Synopsis : Juin 1940. Le jeune soldat Laforêt perd malencontreusement son régiment au détour d’une route. Il tente de retrouver ses camarades, en vain. Il se met alors à errer à travers les paysages de l’Aveyron. Son vagabondage l’amène à croiser toute une galerie de personnages singuliers…
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Avec le concours de la Cinémathèque de Toulouse, l’éditeur Carlotta lance une nouvelle collection destinée à faire partager la richesse de ses archives avec le grand public. Le Soldat Laforêt de Guy Cavagnac, sorti en 1974, est le premier titre de la collection. Succèderont La campagne de Cicéron, La grève, La vendeuse de cigarettes du Mosselprom et Verdun, visions d’histoire. L’unique long métrage de Guy Cavagnac, produit via sa société Unité 3 fondée avec les cinéastes Liliane de Kermadec (La piste du télégraphe…) et Paul Vecchiali (Femmes Femmes…), conte l’errance d’un jeune soldat perdu en pleine campagne aveyronnaise. Incarné avec sensibilité par le comédien belge Roger Van Hool (Dialogue avec mon jardinier), notre déserteur involontaire croise sur sa route une galerie de personnages tendrement décalés, symbole des différents états de la condition humaine. La difficulté des relations de couple, la solitude après une séparation ou un deuil de l’être aimé, la vie à la campagne face à la ville, l’engagement militaire pour la patrie, les plaisirs de la chair et l’amour libre sont les multiples thématiques qui jalonnent ce récit. Autant de rencontres hasardeuses qui composent un ensemble très attachant et poétique. On apprécie également davantage ce très bon casting, avec dans les seconds rôles Fernand Sardou – père de Michel – (Le Déjeuner sur l’herbe), Bernard Haller (Max mon Amour), Jacques Rispal (Le chat) ou encore Jacques Dynam (Fantômas). Notre héros, égaré dans une magnifique France rurale, celle de la région Midi-Pyrénées, fait également l’expérience du sentiment amoureux via sa rencontre avec la gracieuse Diane, incarnée par Catherine Rouvel (Borsalino). Le Soldat Laforêt prend alors des chemins de traverse, se faisant plus contemplatif. Si cette lenteur peut déconcerter le spectateur d’aujourd’hui, elle offre néanmoins de beaux moments de grâce et d’humanité, ouvrant une parenthèse sur la guerre et ses horreurs en toile de fond.
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Se dessine ensuite un trio amoureux avec l’arrivée du personnage de Paco, joué par le grand Francisco Rabal (Le Convoi de la peur), qui interroge sur la question du couple et de la jalousie. Peut-on aimer deux personnes à la fois et dans une totale harmonie ? La réponse ici ne semble pas si évidente. Un esprit libertaire post-mai 68 baigne dès lors dans cette oeuvre, signe d’une époque où tout semblait possible. Le Soldat Laforêt conserve cependant une modernité universelle dans son discours un peu daté. Jamais la France de 1940 n’a autant ressemblé à celle de 1970. Si on a pu reprocher au cinéaste cet aspect un peu anachronique, cela enrichit au contraire la dimension surréaliste et intemporelle de l’oeuvre. Le Soldat Laforêt est également une belle réussite dans sa forme, portée par la superbe photographie de Georges Strouvé (Les ruses du diable). On pense beaucoup à Jean Renoir, et pour cause, Guy Cavagnac a été son assistant. Les reflets de lumière sur les arbres et les cadrages renvoient directement au style de l’auteur de La grande illusion et La règle du jeu. L’hommage n’est cependant jamais appuyé, Guy Cavagnac parvient à imprimer sa propre personnalité. La nature aveyronnaise, aussi le lieu d’enfance du cinéaste, est magnifiquement filmée. Le tout est rehaussé par la très belle restauration HD et approuvée par le réalisateur. Enfin, saluons la belle musique de Roland Vincent, rappelant celle de Michel Legrand, et qui vient accentuer avec douceur l’émotion de ce petit bijou rare et précieux du cinéma français.
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Le Soldat Laforêt se révèle ainsi une belle fable antimilitariste pleine de chaleur humaine. Le genre d’œuvre qui fait du bien en cette époque troublée par des violences de toutes sortes. Peu vue à sa sortie et boudée par le public, cette rareté est à (re)découvrir grâce au très bon travail éditorial de Carlotta et la Cinémathèque de Toulouse.
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DVD : Le master est magnifique, très détaillé, avec des couleurs splendides. Le son en version française est propre et clair. Le disque est riche en suppléments, avec d’abord Retrouvailles (14 minutes) : un entretien intéressant entre le réalisateur et sa comédienne Catherine Rouvel qui évoquent le tournage. Puis, Un film de couple (7 minutes) : la monteuse Catherine Delmas et le scénariste Claude Delmas abordent leur collaboration chaleureuse avec le réalisateur Guy Cavagnac. Pour une contre-histoire du cinéma (7 minutes) : Christophe Gauthier, ancien conservateur de la Cinémathèque de Toulouse explique le travail de restauration du cinéma régional avec passion, en particulier sur cette édition. La section bonus s’achève avec un court métrage de Guy Cavagnac, La Vota (21 minutes), chronique d’un village de l’Aveyron, et la bande annonce du film.
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- LE SOLDAT LAFORÊT de Guy Cavagnac disponible pour la première fois en DVD en version restaurée, Haute Définition, le 7 septembre 2016.
- Avec : Roger Van Hool, Catherine Rouvel, Francisco Rabal, Fernand Sardou, Bernard Haller, Jacques Rispal, Madeleine Vimes, Jacques Dynam
- Scénario : Guy Cavagnac, Claude Delmas
- Production : Guy Cavagnac
- Photographie : Georges Strouvé
- Montage : Catherine Delmas
- Musique : Roland Vincent
- Edition DVD : Carlotta Films
- Tarif : 20,06 €
- Durée : 1h36
- Sortie initiale en salles : 1er mai 1974
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