Résumé : 70 festivals, 70 Palmes d’or, 70 sélections, 70 présidents et… 70 journalistes pour remonter le film de toutes ces cérémonies et années glorieuses. 70 critiques parmi les plus avertis et les plus assidus, français bien sûr, mais également américains, italiens, russes, indiens, mexicains, turcs pour mieux rapporter le foisonnement et la diversité de Cannes. Ces années-là c’est le roman d’une aventure née en 1939 au seuil du conflit mondial et réhabilité en 1946 comme pour mieux oublier ses épouvantes. Le récit mélancolique et passionné d’une institution qui n’a jamais failli à sa vocation première : révéler. Des maîtres (Rossellini, Truffaut, Loach, Coppola, Wajda, Wenders, Lynch ou Tarantino) et des chefs-d’oeuvre (Le Guépard, La Dolce vita, Les Parapluie de Cherbourg, Blow up, Taxi driver, Paris Texas, Underground, The Tree of life). Mais encore une certaine idée d’un cinéma qui sans cesse innove, se dépasse et va de l’avant. Les 70 journalistes sélectionnés par Thierry Frémaux, délégué général du Festival – de Michel Ciment à Eric Neuhoff, de Lorenzo Codelli à Nick James – donnent la mesure de cette permanence et de cette obsession. Qui rapporte Georges Simenon président du jury ; les échauffourées de Mai 68 ; le bras d’honneur de Maurice Pialat ; le sacre incertain de Oncle Boonmee, les engagements d’Entre les murs ou de Fahrenheit 9/11, mais, plus encore, tant de confidences assumées et de bonheurs partagés.
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Ca y est : le 70e Festival de Cannes vient d’ouvrir ses portes et de déballer son tapis rouge. Pour son soixante-dixième anniversaire, le plus célèbre des festivals de cinéma français a vu les choses en grand. Rétrospectives, invités de prestiges, et autres manifestations bien connues des habitués de la Croisette. Côté livres, ce n’est pas mal non plus, la preuve avec Ces années-là, soixante-dix chroniques que Thierry Frémaux, délégué général du Festival depuis 2004, a pris soin de commanditer auprès des plus célèbres journalistes de la critique internationale. De 1946 à 2016, beaucoup de films, de réalisateurs, d’acteurs, de prix, et de … souvenirs. Car l’objectivité habituelle laisse ici la place au recueillement nostalgique. Sous forme de lettre, de synthèse ou de pige, chacun y va de son style, de son anecdote, forcément instructive. Danièle Heymann rappelle ainsi l’atmosphère si particulière qui entoura la première édition en 1946, marquée par le retour de la liberté et par la disparition de Raimu, tandis que Gérard Lenne se remémore « ce temps béni [où] les projections ne commençaient pas avant 10h30. » Car dix ans plus tard, ce sont bien les nouveaux horaires qui auront raison de l’étonnement des critiques, stupéfaits de voir la Palme d’Or attribuée à Emir Kusturica pour son Papa est en voyages d’affaires, film yougoslave projeté tôt le matin et que Aurélien Ferenczi admet avoir « raté », avant de décrire avec humour son bizutage lors de cette édition 1985. Les quatre ou cinq pages accordées à chaque auteur forcent à la concision. La Sélection officielle, d’accord, mais pas que ! En 1992, c’est hors compétition que Thierry Jousse fait ses plus belles découvertes, et en premier lieu sa rencontre avec Gena Rowlands à laquelle succéderont le contact amical de Abbas Kiarostami et la vision enthousiasmante du Bad Lieutenant d’Abel Ferrara (présenté à Un Certain Regard). Danielle Attali évoque quant à elle l’évènement Welcome to New York de Ferrara (encore) comme une sorte de mini-séisme qui secoua les débuts de l’édition 2004, avant de décrire sa déception face au palmarès qui n’attribua aucune récompense au très beau Timbuktu d’Abderrahmane Sissako. Rappelons encore l’anecdote de Geoff Andrew qui d’abord très réticent à l’idée d’interviewer Al Pacino, sortit de son entretien conquis par l’intelligence de l’acteur et par la force de son film, Looking for Richard. Cannes, le festival des vedettes, des excès (rapportés par Jean-Michel Frodon à propos des producteurs Golan et Globus présentant d’une bien étrange manière leur prochain film), mais aussi des découvertes (le documentaire Hôtel Terminus de Marcel Ophüls dont l’anglais Nick James rappelle l’importance morale et la densité intellectuelle), et des polémiques (la fameuse édition de 1968 durant laquelle les habituels débats cinéphiles se transformèrent en joutes politiques qui forcèrent l’arrêt du Festival après la projection de huit films seulement). À travers ces récits multiples, ce n’est pas seulement l’histoire d’un festival qui se dessine, mais bien celle du cinéma, art offert à un regard tout à la fois singulier et multiple. Gageons que cette soixante-dix-septième édition apportera elle aussi son lot de surprises et de (beaux) souvenirs.
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- CES ANNÉES-LÀ. 70 chroniques pour 70 éditions du Festival de Cannes sous la direction de Thierry Frémaux disponible aux Éditions Stock le 10 mai 2017
- 400 pages
- 21.50 €