Résumé : Cet ensemble de 46 textes débute par une nouvelle, Gaz hilarant, écrite en 1919 et se conclut par une interview de 1977, sobrement intitulée Survivre. Comme on peut s’y attendre, Alfred Hitchcock nous dévoile, sans artifices, les procédés et mécanismes d’un métier. Et nous explique sans relâche comment il est parvenu à la maîtrise de son art. Mais il ne faudrait pas s’y tromper et ne voir ici que les simples mémoires d’un cinéaste. Hitchcock se montre, à chaque instant, un artiste complet, qui pense le cinéma en termes de peinture, de littérature. Ou encore un stratège génial, rompu au jeu d’échecs et assez rusé pour s’amuser à démontrer l’apport du cinéma à Shakespeare, ou à prophétiser le système de production contemporain.
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Aura-t-on un jour tout dit, tout filmé, tout écrit sur Alfred Hitchcock ? Visiblement non, et cela est bienheureux. Nouvelle preuve de cette apparente recherche infinie : Ferme les yeux et vois !, réédition du premier volume de textes recensés par l’américain Sidney Gottlieb, traduit et publié une première fois en 2012 chez Flammarion. Première qualité de cet ouvrage : proposer au lecteur pas moins de quarante-six textes, soit un peu plus de trois cents pages de documents inédits pour la modique somme de quatorze euros ; une remarque qui peut sembler factuelle en soit, mais qui, dans le domaine de l’édition consacrée au cinéma, a son importance. Bien construit, l’ouvrage suit un ordre chronologique et permet d’apprécier l’évolution manuscrite, publique et artistique d’Alfred Hitchcock. Entretiens, notes, conférences ou articles écrits de la main du maître constituent l’essentiel de ces indispensables archives. De ses débuts comme titreur dans les studios de Londres à ses premiers films américains en passant par sa filmographie britannique, ce volume révèle un pan assez peu connu de la carrière de Hitch’. L’un des nombreux intérêts de cette réédition est justement d’offrir une image du cinéaste plutôt éloignée de ses représentations ultérieures. On est en effet bien loin du Hitchcock répondant avec assurance aux questions posées par son admirateur François Truffaut. Le metteur en scène hésite, s’interroge. Avec fascination, il évoque ses aspérités à Hollywood, tient de jolis propos envers les actrices et acteurs américains. Les anecdotes servent ici de leçons à retenir. Hitchcock revient sur les méthodes de production de l’époque et sur l’importance d’une bonne préparation. Auto-analytiques, de nombreux articles le voient disserter sur des questions aussi générales que le style, le suspense, les aspects techniques de la mise en scène. Le réalisateur s’amuse souvent mais garde son sérieux lorsqu’il s’agit d’évoquer des problèmes aussi complexes que les premières expérimentations sonores au cinéma. D’une certaine manière, Hitchcock nous invite à redécouvrir l’histoire du cinéma. Le cinéaste revient aussi sur les stéréotypes qui ont pu entourer sa persona publique (et, en premier lieu, sa misogynie présumée). Certains films (Psychose, Les Oiseaux) sont prétextes à des études thématiques (la peur), l’auteur revenant sur les implications psychologiques et formelles sous-tendues par son œuvre. En annexes, une traduction des titres originaux, ainsi qu’un référencement des noms et des œuvres citées facilitent la lecture. On remarque par ailleurs la présence d’une bibliographie très complète revenant sur l’ensemble des écrits d’Alfred Hitchcock. On ne peut donc que féliciter l’initiative de Marest Éditeur (ainsi que l’excellente traduction et présentation de Pierre Guglielmina), et attendre patiemment la publication du second volume prévu pour le début de cette année.
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- FERME LES YEUX ET VOIS ! Hitchcock par Hitchcock, vol. I disponible en librairie chez MAREST Éditeur, Collection « Domaine Étranger » à partir du 17 janvier 2017.
- Traduction : Pierre Guglielmina
- 364 pages
- 14 €