Synopsis : Le capitaine Stanley White, un vétéran du Vietnam au tempérament bien trempé, est l’un des flics les plus respectés de New York. Il est muté dans le quartier de Chinatown suite à l’assassinat du représentant de la communauté chinoise. White est persuadé de l’existence d’une mafia qui régit l’ordre du quartier et alimente le trafic de drogue. Il se lance dans une véritable croisade contre les dirigeants de cette soi-disant triade, elle-même rongée de l’intérieur. Malgré les mises en garde de ses supérieurs hiérarchiques et les menaces de la communauté chinoise, Stanley White se lance dans cette bataille envers et contre tous…
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Après l’échec de La Porte du Paradis en 1980, Michael Cimino, abattu par l’accueil catastrophique de sa fresque monumentale, parvient à rebondir cinq ans plus tard avec L’Année du Dragon, et signe un chef-d’œuvre qui connaît cette fois le succès. Inédit en Blu-ray, l’éditeur Carlotta n’a pas choisi de faire les choses à moitié. Dans une édition ultra collector en tirage limité et numéroté (3000 exemplaires seulement), il fait paraître ce polar intense superbement restauré dès le 9 mars, à l’image de leur superbe édition précédente de Body Double. Si L’Année du Dragon est tiré du roman éponyme de l’écrivain et journaliste Robert Daney, l’adaptation de Cimino s’en éloigne fortement. Il a toujours été désireux de raconter l’histoire des immigrés chinois en Amérique, et leur participation à la construction des premiers des chemins de fer notamment. La proposition de son producteur Dino de Laurentiis de le porter à l’écran devient dès lors un moyen de concrétiser sa vision. Le réalisateur propose ici une nouvelle réflexion sur les États-Unis à travers le combat solitaire du policier Stanley White (Mickey Rourke) face à la mafia chinoise de Chinatown. À l’aide de longs plans larges souvent mobiles, renforcés par le superbe travail du directeur photo Alex Thomson et de la monteuse Françoise Bonnot, la mise en scène de Michael Cimino embrasse le cinéma d’action à la manière d’une fresque opératique. Chaque personnage, mafieux ou policier, est ainsi traité avec la même humanité.
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La traque obsessionnelle de White se concentre sur la figure de Joey Tai (John Lone), jeune et ambitieux homme d’affaires qui symbolise à lui seul l’ennemi à vaincre. Mais l’ennemi est en réalité bien plus vaste ayant pour visage la corruption et la criminalité mafieuse. Pour White, elle gangrène les institutions de son pays ; la police devient complice si elle ne stoppe pas les trafiques ni ne met sous les verrous les parrains. Cimino fait donc de son héros une incarnation, à l’image du capitaine Achab de Moby Dick. Un homme prêt à tout sacrifier pour une quête éperdue, folle et impossible. Contrairement au livre, le réalisateur transforme ce flic américano-polonais de 45 ans, porté par un Mickey Rourke alors âgé de 29 ans, en un vétéran du Vietnam. Ce n’est donc pas pour rien qu’on retrouve Oliver Stone au scénario, ayant directement participé à ce conflit avant de nous offrir Platoon (1986) ou encore Né un 4 juillet (1989). Cimino, propulsé réalisateur grâce à Clint Eastwood, qui produit Le Canardeur, son premier long métrage, ce n’est pas non plus un hasard si l’inspecteur Harry se reflète dans le personnage de Mickey Rourke, habité et magistral.
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À l’époque, la critique a confondu Stanley White avec Michael Cimino, le taxant de raciste pour sa représentation acerbe de la communauté chinoise. La population américaine ne croyait pas à une mafia si présente et importante dans son pays ; Cimino montre ici la vérité nue et pas forcément rose de Chinatown. White rêve d’une Amérique « pure » et tente d’effacer les blessures de la guerre du Vietnam, qui sont aussi et surtout les siennes. Dans ce combat, il accepte de payer le prix du sacrifice ; sa vie conjugale ne devient plus qu’un tas de ruine. Cimino nous offre des instants poignants avec sa femme Connie (Caroline Kava), imprégnés de véracité, le tout soutenu par la musique de David Mansfield. La superbe partition du compositeur illustre magnifiquement la séparation de ce couple, devenu deux étrangers l’un pour l’autre.
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Cette histoire permet aussi de mettre en lumière la romance entre White et la journaliste sino–américaine Tracy Tzu (Ariane Koizumi). Elle correspond mieux à la personnalité de cet homme d’action et de conflit, face à la perspective manquée d’une vie de famille. Leur échange lors de la fabuleuse séquence du restaurant est l’occasion pour le cinéaste de livrer une charge virulente contre les médias et une presse qui alimentent les mensonges et inventent de fausses informations. Une justesse de ton habite ces scènes et renvoie à son autre chef-d’œuvre, Voyage au bout de l’Enfer (1978), à travers les retrouvailles entre Robert De Niro et Meryl Streep. Le Stanley White de L’Année du Dragon est proche du Michael Vronsky incarné par De Niro ; les deux hommes sont brisés par leur expérience de la guerre du Vietnam. Cimino reprend cette même psychologie du personnage. Mais le plus intéressant est sans doute dans le dénouement. L’Année du Dragon a des allures d’un duel de western, opposant deux hommes (Stanley et Joey) et deux cultures, qui s’affrontent avec le même respect et la même droiture, malgré tout ce qui les sépare. Ce combat salvateur avec ce frère ennemi permet à Stanley White de se libérer de ses démons et de retrouver celle qu’il aime, l’esprit enfin apaisé. Cette extraordinaire conclusion, qui passe des ténèbres à la lumière, condense toute la grandeur du cinéma de Michael Cimino.
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Combo Blu-ray + 2 DVD + Livre : La superbe restauration image et son, faite par Carlotta, se révèle un travail d’orfèvre, et l’expérience HD offre une véritable redécouverte ; L’Année du Dragon semble avoir été tourné hier. Côté suppléments, ils sont peu nombreux mais néanmoins passionnants. On peut notamment découvrir une interview radio de 30 minutes de Michael Cimino qui revient longuement sur ce film, particulièrement sur l’accueil de l’époque et les concessions qu’il a dû faire pour modifier le dialogue final de Mickey Rourke. Le journaliste et historien du cinéma, Jean-Baptiste Thoret, livre, quant à lui, d’autres informations très intéressantes dans une courte présentation. À cette belle édition s’ajoute le livre L’ordre et le chaos : « L’année du dragon » de Michael Cimino. L’ouvrage riche de 208 pages, illustré de 50 photos inédites, est composé d’entretiens et d’extraits du scénario original de Cimino et Oliver Stone. Vous pouvez d’ailleurs lire un extrait de 14 pages dans ce lien Carlotta.
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- L’ANNÉE DU DRAGON (Year of the Dragon) de Michael Cimino disponible en combo Blu-ray + 2 DVD + Livre et en Blu-ray single le 9 mars 2016.
- Avec : Mickey Rourke, John Lone, Ariane Koizumi, Leonard Termo, Caroline Kava, Jilly Rizzo, Tony Lip, Fabia Drake, Gerald Orange…
- Scénario : Oliver Stone, Michael Cimino
- Production : Dino De Laurentiis
- Photographie : Alex Thomson
- Montage : Françoise Bonnot
- Décors : Wolf Kroeger
- Costumes : Marietta Ciriello
- Musique : David Mansfield
- Edition : Carlotta
- Tarif : Combo Blu-ray + 2 DVD + Livre (45,99 €) – Blu-ray single (19,99 €)
- Durée : 2h14
- Sortie en salles initiale : 13 novembre 1985
- Ressortie en salles : 22 juin 2005
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