurs et anonymes qui deviendront les maîtres de la littérature moderne de l’Amérique Latine. Immergé dans cet univers d’expérimentation poétique, il vit à leurs côtés comme peu avant eux avaient osé le faire : sensuellement, authentiquement, follement.
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Après avoir conté son enfance dans le petit village chilien de Tocopilla dans La Danza de la Realidad, Alejandro Jodorowsky, du haut de ses 87 printemps, continue à mettre en images ses mémoires avec Poesía sin fin, projeté à la Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes. Jodorowsky raconte ici son adolescence et sa vie de bohème dans la capitale de Santiago au Chili. Après une vingtaine d’années de silence cinématographique, le réalisateur revenu vers la lumière grâce au remarquable documentaire Jodorowsky’s Dune de Frank Pavich, assure donc tranquillement sa postérité. Attendre de « Jodo » qu’il réalise un biopic fidèle et convenu, c’est vraiment mal connaître l’artiste. Ici, le cinéaste mélange la réalité des faits aux fantasmes du jeune poète qu’il rêvait de devenir. Une bonne occasion pour lui d’injecter une grande dose de surréalisme, de montrer son affection pour la poésie, l’écriture, le tarot, l’ésotérisme et de faire défiler une myriade de personnages truculents, chers à son cinéma. Poesía sin fin est dans la continuité du premier opus. Peut-être trop, allant même jusqu’à reproduire ses moindres défauts. La Danza de la Realidad était certes davantage recentré sur les parents du jeune « Alejandrito », pourtant, les structures narratives sont quasiment identiques. Poésía sin fin plonge dans un rythme lancinant qui aurait pu sans doute être évité. Mais ce qui prime chez Jodorowsky, c’est bien la force des images. Le Chilien n’oublie pas que le cinéma est un art visuel ; il offre à nos rétines un spectacle vif et coloré et frappe nos consciences avec son imagerie si particulière.
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Pour sublimer ses scènes, il s’est attaché les services de Christopher Doyle, le directeur de la photographie fétiche de Wong Kar-wai, notamment connu pour son travail sur la couleur. Les films de Jodorowsky s’avèrent être une affaire de famille. Sa fin de carrière confirme bel et bien ce penchant ; il utilise la cinéma comme une thérapie. En apparaissant à l’écran tel un sage, il tente de guérir les maux et de réparer les erreurs de son passé. Il effectue des ponts entre les générations en donnant l’opportunité à ses enfants, Adan et Brontis, d’interpréter respectivement son rôle et celui de leur grand-père et ainsi de mieux comprendre sa propre histoire. On peut d’ailleurs noter la performance d’Adan qui parvient à faire ressortir l’incroyable énergie et la folie douce de son père. À la manière d’un Fellini, Jodorowsky construit étape par étape son Amarcord familial. On peut épiloguer et discuter de mille et une choses sur son cinéma, mais on ne peut lui retirer la sensibilité et la sincérité qu’il véhicule au travers de ses œuvres. Au crépuscule de sa vie, le cinéaste continue de créer et avec Poesía sin fin, il met sur pellicule une ravissante synthèse de tous les arts et artistes qui l’ont inspiré dans sa jeune existence. Le dénouement amène le jeune Jodo vers d’autres rivages. En espérant qu’il puisse mener cette poésie sans fin jusqu’au prochain chapitre de sa vie : Paris et ses rencontres décisives avec l’intelligentsia surréaliste de la capitale française.
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Erwin Haye
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- POÉSIA SIN FIN écrit et réalisé par Alejandro Jodorowsky en salles le 5 octobre 2016.
- Avec : Alejandro Jodorowsky, Adan Jodorowsky, Pamela Flores, Brontis Jodorowsky, Leandro Taub, Jeremias Herskovits, Julia Avedano, Bastian Bodenhofer, Carolyn Carlson, Adonis…
- Production : Asai Takashi, Xavier Guerrero Yamamoto
- Photographie : Christopher Doyle
- Montage : Maryline Monthieux
- Costumes : Pascale Montandon-Jodorowsky
- Musique : Adan Jodorowsky
- Distribution : Le Pacte
- Durée : 2h05
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