Ce vendredi 20 Février 2015, les César ont fêté leur 40e anniversaire sous les étoiles africaines. Timbuktu du Mauritanien Abderrahmane Sissako, repart avec 7 prix dont ceux des meilleurs film et réalisateur. La cérémonie a aussi fait la part belle à la jeune génération avec les prix remis à Pierre Niney, Adèle Haenel, Xavier Dolan et à Kristen Stewart.
« C’est parti pour 9 heures merveilleuses ! » avait plaisanté Edouard Baer. Heureusement que ce boute-en-train, avec volontairement ses cheveux en bataille et son nœud papillon défait, a assuré dans son rôle de maître de cérémonie. La 40e nuit des César fut en effet longue… très, très longue. Près de 4 heures de remerciements, de sketches et de discours : un record ! Ça démarre correctement avec un monologue d’ouverture de la part de Dany Boon, président de la soirée, cependant bien trop autocentré sur lui-même. « La vitesse de la lumière étant plus rapide que celle du son, on trouve toujours les acteurs beaux avant de les trouver cons », lance notamment le réalisateur de Bienvenue chez les Ch’tis. Par la suite, le rythme est souvent brisé par d’interminables discours que quelques moments cocasses ne sont pas toujours parvenus à atténuer.
7 César pour Timbuktu, 3 pour les Combattants… et Kristen Stewart!
Heureusement du côté du palmarès, quelques bonnes surprises surgissent face au triomphe de Timbuktu d’Abderrahmane Sissako. La dernière œuvre du Mauritanien a raflé 7 trophées, dont ceux des meilleurs film, réalisateur et scénario original. Une sacrée revanche pour l’équipe, repartie bredouille du dernier festival de Cannes mais dont les distinctions se multiplient. Timbuktu concourt même aux Oscars, dans la catégorie meilleur film étranger. En attendant la réponse ce dimanche soir, Sissako peut se réjouir de la reconnaissance de son œuvre. « Il n’y a pas de choc des civilisations, mais une rencontre des civilisations », a-t-il déclaré sur la scène du théâtre du Châtelet, évoquant aussi « l’Afrique, ce continent extraordinaire dont on parle rarement dans sa beauté et sa force, nous regarde. ». Porté par la critique, son drame axé sur le régime de terreur des djihadistes au Mali résonne fortement avec l’actualité après la tuerie de Charlie Hebdo et a sans nul doute interpellé l’Académie. Notons que son distributeur, Le Pacte, a aussi remporté le pactole à cette soirée, avec les autres primés Minuscule, Hippocrate et Le Sel de la Terre.
Il ne reste alors plus grand-chose pour la concurrence. Le SAINT LAURENT de Bertrand Bonello (notre critique) partait pourtant favori avec 10 nominations. Mais l’on peut cependant se réjouir de voir la jeunesse consacrée à juste titre. D’accord, certains peuvent s’offusquer de la victoire de Louane Emera comme meilleur espoir féminin pour La Famille Bélier, quand Joséphine Japy pour Respire était attendue. Ce César pour son rôle de jeune chanteuse entourée par des parents et un frère sourds était sans doute une façon de ne pas oublier le phénomène cinématographique du moment. Toujours en salles, la comédie d’Eric Lartigau a dépassé les 6,3 millions d’entrées. En tout cas, quel plaisir de voir le superbe LES COMBATTANTS de Thomas Cailley (notre critique) conclure la soirée avec trois blocs dorés, un minimum cela dit au vu de ses 9 citations. Meilleur premier film donc, et meilleur espoir masculin pour le craquant et très spontané Kevin Azaïs. Quant à la géniale Adèle Haenel, déjà sacrée meilleur second rôle l’an passé pour SUZANNE de Katell Quillévéré (notre critique), elle dame le pion aux valeurs sûres – Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Karine Viard, Marion Cotillard – en tant que meilleure actrice. La comédienne de 26 ans s’impose définitivement comme l’une des plus en vue de sa génération.
Du côté des acteurs, plusieurs générations étaient également en lice, mais c’est finalement Pierre Niney, 25 ans, qui l’emporte pour sa brillante incarnation d’YVES SAINT LAURENT de Jalil Lespert (notre critique). En compétition avec, entre autres, Guillaume Canet (La prochaine fois je viserai le coeur) et Romain Duris (Une Nouvelle Amie), Pierre Niney n’a d’ailleurs pas manqué de saluer l’autre interprète du couturier, Gaspard Ulliel, également nommé et exceptionnel – voire supérieur – dans SAINT LAURENT. Le fascinant biopic de Bertrand Bonello, l’une des sensations de Cannes en Mai 2014, n’est reparti qu’avec le César des meilleurs costumes.
Autre très bonne surprise, Reda Kateb, couronné meilleur acteur dans un second rôle pour sa prestation dans HIPPOCRATE de Thomas Lilti (notre critique). Mais c’est surtout le prix du meilleur second rôle féminin attribué à Kristen Stewart qui a crée son petit effet pour sa performance dans SILS MARIA d’Olivier Assayas (notre critique), lequel aurait mérité plus d’attention. L’héroïne de Twilight a fait donc sensation en tant que première Américaine, à seulement 24 ans, à être césarisée. Jeunesse toujours avec le Canadien Xavier Dolan, dont le très acclamé MOMMY (notre critique) est sacré meilleur film étranger, devant la Palme d’Or 2014 WINTER SLEEP du Turc Nuri Bilge Ceylan (notre critique) et l’oscarisé TWELVE YEARS A SLAVE du Britannique Steve McQueen (notre critique), sacré meilleur film.
40 ans de César en images
Malgré ce vent de fraîcheur et ce voyage jusqu’en Afrique avec Timbuktu, il a été difficile de ne pas s’ennuyer en quatre heures de cérémonie. On retient quand même : l’émouvant message de Joann Sfar sur les dessinateurs et caricaturistes, le Medley de 40 ans de films aux César – avec des images du Vieux Fusil, du Dernier Métro, d’A nos amours…, la reprise par Mathieu Chedid avec le trompettiste Ibrahim Maalouf de la chanson principale de L’Amour en fuite de François Truffaut. Ou encore l’hommage rendu à Alain Resnais, disparu en mars dernier, par sa troupe de comédiens devant une Sabine Azéma en larmes. Mais aussi plusieurs sursauts d’humour, dont le faux César du meilleur court métrage d’Edouard Baer improvisé dans la salle en compagnie de François Damiens, Pierre Niney et Louis Garrel, et enfin la joute verbale de Zabou Breitman et Pierre Deladonchamps (voir l’extrait ci-dessous).
17 minutes de Sean Penn, César d’Honneur
Ce fut l’un des temps forts de la soirée : le César d’Honneur décerné à Sean Penn. Un montage d’environ 4 minutes retrace la carrière du comédien et cinéaste américain, de Comme un chien enragé à Harvey Milk en passant par ses réalisations – The Pledge, Into the Wild. « Aucune trace de vous dans le père handicapé de Sam Je suis Sam ou dans le père de famille meurtri de Mystic River… Ou plutôt si : toute votre humanité », a déclaré Marion Cotillard, remettante du trophée, dans un long hommage précédé d’une standing ovation de la salle. Visiblement émue, l’actrice a salué l’homme : « au-delà de l’artiste, un idéaliste, un homme libre qui se rebelle, qui questionne ». « C’est le cinéma français qui a maintenu le rêve dans des moments cyniques », a insisté Sean Penn, la personne la plus applaudie de la cérémonie la plus longue de l’histoire des César.
Et maintenant direction la 87e cérémonie des Oscars qui se déroulera ce dimanche 22 Février 2015 au Dolby Theatre de Los Angeles…
PALMARES CÉSAR 2015
MEILLEUR FILM
- Les Combattants
- Eastern Boys
- La Famille Bélier
- Hippocrate
- Saint Laurent
- Sils Maria
- GAGNANT Timbuktu
MEILLEUR REALISATEUR
- Céline Sciamma (Bande de filles)
- Thomas Cailley (Les Combattants)
- Robin Campillo (Eastern Boys)
- Thomas Lilti (Hippocrate)
- Bertrand Bonello (Saint Laurent)
- Olivier Assayas (Sils Maria)
- GAGNANT Abderrahmane Sissako (Timbuktu)
MEILLEUR ACTEUR
- Niels Arestrup (Diplomatie)
- Guillaume Canet (La Prochaine fois je viserai le cœur)
- François Damiens (La Famille Bélier)
- Romain Duris (Une nouvelle amie)
- Vincent Lacoste (Hippocrate)
- GAGNANT Pierre Niney (Yves Saint-Laurent)
- Gaspard Ullliel (Saint Laurent)
MEILLEURE ACTRICE
- Juliette Binoche (Sils Maria)
- Marion Cotillard (Deux jours, une nuit)
- Catherine Deneuve (Dans la cour)
- Emilie Dequenne (Pas son genre)
- GAGNANTE Adèle Haenel (Les Combattants)
- Sandrine Kiberlain (Elle l’adore)
- Karine Viard (La Famille Bélier)
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND ROLE
- Eric Elmosino (La Famille Bélier)
- Guillaume Galienne (Yves Saint-Laurent)
- Louis Garrel (Saint Laurent)
- GAGNANT Reda Kateb (Hippocrate)
- Jérémie Renier (Saint Laurent)
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND ROLE
- Marianne Denicourt (Hippocrate)
- Claude Gensac (Lulu femme nue)
- Izïa Higelin (Samba)
- Charlotte Le Bon (Yves Saint-Laurent)
- GAGNANTE Kristen Stewart (Sils Maria)
MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
- GAGNANT Kévin Azaïs (Les Combattants)
- Ahmed Dramé (Les Héritiers)
- Kirill Emelyanov (Eastern Boys)
- Pierre Rochefort (Un beau dimanche)
- Marc Zinga (Qu’Allah bénisse la France)
MEILLEUR ESPOIR FEMININ
- Lou de Laâge (Respire)
- GAGNANTE Louane Emera (La Famille Bélier)
- Joséphine Japy (Respire)
- Ariane Labed (Fidelio, l’odyssée d’Alice)
- Karidja Touré (Bande de filles)
MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL
- Les Combattants
- La Famille Bélier
- Hippocrate
- Sils Maria
- GAGNANT Timbuktu (Abderrahmane Sissako et Kessen Tall)
MEILLEURE ADAPTATION
- La Chambre bleue
- GAGNANT Diplomatie (Cyril Gely et Volker Schlöndorff)
- Lulu femme nue
- Pas son genre
- La Prochaine fois je viserai le cœur
MEILLEUR PREMIER FILM
- GAGNANT Les Combattants de Thomas Cailley
- Elle l’adore
- Fidelio, l’odyssée d’Alice
- Party Girl
- Qu’Allah bénisse la France
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
- Bande de filles
- Bird People
- Les Combattants
- GAGNANT Timbuktu (Amine Bouhafa)
- Yves Saint-Laurent
MEILLEUR MONTAGE
- Les Combattants
- Hippocrate
- Party Girl
- Saint Laurent
- GAGNANT Timbuktu (Nadia Ben Rachid)
MEILLEUR SON
- Bande de filles
- Bird People
- Les Combattants
- Saint Laurent
- GAGNANT Timbuktu (Philippe Welsh, Roman Dymny, Thierry Delor)
MEILLEURE PHOTOGRAPHIE
- La Belle et la Bête
- Saint Laurent
- Sils Maria
- GAGNANT Timbuktu (Sofian El Fani)
- Yves saint Laurent
MEILLEURS DECORS
- GAGNANT La Belle et la Bête (Thierry Flamand)
- La French
- Saint Laurent
- Timbuktu
- Yves Saint Laurent
MEILLEURS COSTUMES
- La Belle et la Bête
- La French
- GAGNANT Saint Laurent (Anaïs Romand)
- Une nouvelle amie
- Yves Saint Laurent
MEILLEUR DOCUMENTAIRE
- Caricaturistes – Fantassins de la démocratie de Stéphanie Valloatto
- Les Chèvres de ma mère de Sophie Audier
- La Cour de Babel de Julie Bertuccelli
- National Gallery de Frederick Wiseman
- GAGNANT Le Sel de la terre de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado
MEILLEUR FILM ETRANGER
- Twelve Years A Slave de Steve McQueen
- Boyhood de Richard Linklater
- Deux jours, une nuit des frères Dardenne
- Ida de Pawel Pawlikowski
- GAGNANT Mommy de Xavier Dolan
- The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson
- Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan
MEILLEUR COURT-METRAGE
- Aïssa de Clément Tréhin-Lalanne
- GAGNANT La Femme de Rio de Emma Luchini et Nicolas Rey
- Inupiluk de Sébastien Betbeder
- Les Jours d’avant de Karim Moussaoui
- Où je mets ma pudeur de Sébastien Bailly
- La Virée à Paname de Carine May et Hakim Zouhani
MEILLEUR LONG METRAGE D’ANIMATION
- Le Chant de la mer de Tomm Moore
- Jack et la mécanique du cœur de Mathias Malzieu et Stéphane Berla
- GAGNANT Minuscule – La vallée des fourmies perdues de Thomas Szabo et Hélène Giraud
MEILLEUR COURT METRAGE D’ANIMATION
- Bang Bang ! de Julien Bisaro
- La Bûche de Noël de Vincent Pater et Stéphane Aubier
- La Petite casserolle d’Anatole d’Eric Montchaud
- GAGNANT Les Petits cailloux de Chloé Mazlo