Synopsis : Napalm est le récit de la bouleversante « brève rencontre », en 1958, entre un membre français de la première délégation d’Europe de l’Ouest officiellement invitée en Corée du Nord après la dévastatrice guerre de Corée (4 millions de morts civils) et une infirmière de l’hôpital de la Croix Rouge coréenne, à Pyongyang, capitale de la République Démocratique Populaire de Corée. L’infirmière Kim Kun Sun et le délégué français n’avaient qu’un seul mot en commun, que chacun d’eux comprenait : « Napalm ».
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Inattendu tant dans la forme que dans le contenu, le nouveau documentaire de Claude Lanzmann (Shoah, Le Dernier des injustes), Napalm, présenté en Séance Spéciale au 70e Festival de Cannes, est une singulière ouverture sur ce pays sibyllin qu’est la Corée du Nord. Dans notre monde globalisé, la trajectoire politique prise par la Corée du Nord depuis la fin de la « Guerre de Corée » (1953) reste pour la plupart des pays occidentaux incompréhensible, voire dangereuse. Une vision manichéenne dont Lanzmann n’a jamais été le réceptacle allant même jusqu’à se prendre de « sympathie politique » pour cette étrange « République Populaire Démocratique », y voyant notamment le dernier bastion d’un communisme dont il fut, plus tôt dans sa vie, le fervent défenseur. Trois voyages (1958, 2004 et 2015) ont ainsi permis à Lanzmann de suivre l’évolution, ou plutôt la reconstruction, d’un pays laissé en ruines suite aux innombrables bombardements subis pendant la guerre (4 millions de morts civils). Si Napalm dévoile dans une première partie plus historique (images d’archives, cérémonies, visite de musées), une Corée du Nord pleine de contradictions avec ces milliers de soldats sans véritable champ de bataille, et à court de souffle à force de consommer du tabac en trop grande quantité, une deuxième partie, plus intime et irrévérencieuse, vient néanmoins prolonger paradoxalement ce passionnant cours d’Histoire. C’est véritablement une seconde histoire qui commence lorsque Lanzmann nous conte l’expédition de la première délégation française datant 1958.
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Au-delà du programme « usines et pique-nique », visiblement trop chargé, concocté par l’organisation coréenne, obligeant ainsi Lanzmann à se mettre au repos et aux piqûres de vitamines, c’est bien sa rencontre avec une jeune infirmière (celle-là même chargée des piqûres) qui va rendre ce premier voyage inoubliable. Remplie de détails signifiants et truculents, la romance naissante entre Lanzmann et l’infirmière coréenne est absolument bouleversante en tous points de vue. Éphémère, tragique et comique, cette relation presque surréaliste, vécue rappelons-le dans un climat post-guerre, est porteuse d’espoir et de réconciliation. Sans révéler la teneur émotionnelle du titre, Lanzmann a réussi dans ce documentaire à porter un regard neuf, d’une dimension anthropologique et sociologique profonde, sur les mœurs traditionnelles et actuelles des nord-coréens : de la consommation du tabac au tournage d’un film d’action jusqu’aux rituels et autres cérémonies militaires. Il filme aussi des lieux et des paysages inédits, ainsi que ces fameuses activités de « plaisir domestiqué » de canotage et de la marche.
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Lanzmann dresse le portrait humaniste d’un pays figé dans le temps, luttant contre ses vestiges, et comme plongé dans un temps cyclique et éternelle. Et puis, il y a évidemment cette présence, charmeuse et insatiable, de Lanzmann qui, dès qu’il se met en scène, devient une sorte de bloc concentré d’humanisme. Du haut de ses 91 ans et fort d’une expérience incroyable, il n’est pourtant jamais cynique ou pessimiste. Il continue de dépasser les clivages établis, de rétablir les vérités oubliées, de pointer du doigt les horreurs immanentes à la nature humaine. À la fois confident et enseignant, il est un génie dans ce qu’il nous transmet et nous lègue, sans complaisance ni concession mais toujours avec cette sincérité à fleur de peau qu’il a su cultiver à sa manière, indépassable et incommensurable.
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- Note de la rédaction cannoise :
- Nathalie Dassa : ♥♥♥♥♥
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- NAPALM
- Sorties salles : 6 septembre 2017
- Réalisation : Claude Lanzmann
- Production : François Margolin
- Photographie : Caroline Champetier
- Montage : Chantal Hymans
- Distribution : Paname Distribution
- Durée : 1h40
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